Déroulement de la mission (2019-2020)

La mission s’est déroulée de juillet 2019 à juillet 2020, avec un ralentissement dû à la crise sanitaire, entre le 16 mars et le 11 mai 2020. Elle a été menée par Élisabeth Dandel et Valérie Pamart, de l’agence Art2 Conseil, sous la direction scientifique de Catherine Guégan, chercheuse au service régional de l’Inventaire des patrimoines de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Phase 1 : Analyse critique du document État des lieux du 1% artistique de 2010, établissement de la liste des dossiers d’œuvre à réaliser

Le travail a consisté dans l’analyse des données produites par les étudiants de l'Ecole Saint-Luc de Liège (option conservation restauration), associés au Centre interdisciplinaire de conservation-restauration du patrimoine de Marseille en 2010, et de les compléter. La première tâche a consisté dans la distinction des œuvres relevant strictement du 1% (commandes de l’État à partir de 1951, puis des régions à partir de 1986), de celles n’ayant rien à voir avec le dispositif. Puis dans la distinction des œuvres détruites ou disparues, et celles installées à partir de 2010 jusqu’aux dernières commandes (2016). Enfin, des œuvres dont la présence dans les établissements restait à vérifier.

Phase 2 : Recherche documentaire, enquête terrain, saisie des données dans la base de données de l'Inventaire (Gertrude)

La recherche documentaire a porté sur les fonds des Archives nationales : le service compétent a dressé un tableau, au niveau national, de l’ensemble des achats réalisés au titre du 1% artistique depuis 1951. Ce tableau contient les informations apparaissant dans les procès-verbaux de la commission nationale des travaux de décoration dans les établissements publics, avec la cote du document. La consultation de ces documents a apporté les éléments historiques nécessaires à la compréhension du dispositif d’une part, des œuvres commandées d’autre part et a permis de compléter les données existantes : précisions sur les artistes, la date et les circonstances de la commande, la technique, visuels de maquettes et parfois de l’œuvre en place.

Les archives de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ont été consultées, et ont apporté les éléments sur les installations du 1er quart du 21e siècle, principalement.

Au sein même de la direction de la culture de la Région Rhône-Alpes (service Patrimoine et Arts plastiques), les dossiers numériques constitués par Isabelle Arnaud-Descours et Marianne Homiridis, jusqu’en 2015, constituent des sources importantes.

Les œuvres récentes, mises en place entre 2010 et 2016, ont fait l’objet d’une enquête de terrain (phase 2), pour relever leur emplacement, leurs dimensions et constater leur état de conservation ; dans le cas où le lycée contenait des œuvres antérieures, ces dernières ont été pointées. Des photographies ont été prises de l’ensemble de ces objets. L’enquête de terrain s’est déroulée en juin et juillet 2020.

Les dossiers d’œuvres ont été saisis dans la base de données de l'Inventaire (Gertrude) entre mars et juillet 2020. 346 œuvres sont enregistrées au titre du 1% artistique.

Le 1% artistique : les conditions de la commande

L’arrêté fondateur est celui du Ministère de l’Éducation nationale du 18 mai 1951, paru au Journal Officiel du 17 juin 1951. Ce règlement d’utilisation de crédits pour des travaux de décoration dans les bâtiments d’enseignement remplace les dispositions de l’arrêté du 15 novembre 1949 portant affectation des crédits pour des travaux de décoration dans les bâtiments d’enseignement. L’article 1er stipule que, « pour obtenir l’agrément, les projets de constructions scolaires et universitaires, présentés au comité central des constructions scolaires et au conseil général des bâtiments de France devra comporter un ensemble de travaux de décoration ». Les crédits s’élèvent à 1% maximum du coût de la construction. Les collectivités communales et départementales, les établissements publics à autonomie administrative et financière relevant du ministère de l’Éducation nationale pourront proposer dans les mêmes conditions que l’architecte auteur du projet, des artistes auxquels serait confiée l’exécution des travaux de décoration. L’agrément sera porté par un arrêté ministériel. Seulement alors pourra être présenté un avant-projet. Créée par arrêté du 28 juin 1949 auprès de la direction générale des arts et lettres, la commission consultative des achats et commandes de l’État est complétée pour être à même d’examiner les avant-projets et projets présentés. Une sous-commission est désignée pour formuler un avis sur l’agrément des artistes.

Le dispositif est revu et complété à la faveur de la politique de déconcentration. Le secrétariat d’État à la Culture précise, dans l’arrêté du 4 juin 1975, que les projets de construction scolaires et universitaires doivent comporter un ensemble de travaux de décoration qui poursuivent une double fin (article 1er) : d’une part, répondre à la volonté de compléter le cadre offert aux élèves et d’intégrer l’établissement construit dans son environnement ; d’autre part permettre aux élèves et au public d’entrer en contact avec des réalisations originales de l’art de leur époque. Ces travaux associent donc tous les arts à l’architecture des nouveaux bâtiments et donnent aux artistes contemporains une occasion de s’exprimer. L’architecte mentionne obligatoirement dans son avant-projet architectural soumis à la commission des opérations immobilières et d’architecture compétente le programme de décoration qu’il envisage avec indication de la nature et de l’emplacement des œuvres prévues (article 3). Ainsi, le programme de décoration n’est pas un ajout sans lien avec le projet architectural, mais bien un prolongement de ce dernier. La procédure d’agrément est modifiée (article 4). L’architecte demande à l’artiste un projet, examiné, pour les projets supérieurs à 50.000 F, par le recteur ou l’inspecteur d’académie compétent, puis soumis à l’avis de la commission nationale des travaux de décoration des édifices publics ; pour les projets inférieurs à 50.000 F, l’avis du recteur ou de l’inspecteur d’académie compétent fait l’objet d’un rapport du conseiller artistique régional. La décision d’agrément des artistes est prise par le préfet du département du lieu de construction pour les établissements du premier et du second degré, et selon le montant du crédit (supérieur ou inférieur à 50.000 F), sur l’avis de la commission nationale ou sur le rapport du conseiller artistique régional.

La commission nationale des travaux de décoration des édifices publics est composée du chef du Service de la Création Artistique (président de la commission), du chef du Bureau des Affaires générales, de l’Architecte en chef des bâtiments civils et des palais nationaux, du Directeur de l’architecture au Ministère de l’Environnement et du cadre de vie, du Chef du département des Arts plastiques du centre national d’art et de culture Georges Pompidou, du Chef du bureau des travaux de décoration des édifices publics, d’inspecteurs principaux de la Création artistique, du conseiller artistique régional.

Le dispositif est revu le 5 janvier 1978 (JO du 17 janvier 1978), élargit son application à « toute construction de bâtiment, réalisée ou subventionnée par le ministère de la culture et de l’environnement » (article 1er). Parmi les membres de la commission, figure le maire de la commune où s’érige la construction, ainsi que le maître d’ouvrage. Des membres nommés par le ministre de la culture et de l’environnement, pour trois ans, comprenant peintre, sculpteur, conseiller paysagiste, critique d’art, architecte ou une personnalité appartenant à l’une de ces catégories ou étant spécialiste des arts plastiques.Cet arrêté est abrogé par le décret n° 2002-677 du 29 avril 2002 relatif à l’obligation de décoration des constructions publiques et précisant les conditions de passation des marchés ayant pour objet de satisfaire à cette obligation (article 15). Les articles 1 et 4 parlent de réalisations artistiques, dont le champ est élargi aux nouvelles technologies ou faisant appel à d’autres interventions artistiques ; de même l’application étendue à la signalétique, à la conception d’un mobilier original ou l’aménagement d’espaces paysagers. Le projet ne relève plus de la responsabilité de l’architecte à la conception de son projet de bâtiment, mais devient l’affaire d’un comité artistique dévolu au dispositif du 1%.

Au sein de la Région Rhône-Alpes, la délibération n° 05.11.381 des 19 et 20 mai 2005 porte création d’un comité artistique chargé de l’insertion des œuvres d’art dans les lycées (A ARA 4319 W 2). Les membres sont désignés par arrêté du préfet de région. Pour chaque comité artistique, les personnes présentes obligatoires sont le président du comité artistique, le proviseur, le cabinet d’architecte en charge du dossier de travaux, le président de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) et son représentant, 3 personnes qualifiées (2 désignées par la DRAC, 1 par la Région) ; les personnes invitées sont l’ingénieur de la Direction du patrimoine, laquelle programme et suit l'exécution des travaux dans les lycées, chargé du suivi du dossier à la Région, le mandataire, un représentant de la direction de la culture de la Région (Isabelle Arnaud-Descours), l’assistant à maîtrise d’ouvrage (Marianne Homiridis), et le directeur des affaires juridiques. Un certain nombre de pièces sont préparées en amont de la réunion du comité artistique : pour chaque lycée sélectionné, des fiches présentant les artistes et leur projet artistique. Un tableau de synthèse regroupant les éléments financiers du 1%. Un calendrier des opérations prévues pour l’année en cours.

Un concours restreint est ouvert pour les procédures de plus de 30.000 € HT, comprenant une phase « définition des besoins » : convocation du comité artistique, organisation, les décisions portant sur les journaux où paraîtra la publicité, les sites internet, la date limite de dépôt des candidatures, le calendrier prévisionnel des futures réunions. La deuxième phase consiste dans le « lancement de la consultation et choix des candidats », qui suit la procédure d’un marché d’achat public. Au cours de la première phase, le comité artistique une fois les candidatures reçues, procède à leur examen : le nombre des candidatures peut dépasser la centaine… Il retient alors 3 artistes, pour en phase 2, recevoir leur offre de décoration. Il propose ces candidatures au président de la région qui devra prendre la décision définitive par arrêté. Cet arrêté fixe le nom des 3 candidats retenus. La troisième phase « Élaboration du projet » est alors lancée. Le projet est défini par la direction de la culture, les cahiers des charges et règlements de consultation sont rédigés et transmis aux artistes. Les offres sont consignées dans un registre des dépôts. Le comité artistique est convoqué pour étudier les trois offres et au cours de cette réunion, retenir un artiste et un projet. Cette proposition est soumise au président de la région qui prend l’arrêté pour les procédures inférieures à 150.000 € HT et prépare un rapport en commission pour les marchés supérieurs à 150.000 € HT.

C’est dans la ville de Grenoble, pour le lycée Les Eaux Claires, qu’apparaissent les premières commandes, installées entre 1954 et 1959 (IM38001026). Les commandes se succèdent régulièrement et de manière exponentielle jusqu’à la décennie des années 80 (années 50 : 33 commandes ; années 60 : 79 ; années 70 : 74). Ensuite le déclin des commandes est progressif : 57 dans les années 1980, 43 (années 1990), 27 (années 2000, avec interruption en 2002, 2004 et 2005), 27 entre 2010 et 2016, date à partir de laquelle les commandes s’interrompent.

Les créateurs

Dès les premières années de commandes, les artistes de formation académique tels Louis Dideron, Marcel Chauvet, Marcel Renard, Noël Papet, Paul Belmondo, côtoient les représentants des avant-gardes comme Yvette Alde, Guidette Carbonell, Georges Tautel, Alexander Calder et des représentants de la création locale tels Jean-Marie Pirot dit Arcabas, Georges Manillier, Costa Coulentianos. Parmi les 346 œuvres enregistrées, 15 restent sans identification d’auteur, par manque de documentation et/ou par destruction de l’œuvre. Si la plupart des 230 artistes relevés n’ont été sollicités qu’une fois, certains ont su s’attirer le succès et une régularité de commande. Parmi eux, Jean-Marie Pirot dit Arcabas, Pierre Sabatier et Georges Tautel tiennent le haut du pavé avec 6 commandes chacun ; Robert Pierrestiger, Marcel Renard, André Tajana ont livré chacun 4 œuvres ; Avoscan, Claude Baillon, Costa Coulentianos, André Deluol, Christiane Guillaubey, Robert Kalbfeis dit Darnas, Maurice Parant, Erwin Patkaï sont retenus 3 fois chacun. Plus de 30 artistes livrent chacun 2 œuvres. Sur l’ensemble de ces créateurs, 20 % sont des femmes.

Les œuvres

82 œuvres sont constatées détruites : 17 avant 1996, dont une pour laquelle il subsiste des vestiges vus en 2010 (IM42002668). Elle serait toutefois à vérifier avec l’œuvre de Michèle Goalard à Annemasse (IM74000923) ; 40 entre 1996 et 2010, dont une volée (IM26000780, buste de Camille Venet), et une partielle : un revêtement mural de Jacky Bréau à Thonon-les-Bains (IM74000917) ; 14 entre 2010 et 2020. Enfin, 3 n’ont pas été réalisées, malgré l’arrêté d’agrément publié.

La sculpture est de loin la technique la plus représentée (56 %) ; le syndicat des sculpteurs peut s’honorer d’une belle représentativité. D’ailleurs, la région Rhône-Alpes ne s’y était pas trompée, en sollicitant Christiane Guillaubey au sein du comité artistique dans les années 2000. La peinture de chevalet est relativement représentée (11%). Ce sont ensuite les techniques relevant du décor mural ou de sol qui émergent, faisant appel aux arts du feu (9%) : céramique, fonderie, dalle de verre, ferronnerie, vitrage, vitrail, auxquels fait écho la céramique (9%). La peinture murale et les techniques relevant du dessin, de la photographie et de l’imprimerie utilisant le support papier sont à part égale (6%). Enfin tissu et tapisserie (2%) et marqueterie, menuiserie (1%) complètent le catalogue des techniques.

Prolongement de la première mission sur les départements auvergnats.

Phase 1 : Ouverture de trois dossiers d’œuvres correspondant à des commandes du 1% artistique dans le cadre de la constitution de dossiers ponctuels d’urgence.

En l'occurrence : lycée polyvalent Lafayette de Brioude, lycée professionnel Marie-Curie de Clermont-Ferrand, lycée professionnel Desaix de Saint-Eloy-les-Mines (2021-2022).

Phase 2 (depuis 2023) : Poursuite de l’opération en suivant un processus similaire à celui de la première mission en Rhône-Alpes.

Sur la base du tableau de recensement national des 1% artistiques réalisé par le Ministère de la culture en 2005 (l'État des lieux du 1% artistique de 2010 ne portait que sur les départements rhônalpins) et du dépouillement des fonds des Archives nationales, faire un état des lieux de l'existant sur le terrain et le compléter par la liste des oeuvres commandées et exécutées entre 2005 et 2020, puis recherche documentaire complémentaire et saisie des dossiers dans l'application Gertrude.