Texte d´après le site : http://sculpt.fr/SUITE/INFOSCULPT/CHAMPOLL/numeris/num.html
Le statuaire Barholdi, alors réputé notamment pour sa statue de la Liberté, entreprend à l´issue de ses voyages en Egypte, de rendre hommage à Jean-François Champollion. Il choisit de représenter le savant plongé dans une profonde méditation, tel que le décrit l'écrivain Volney en 1791 dans "Ruines ou Méditations sur les révolutions des Empires" : "Je m'assis sur le tronc d'une colonne, et là, le coude appuyé sur le genou, la tête soutenue par la main, tantôt portant mes regards sur le désert, tantôt les fixant sur les ruines, je m'abandonnais à une rêverie profonde". Le plâtre original figure en 1867 à l´exposition universelle, dans le parc égyptien de Mariette au Champ de Mars.
Le projet de bronze n'aboutissant pas pour des raisons financières, Bartholdi sollicite et obtient le bloc de marbre blanc nécessaire à l'exécution en un matériau définitif. Présenté au salon de 1875, l'oeuvre est acquise et déposée au Collège de France. La veuve de Bartholdi offre en 1905 le plâtre original à la ville de Grenoble. Présenté d'abord au musée de Grenoble, il fut mis en dépôt au lycée Champollion pendant 60 ans, avant de revenir au musée en 1995. Restaurée par Hervé Manis sous la direction du musée du Louvre et du service de Restauration des Musées de France, c'est ce service qui proposa le moulage sans contact pour effectuer sa reproduction.
Cette dernière se fit avec le recours d´une technologie de pointe : le moulage sans contact grâce au laser, car l´original en plâtre était trop fragile pour se prêter à un moulage traditionnel. Des sphères rouges furent placées autour de l'œuvre, point de départ d'une longue opération de saisie de sa volumétrie par un scanner 3D qui a enregistré 2 500 000 points à la surface, répartis en 25 fichiers qui correspondent aux 25 points de vue nécessaires pour appréhender toute la surface de l'objet.
Le scanner a deux yeux : l'un émet un faisceau laser qui forme un spot sur la surface de l'œuvre, tandis que l'autre enregistre la scène en vidéo et repère le spot. L'ordinateur qui connaît l'angle d'émission, calcule l'angle de réception et déduit par triangulation la position spatiale du point dans l'espace.
Reproduit 2 500 000 fois, cette opération permet de recueillir un nuage de points de haute densité qui définit la volumétrie de la statue de Bartholdi. L´oeuvre a une existence virtuelle.
Des perforations verticales ont été prévues en CAO sur le modèle numérique afin d'insérer au montage des goujons verticaux destinés à réassembler les morceaux de l'oeuvre en parfait vis-à-vis. 28 couches ont été prévues pour sa reproduction. Chacune a été modélisée pour être contenue dans le volume de la machine, et contenir une partie de l'oeuvre.
Le procédé de reproduction de la statue consiste à superposer des couches de papier découpées une par une pour reproduire la forme. Le logiciel prévoit la géométrie de chaque tranche et pilote une machine équipée d'un laser qui découpe le papier. Chaque couche de papier est collée à chaud à celle qui la précède afin de créer un bloc solidaire. Par sa fine texture, le nouveau matériau obtenu s´assimile à du bois. Les couches de papier de 1/10ème de mm créent l'apparence d'une fibre ligneuse en tant qu'aspect de surface.
Les cubes de papier sortis de la machine sont ensuite dépouillés de l'excédent de matière. Petit à petit l'épiderme de la statue se révèle. Les blocs de papier sont ensuite réassemblés, collés et boulonnés. La masse est telle qu'il a fallu prévoir un évidement des blocs pour diminuer le poids.
De longues barres d'acier sont scellées à la résine dans les trous prévus sur le modèle numérique pour servir d'armature à la statue. Les formes de chaque niveau sont particulières et demandent le placement judicieux des armatures pour contenir les efforts en porte-à-faux. Lorsque la tête est enfin montée, le Champollion de Bartholdi s'est rematérialisé.
Comme les techniques de moulage traditionnelles, le moulage optique a ses limites propres qui nécessitent une retouche. On connaît les vilaines "coutures" des moules en plâtre ou en élastomère que l'auteur vient retoucher sur la cire à la fonderie d'art avant le tirage d'un bronze. Ici c'est la "vue" du scanner qui est en cause. son oeil ne sait pas encore saisir les creux prononcés. Il reste ce que l'on nomme des "zones d'ombre" que l'ordinateur interprète à sa manière en de grossiers triangles.
Il fallait le regard pointu et la main habile d'un sculpteur pour reprendre les formes de Bartholdi; "entrer dans la main de l'auteur" comme l'exprime Corinne Berthault "premier sculpteur sur blocs de papier". Le professionnel doit s'adapter au nouveau matériau. La gouge électrique taille certes cette matière comme du bois dur mais celui-ci est à contre-fil ; il résiste à la verticale mais éclate facilement à l'horizontale. Taille, ponçage se succèdent avant d'appliquer l'enduit final qui redonnera, travaillé au couteau, l'aspect du plâtre original, la couleur de terre cuite voulue par Bartholdi.
Chercheuse indépendante depuis 2003 auprès des services régionaux de l'Inventaire et de collectivités. A réalisé ou participé en tant que prestataire aux opérations suivantes : " Patrimoine des lycées " (avec la collaboration de Frederike Mulot), 2010-2015, " 1% artistiques ", 2019-2020 (avec la collaboration de Valérie Pamart), " Inventaire topographique de deux communes de l'ancien canton de Trévoux " (Pays d'Art et d'Histoire Dombes Saône Vallée, pour la communauté de communes Dombes Saône Vallée), 2019.