Intentions

Marie-José Burki a fait le choix de proposer une intervention sur les façades de l’entrée du bâtiment ainsi que celles de l’entrée médiane du bâtiment. L’architecture vitrée des entrées n’a rien de rigide au contraire, elle crée une certaine perméabilité entre le lycée et son environnement. Son projet cherche à souligner ce fait architectural tout en attribuant aux façades un rôle de représentation visuelle des activités du lycée.

Le projet tend à créer une continuité visuelle et métaphorique entre le dedans et le dehors en soulignant la transparence architecturale. Ceci aussi bien dans le choix de la technique (impressions digitales sur film transparent aposées sur un certain nombre de fenêtres) que dans le choix de la thématique (matériaux à partir desquels sont pensés et fabriqués les vêtements et accessoires, portraits de jeunes gens, génération des élèves de l’école).Tout comme lorsque l’artiste travaille pour une exposition, il est essentiel pour elle de loger l’œuvre dans l’espace, de déployer un dispositif visuel spécifique à l’endroit. Elle a choisi de n’ajouter aucun objet mais de placer des photographies en impressions digitales sur film à même certaines fenêtres, sur la surface du bâtiment. Du fait de la transparence de l’architecture des entrées, le passage de l’extérieur à l’intérieur se fait sans rupture volontariste. Son projet est de rythmer, scander cette respiration intérieur-extérieur. Il s’adresse aussi bien à celui qui se tient à l’extérieur qu’à celui qui se tient à l’intérieur, à celui qui entre, à celui qui sort du bâtiment. Son intervention artistique se destine tout à la fois aux passants, aux riverains auxquels elle doit donner en quelque sorte une représentation du lycée, et aux usagers du bâtiment, personnel, enseignants, élèves, pour lesquels l’intervention ne doit pas être une illustration tautologique.

L’entrée du lycée est un espace symbolique. Il s’ouvre sur l’extérieur, se prolonge par un long corridor qui mène aux lieux de travail. Pour l’entrée médiane et sa passerelle, les usages peuvent pénétrer dans le bâtiment, traverser cet espace laissant glisseur leurs regards sur l’extérieur. Cette entrée-ci est architecturalement un peu comme une reprise, au sens musical, de l’entrée principale du bâtiment, raison pour laquelle l’artiste pense qu’il est intéressant d’y intervenir également, reprenant et modulant ce qui se passe sur les façades de l’entrée principale. La perception de l’intervention de l’extérieur du bâtiment n’est toutefois pas la même que lorsqu’on circule à l’intérieur. L’usager du bâtiment qui utilise les deux niveaux en a une perception bien plus fragmentaire que le passant. Chaque photographie ou groupe de photographies peut être perçu pour lui-même. Marie-José Burki propose une intervention unitaire mais pas statique, qui puisse se percevoir de manière fragmentaire selon la déambulation.

Son intervention participe à donner une identité au lycée. Elle a l’ambition de donner une représentation visuelle allusive de ce à quoi s’occupent les élèves, une représentation des personnes qu’ils sont aussi au lycée et en dehors du lycée. Pour le passant, l’intervention offre une image, allusive, de ceux qui occupent le bâtiment, des objets de leurs apprentissages. Les vêtements sont les produits de matériaux et de savoirs enseignés. L’artiste a donc par le biais de la photographie choisi d’aborder les métiers de la couture et la mode selon deux angles : les matériaux qui procèdent à la fabrication du vêtement et les portraits de jeunes gens : ceux-ci se détournent de la caméra. Aucun visage ne vient signifier son identité, seul le peu de vêtement visible donne quelques informations succinctes à propos de qui il/elle est. Vus de l’extérieur les jeunes gens photographiés donnent l’impression qu’ils regardent à l’intérieur du bâtiment ; vus de l’intérieur, ils donnent le sentiment qu’ils regardent à l’extérieur. Ceci conforte la perméabilité visuelle de l’architecture.

Dans la continuité de son travail, ce projet développe ses recherches sur les images et les significations qu’elles induisent. Son travail s’intéresse aux rapports que l’on entretient avec le monde au travers de détails, objets, postures. Il est un travail d’observation et s’attache à l’évocation de moments à la fois bien réels et anodins, moments qui expriment le monde dans lequel nous vivons. Les rapports que nous entretenons les uns avec les autres, les uns avec les images des autres, sont au centre de son travail. La question du vêtement pose quand on l’aborde par la photographie la question du modèle. la question du vêtement est une question de l’identité, la question du vêtement c’est la question de la perception de soi et des autres. Quel rapport au monde entretient-on au travers du vêtement, des accessoires de mode ? Que disent les vêtements sur les êtres qui les portent ?

Ce projet joue de la description mettant en jeu les codes du portrait, questionnant le rapport à la pose du corps dans l’image photographique. Chaque geste, partie de corps, t-shirt, pull-over, etc., couleur, forme, texture, ont, puisque la photographie permet par son cadrage de regarder des choses comme on ne les voit pas, de les regarder de près, puisqu’elle permet de leur donner une vraie présence, ont donc une importance et sont les traces bavardes de notre rapport au monde.

Pour les adolescents, s’habiller revêt une importance capitale et consume beaucoup de temps et d’énergie. Faut-il appartenir à un groupe vestimentaire précis ? Le vêtement permet-il de se cacher du regard des autres ? Est-il d’une manière ou d’une autre une protection ou une affirmation de soi ? L’adolescence est un temps d’hésitation entre se montrer et se cacher, s’exhiber et se voiler, capter et redouter le regard de l’autre. Le vêtement participe à cela, la photographie peut manifester cette ambiguïté mettant au premier plan le port du vêtement, il couvre et voile, dévoile, exhibe tout à la fois. La photographie de vêtement, la photographie de mode, c’est toujours un personnage plus ou moins en pied qui s’offre à l’œil de la caméra ; dans ce projet, le personnage se détourne de l’appareil photographique.

L’appareil photographique tente de faire parler les apparences, à l’insu de celui qui les revêt. L’artiste envisage le portrait non comme une question bénigne unanimement soumise aux règles et attendus d’un genre académique, mais comme une manière de faire parler les apparences, faire parler les surfaces, les couleurs, les textiles, les accessoires.

Se montrer, se cacher, se montrer au regard de l’autre, se cacher au regard de l’autre ; dans un monde exhibitionniste et narcissique, où le spectacle est partout, où les images prolifèrent sur une façade de bâtiment, sur la façade d’un lycée consacré aux métiers de la couture et de la mode, il semble juste pour l’artiste de produire une œuvre photographique qui travaille l’exacte inverse de l’exhibition, la retenue, la modestie, la non-densification psychologique, qui parle par touches, couleur et fragments, une œuvre qui consiste en des images dans lesquelles le modèle se détourne du regard porté par lui.

Rapport au site

Continuité visuelle et métaphorique entre le dedans et le dehors en soulignant la transparence architecturale.

Environnement imaginaire et symbolique

L’identité.

Mise en œuvre

L’intervention est constituée d’un certain nombre d’impressions digitales sur film transparent collées directement sur les fenêtres. Elles n’empêchent pas la lumière de pénétrer dans le bâtiment. Les images sont visibles à la fois de l’intérieur, et de l’extérieur du bâtiment. Un nombre restreint de fenêtres sont occupées. Il ne s’agit pas de recouvrir la façade comme s’il s’agissait d’un mur de salle d’exposition, mais d’intégrer à l’architecture des images photographiques, de composition simple, claire. Il s’agit d’intégrer à l’architecture une intervention artistique sobre.

Ce projet situé dans les entrées du lycée tend à donner une visualisation, une idée de ce à quoi le lycée se consacre, une visualisation de ceux qui l’occupent sans en faire une banale illustration. Les idées de fabrication et de modèle sont reliés visuellement. Aux quelques portraits photographiques s’ajoutent des photographies de matériaux à partir desquels les vêtements sont produits, images qui reprennent l’élaboration des vêtements : bobines de fil, boutons, tissus. C’est une manière allusive d’indiquer que dans ce lieu un savoir complexe, fait de matières, couleurs et objets, est transmis.

Les quelques portraits photographiques sont des portraits de jeunes gens, filles et garçons se refusant, se détournant de l’œil de la caméra, des jeunes gens, approximativement de l’âge des élèves du lycée Testud.

Réalisation

Plusieurs impressions digitales sur films transparents aux dimensions des fenêtres de la façade des deux accès principaux au bâtiment. Les films sont collés sur la surface intérieure des fenêtres. L’impression digitale sur film n’empêche pas la lumière de passer. (…)

Calendrier

Développement artistique et technique : août-octobre 2009

Production des images :

- photographie et réalisation des films : novembre 2009-janvier 2010

- pose au lycée Testud : février 2010

- présentation du projet et accompagnement pédagogique : mars 2010

Budget

Administration et organisation, frais de déplacement, hébergement, nourriture, suivi technique et gestion du projet : 7.000 €

Production des images : équipement (location matériel, accessoires), personnel, tirages de référence : 8.000 €

Matériel et production : production de films photographiques : 24.000 €

Installation au lycée : personnel et tout matériel nécessaire à l’installation : 20.000 €

Action pédagogique et documentation : 3.000 €Honoraires M.J. Burki : 16.000 €