• enquête thématique régionale, Stations de sports d'hiver
Présentation de l'aire d'étude d'Avoriaz
Copyright
  • © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

  • Aires d'études
    Avoriaz
  • Adresse
    • Commune : Morzine

Morzine, une géographie de préalpes calcaires

La commune de Morzine occupe la partie supérieure du massif du Haut-Chablais, frontalier avec le Valais suisse. Le territoire s´étend sur une superficie de 4410 ha, partagé par deux vallées torrentielles qui prennent chacune leur source de part et d´autre du col du Fornet (2219 m d´alt.). Elles se réunissent pour former le torrent de la Dranse dont les eaux s´écoulent jusqu´au lac Léman. Le village de Morzine, chef-lieu de la commune, est bâti de part et d´autre de la Dranse, en contrebas de la rencontre des deux torrents (960 m d´alt.), site dominé du côté ouest par la Pointe de Ressachaux (2173 m d´alt.) et ses pentes couvertes de bois et d´alpage (Le Creux, Gaydon). Tandis qu´au nord, la Dranse de sous le Saix s´écoule depuis les montagnes de Séraussaix (1600 m d´alt.) et le plateau d´Avoriaz (1800 m d´alt.) sur lequel s´élève la station de sports d´hiver, anciens alpages dominés par les pentes nord des Hauts-Forts (2466 m d´alt.), de la Pointe de Vorla (2346 m d´alt.), de la Pointe de Chavanette (2219 m d´alt.) et de la Pointe du Fornet (2300 m d´alt.) transformées en domaine skiable. Le torrent traverse la vallée des Udrezants, dominée sur le versant adret par une falaise calcaire haute par endroits de sept cents mètres, percée de galeries de mines d´ardoises, tandis que sur le flanc ubac, s´étagent forêts de résineux et de multiples alpages tels Le Crot aux Chiens (1589 m d´alt.), les Côtes et le Vérard (1337 m d´alt.), Morzinette (1600 m d´alt.). Au sud, la Dranse de la Manche est une vallée plus large, habitée de plusieurs hameaux, dominée sur le versant ubac par les rochers découpées de la Cornette de Nyon (1882 m d´alt.) et de la pointe de Nyon (2019 m d´alt.), tandis que sur le versant adret s´étagent entre 1450 et 1950 m d´altitude, de nombreux alpages : Chalets du Plan de Zore, Bramaturtaz, Granges des Grand Pré, Poil aux Chiens, chalets de Beaudeau, chalet de l´Aiguille, le Beau Bornon. Le fond du vallon est fermé par un cirque de montagnes, formées du flanc sud, abrupt, des Hauts-Forts, la Pointe du Fornet, les pentes herbeuses du Col de Cou (1920 m d´alt.), passage avec les montagnes de Champéry en Valais suisse, puis les contreforts des Dents Blanches. La Dranse de la Lanche constitue un autre vallon secondaire avec plusieurs alpages et contourne les pentes de la Pointe de Nyon équipée en domaine skiable et remonte jusqu´au col de Joux-Plane (1744 m d´alt.), passage avec les montagnes de Samoëns et la vallée du Giffre.

Morzine, vallée agro-sylvo-pastorale

Il s´agit d´un paysage de montagnes « pré alpines », faites de multiples vallées au pentes douces et exploitées différemment selon l´altitude et l´exposition aux soleil. Ce paysage est le reflet d´une exploitation agro-sylvo-pastorale de la montagne attestée depuis l´époque médiévale et reposant sur une exploitation rationnelle des versants selon leur orientation et leur altitude. L´économie repose sur une organisation familiale de l´exploitation pastorale. Chaque famille réside en bas et exploite une terre d´alpage en période estivale, dont les droits, pour certains, sont concédés par les moines de l´abbaye de Saint-Jean d´Aulps (commune de Saint-Jean d´Aulps). C´est le cas de la montagne d´Avoriaz. En devenant paroisse indépendante en 1606, s´ouvre une série de conflits opposant les cultivateurs de la paroisse de Morzine aux cultivateurs autrefois albergeataires mais résidant sur le territoire de Saint-Jean d´Aulps ou même des Gets. En 1705, mettant un terme à un siècle de rivalités, la Commune de Morzine rachète les droits d´exploitation sur le plateau d´Avoriaz qui devient l´unique alpage communal de Morzine.

Morzine, petit centre artisanal

Morzine est le centre économique de la haute vallée de la Dranse, relié par la route à Thonon en 1862 et à Taninges par le col des Gets en 1890. En l´espace de près de 150 ans, le bourg rural est devenu un centre touristique de premier plan pour tout le Chablais et le département de la Haute-Savoie, à l´économie touristique florissante. Ces mutations économiques se sont inscrites au cours du temps dans l´espace du village devenu une station et dans tous les paysages alentours. En 1848, Morzine compte 2064 habitants. À l´annexion de la Savoie à la France en 1860, la commune n´en comprenait plus que 1800, début d´une émigration vers les vallées et les centres industriels. Tandis qu´à l´aube du XXI° siècle, la commune de Morzine abrite 3500 habitants installés dans une prospérité économique bien supérieure à la moyenne nationale et accueille près de 60 000 lits touristiques. L´économie est alors dominée par les activités agricoles et pastorales. Des scieries, des forges et des moulins, construits en amont du village, utilisent l´énergie des Dranses. Les carrières d´ardoises, ouvertes en 1734, permettent une certaine prospérité économique. En 1872, l´activité des ardoisières concernent 180 personnes qui fournissent deux millions d´ardoises écoulées pour la plupart sur les marchés de Taninges pour les chantiers de Genève et des vallées du Giffre et de l´Arve. Sous l´influence conjuguée de l´essor de la station thermale d´Evian-les-bains (distante de 30 km) et de l´engouement pour la villégiature, Morzine devient à la fin du XIX° siècle un lieu de séjour consacré à la promenade en montagne.

1900, Morzine, centre de villégiature

En 1900, on dénombre trois hôtels (hôtel des Alpes, hôtel du Chablais, Hôtel de la Poste). Des chalets meublés se louent pour la saison. Des villas se construisent aux abords du village (chalet Brénaud, chalet des Sources). Le guide Johanne (édition 1906/1907) recommande la Joux Verte où « on y monte par les chalets de Séraussaix pour longer l´arête jusqu´aux chalets d´Avoriaz (1831 m) admirablement situés ... du Col de Chavannette, on descend directement au chalet de Chavannette et l´on continue par le sentier des chalets d´Avoriaz jusqu´à la base d´un gros bloc détaché où l´on prend un petit sentier à gauche pour atteindre un groupe de chalets dit Crot-aux-Chiens. Puis par un bon chemin en forêt et la route de la vallée des Ardoisères, on atteint Morzine... ».

1925, Morzine centre de sports d´hiver et station d´été

En 1925, le morzinois François Baud ouvre le « Grand Hôtel », conçu sur un modèle d´ « hôtel palace ». C´est le début d´une double saison touristique à Morzine qui va contribuer à enrayer le déclin démographique de l´après-guerre où la population ne comprend plus que 1350 habitants. Un club sportif est créé à Morzine avec une section « ski » encourageant la pratique du ski nordique, du ski de promenade et du ski-jôring.

1935, la construction du téléphérique du Pléney, Morzine, station de sports d´hiver

À l´initiative de quatre morzinois dont François Baud exploitant du « Grand Hôtel », on décide de construire un téléphérique sur les pentes du Pléney (1521 m d´alt.). Morzine devient alors « station de sports d´hiver ». L´inauguration a lieu le 15 Décembre 1934. C´est le second appareil mécanique pour skieurs construit dans les Alpes françaises, après la réalisation du téléphérique de Rochebrune à Megève l´année précédente. L´engin est réalisé par le constructeur allemand Bleichert qui a construit la même année le téléphérique à voyageurs de Grenoble. Exposée nord-est avec une dénivelée de 511 m (1010 m altitude de départ) et des cabines de 15 personnes, la piste domine le village et devient tout de suite un lieu d´attraction situé au contact des hôtels et des chalets. Les gares sont dessinées par l´architecte René Faublée (1906-1991) qui s´installera à Morzine en 1936, où il construira de nombreux chalets (chalet « Sol Neu » en 1938) et équipements collectifs jusque vers 1960, après avoir collaboré auprès de l´architecte Henry Jacques Le Même (1897-1999) à Megève. Le téléphérique sera rénové en 1999 par les établissements Pomagalski, la capacité des cabines portée à 25 personnes sans changer leur gabarit et l´architecture des gares reprise par l´architecte Jean-François Cottet-Puinel. Morzine devient alors un pôle touristique hivernal de premier plan : pistes de ski, tremplin de saut, pistes de bob et de luges, patinoire, 15 hôtels, 60 chalets. À la veille de la seconde guerre mondiale, la station peut accueillir 1800 personnes l´hiver et 2500 l´été. Un service de cars réguliers est établi entre Cluses et Morzine avec correspondance pour les « trains de neige ».

L´après-guerre, 1950-1960

Après la guerre, la saison hivernale reprend avec difficulté en raison de l´insuffisance des remontées mécaniques. Pourtant de nombreux chalets se construisent et la commune a par ailleurs retrouvé un essor démographique avec 1730 habitants en 1946. Pour le ski alpin, deux sites (les Hauts-Forts et la Pointe de Nyon) sont convoités en raison de leur bonne orientation nord et d´une bonne déclivité, mais leur éloignement du village et des résidences, hôtels et chalets, complique leur équipement. Néanmoins, l´alpage communal d´Avoriaz, sur lequel sont bâtis neuf chalets d´alpage, et les pentes des Hauts-Forts sont concédés le 4 Juillet 1948 pour une durée de 99 ans par la commune de Morzine à la « Société d´étude du téléphérique des Hauts-Forts » représentée par Jason de Foras, originaire de Thonon, tout en préservant les droits des alpagistes. La société s´engage à construire un téléphérique depuis la vallée des Ardoisières jusque sur le plateau et à réaliser des remontées mécaniques. Les pentes de la pointe de Nyons seront équipées plus tard.

1950-1959, le télébenne de Super-Morzine et le projet Clerc-Renaud pour les Hauts-Forts / Avoriaz

Par contre, en 1950, un groupe d´hôteliers de Morzine, réunis autour de François Baud, constituent la « Société du Télébenne de Super-Morzine » en vue d´équiper le versant opposé du Pleynet. Ce sera Super-Morzine, offrant plus de 800 m de dénivelée, accessible directement depuis le quartier des hôtels grâce à la construction d´une passerelle métallique suspendue de 200 mètres de longueur qui surplombent les 35 m de profondeur de la gorge de la Dranse. La pente est gravie par une télébenne aux performances médiocres (28 pylônes, 94 nacelles bi-places, vingt-cinq minutes de trajet pour monter) fournie par la société Sosatel de Chambéry fondée par Gabriel Julliard (1906-1954) mécanicien originaire de Maurienne où il réalisa le premier prototype en 1949 à Valloire. Le chantier débute à l´automne 1951 et l´inauguration a lieu en janvier 1953. L´appareil ne répond pas aux espérances attendues en raison d´une technique vétuste qui n´assure pas le débit suffisant. De plus l´appareil est arrêté pendant deux saisons pour des raisons mécaniques. Cependant, la station poursuit son développement et se place en 1956 au troisième rang des stations de Haute-Savoie derrière Megève et Chamonix : 2000 habitants, 52 hôtels pension, 110 chalets, 3000 personnes en hiver, 6000 l´été, 20 constructions nouvelles chaque année. Pour remettre en état la télébenne, aussi bien sur le plan technique que financier, on fait appel à l´entreprise de charpente métallique Clerc-Renaud d´Aix-les-bains, sous traitant de la société Sosatel/Julliard pour le montage des appareils. Clerc-Renaud négocie avec la Commune de Morzine des compensations financières à cette reprise en obtenant la concession des terrains du plateau d´Avoriaz pour y développer de nouveaux équipements mécaniques et plus tard une station de sports d´hiver. Face aux carences de la « Société d´étude du téléphérique des Hauts-Forts » qui n´a réalisé en dix ans aucun investissement à l´exception d´un balisage pour le tracé du téléphérique, la Commune accepte de vendre les terrains communaux de l´alpage d´Avoriaz à Jean-Marie Clerc-Renaud, en échange de la construction d´un téléphérique à Super-Morzine qui remplacera la télébenne défaillante. La convention signée le 4 Juillet 1959 pour une durée de dix ans prévoit la vente de 82 ha, la rétrocession de 22 ha à la commune en voirie, terrains et équipements publics et un délai de deux ans est fixé à l´acquéreur pour présenter un projet d´ensemble. Clerc-Renaud imagine une chaîne de trois appareils reliant les Prodains au sommet des Hauts-Forts : télécabine monocâble des Prodains au lac d´Avorea, puis une seconde jusqu´au Plan Brazy et un téléphérique jusqu´au sommet des Hauts-Forts. Ce projet ne verra jamais le jour. De même, la télébenne de Super-Morzine ne sera jamais rénovée et la remontée cessera de fonctionner en 1964, suite à l´incendie de la gare inférieure.

1960-1961, l´équipement de la Pointe de Nyon

Par contre pour l´hiver 1960/1961, à l´initiative d´hôteliers et de commerçants de Morzine, l´équipement des pentes de la pointe de Nyon est mis en service avec un téléphérique (Applevage constructeur, Belle-Clos carrossier pour les cabines de 35 places, René Faublée architecte pour les gares), prolongé par un télésiège et six téléskis, offrant aux skieurs de Morzine, un domaine skiable d´une dénivelée totale de mille mètres d´altitude (1024 - 2019m).

J.-F. LYON-CAEN/C. SALOMON-PELEN

En 2006, le service régional de l'Inventaire général du patrimoine culturel (service de la Région Rhône-Alpes depuis la loi de décentralisation du 13 août 2004, après avoir été service du Ministère de la Culture, DRAC Rhône-Alpes) a confié à l'école nationale supérieure d'architecture de Grenoble (équipe de recherche architecture paysage montagne) une mission en vue d'établir l'inventaire topographique des constructions et des choix d'aménagement sur le territoire de la station d'Avoriaz. Il s'agissait d'identifier la spécificité des aménagements, de reconnaître les caractéristiques constructives de la station par la constitution d'une base documentaire et la définition d'une typologie. Cette mission s'attache à comprendre de l'intérieur les principes d'urbanisme et d'architecture qui ont guidé les concepteurs de la station dans leur travail et leur raisonnement.

Date(s) d'enquête : 2006; Date(s) de rédaction : 2008
© Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel
© Ecole d'architecture de Grenoble