Le site industriel de Notre-Dame-de-Briançon se compose de plusieurs unités de production dont les bâtiments installés de part et d'autre de l'Isère forment un ensemble complexe. A l'origine, il existait trois usines distinctes.
Usine de carbure de calcium et d'électrodes (rive gauche)
Historique
Le 1er août 1896, les sieurs Jean Paul Gromier, G.Planche et Cie demandent l'autorisation d'établir une usine de fabrication de carbure de calcium alimentée par une centrale hydroélectrique utilisant le torrent de l'Eau Rousse (IA73003662). Au cours de l'enquête publique la plupart des communes concernées sont favorables à la construction de l'usine (Aigueblanche, Villargerel, Bellecombe, Bonneval, Feissons, Pussy, Notre-Dame-de-Briançon). Seuls trois agriculteurs de Saint-Oyen s'opposent au projet (FR.AD073, M918). Par arrêté préfectoral du 31 juillet 1897, la Société Planche et Cie est autorisée à construire l'usine mais elle cède finalement ses droits à la Société des Carbures Métalliques (fondée le 23 mars 1896, capital : 3 200 000 de francs, siège social : 50 boulevard Haussmann à Paris). Cette société est propriétaire des brevets du chimiste Louis Michel Bullier pour la fabrication du carbure de calcium à l'échelle industrielle.
L'usine est construite en 1897. Elle est dirigée par M.Lambert. Le premier conseil d'administration est présidé par Henri Gall et compte Louis Michel Bullier et Henri Moissan. A partir de 1899, la Société des Carbures Métalliques fabrique aussi des électrodes. L'usine dispose désormais d'une partie fabrication de carbure de calcium et d’une partie fabrication d’électrodes.
En 1900, le conseil municipal de la commune de Notre-Dame-de-Briançon se plaint des désagréments causés par les gaz et poussières de l'usine de carbure (FR.AD073, M918).
En 1919, la Société des Carbures Métalliques fusionne avec la Société d’Électro-Chimie. L’usine de fabrication de carbure est intégrée directement à la Société d’Électro-Chimie tandis que la production d’électrodes est louée à une filiale créée à cette occasion en 1920, la Société des Électrodes de Savoie (SES).
En 1932, la SES s'allie à la Société américaine Acheson pour créer la Compagnie industrielle Savoie-Acheson (CISA) chargée de la fabrication des électrodes de graphites.
En 1952, la Société des Électrodes et Réfractaires de Savoie (SERS) est créée pour gérer cette production à Notre-Dame-de-Briançon et dans une autre usine à Vénissieux.
En 1958, une partie du complexe industriel est toujours occupée par la Société d’Électrochimie, d'électrométallurgie et des Aciéries d'Ugine qui produit du carbure de calcium. L'autre partie est occupée par la Compagnie industrielle Savoie-Acheson (filiale à 60% du groupe Union Carbide et à 40% de la SECEMAEU) qui fabrique des électrodes de graphite.
L'usine de Notre-Dame-de-Briançon cesse de produire du carbure de calcium en 1961 (L.Chabert, Revue de géographie alpine, 1972).
Actuellement, une partie du site est exploitée par la Société Graftech France qui produit du graphite, l'autre partie est occupée par la Société Carbone Savoie (filiale de Rio Tinto) spécialisée dans la fabrication des cathodes en carbone et en graphite.
Fonctionnement de l'usine et productions
En 1897, la chaux nécessaire à la production du carbure de calcium est fabriquée à l'usine à partir de calcaire provenant des environs d'Aix-les-Bains (Le Courrier des Alpes, 24 juillet 1897). La Société des Carbures Métalliques possède aussi une carrière de calcaire près d'Aigueblanche. L'anthracite provient d'Angleterre.
L'usine dispose d'une puissance électrique de 13000 chevaux : 3000 chevaux sont fournis par la centrale de l'Eau Rousse, située en plein cœur de l'usine (IA73003662) et 10000 chevaux proviennent de la centrale de la Rageat située à 10 kilomètres (mise en service en 1899). Une partie de l'eau arrivant par la conduite forcée de l'Eau Rousse actionne aussi trois turbines Pelton (constructeur : atelier du Vevey) produisant de la force mécanique pour les besoins de l'usine.
A l'origine, l'usine de Notre-Dame-de-Briançon pouvait produire 25 tonnes de carbure de calcium par jour. Il était vendu en France et à l'étranger, notamment en Allemagne, en Amérique, en Belgique, en Italie, à Madagascar, etc. En 1958, elle produisait annuellement 15000 tonnes de carbure de calcium, 150 tonnes de bidons à carbure et 175000 mètres-cubes d'acétylène dissous (FR.AD073, 109F24).
Concernant la fabrication d'électrodes, l'usine en produisait moins de 1000 tonnes par an à ses débuts. En 1908, la fabrication dépassait les 2000 tonnes et en 1914 les 4000 tonnes par an (FR.AD073, 109F24). En 1937, l'usine produit 8000 tonnes et en 1958, 16000 tonnes.
A l'origine, l'usine employait 200 ouvriers : 15 pour la centrale électrique, 40 à l'usine d'électrodes, 10 pour la chaux, 20 aux ateliers de réparation et 115 à l'usine de carbure. En 1976, l'usine employait toujours 457 personnes dont la plupart étaient originaires de la région (FR.AD073, 109F24).
Usine de cyanamide de calcium (rive droite)
Au début du XXe siècle, la Société Française des produits azotés (Capital : 1 000 000 de Francs, Siège Social : 2 rue Blanche à Paris), filiale de la Société des carbures métalliques, décide d'installer en France une usine de production de cyanamide de calcium (procédé Frank et Caro) comme celle qui existe en Italie à Piano d'Orte, prés de Pescara depuis 1905. Le cyanamide de calcium est un nouvel engrais composé de carbure de calcium et d'azote. Il se décompose au contact de l'eau pour former de l'ammoniac.
Le 12 avril 1906, la Société Française des produits azotés demande l'autorisation de construire l'usine de cyanamide de calcium en rive droite de l'Isère, juste en face de l'usine de carbure de calcium afin de se fournir directement en matière première (FR.AD073, M918). Elle loue également à l'usine de carbure de calcium, l’énergie électrique provenant des centrales de l'Eau Rousse (IA73003662) et de la Rageat. Lors de sa construction, la production de l'usine est de 10 tonnes de cyanamide par jour (J. Escard, La fabrication électrochimique de l'acide nitrique, 1909).
En 1909, la Société Française des produits azotés fusionne avec la Société Suisse des produits azotés pour devenir la Société des produits azotés (capital porté à 2 200 000 francs).
En 1918, l'usine est toujours en activité.
L'usine de Notre-Dame-de-Briançon était la première et la plus importante usine de fabrication de cyanamide de France. Il existait une autre usine à Bozel dirigée par la Société l'Azote.
Usine de graphite (rive droite)
En 1899, la Société Le Carbone qui fabrique du graphite industriel s'installe également à Notre-Dame-de-Briançon, en rive droite de l'Isère, en amont de l'usine de cyanamide. Elle loue l'énergie électrique à la Société des Carbures Métalliques située en rive gauche de l'Isère. En 1914, le directeur de la Société Le Carbone, M.Sarda Garriga, demande l'autorisation d'utiliser le Grand Nant de Nâves pour construire une petite centrale destinée notamment à l’éclairage de sa villa (FR.AD073, 83S28). Visiblement le projet n'est pas réalisé. En 1924, les bâtiments de la Société Le Carbone sont repris par la Société des Électrodes de Savoie (FR.AD073, 109F24).
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