La cimenterie d´Albigny-sur-Saône, au pied des carrières de Couzon-au-Mont-d´Or, se situe entre la Saône et la voie ferrée reliant Lyon à Paris, à mi-distance
entre Albigny et Couzon, à une dizaine de kilomètres au nord de Lyon, dans le Rhône. Lorsque la Saône arrive près de Lyon, elle pénètre dans un défilé séparant les Monts d´Or, à l´ouest, des collines du rebord occidental de la Dombes, à l´est, lieu qui, au dire des connaisseurs, est un site assez remarquable de la vallée et qui se trouve très vite caractérisé par un immense font de carrière entre le pittoresque village d´Albigny-sur-Saône, dominé par son église ancienne, et le vieux village de Couzon-au-Mont-d´Or. Entre la voie ferrée, qui longe les carrières, et la route parallèle à la Saône, prend place une petite zone industrielle. Parmi les bâtiments de construction récente, souvent postérieures à 1970, s´insèrent de grandes constructions de béton armé et de briques, dont l´architecture est plus ancienne, qui abritent la Société des Placages du sud-est. Cette société a réutilisé les bâtiments d'une ancienne cimenterie construite entre 1926 et 1930.
L´histoire du site est liée à la construction de l´agglomération lyonnaise, qui commence à quelques kilomètres au sud de là. En fait, pour faire face à cette extension, on fit bientôt appel aux carrières des Monts d´Or, et notamment celle de Couzon, qui fut le siège, dès le XVIème siècle, d´une activité importante. Au XIXe siècle, l´extraction des pierres mobilisa jusqu´à plusieurs centaines de carriers, tandis que les matériaux étaient transportés par voie fluviale jusqu´à Lyon. La concurrence du chemin de fer et des matériaux de meilleure qualité venant des carrières du Dauphiné amena pourtant au tournant du siècle, le rapide déclin de cette industrie à Couzon, au point qu´elle s´éteignit complètement lors de la Grande Guerre. L´exploitation ne fut pas reprise après la guerre, et c´est alors qu´une société se constitua, en 1926, la Société des Ciments Portland de Couzon, au capital de 10 millions de francs, qui conçut le projet d´utiliser le calcaire des carrières pour fabriquer du ciment. Le site se prêtait à un certain nombre d´avantages : outre la disponibilité du terrain, longtemps utilisé par les carriers, et l´existence d´une main d´œuvre locale importante, la présence d´une ligne de chemin de fer au pied même de la carrière et la proximité de la Saône, qui déterminera la construction d´un port, facilitaient l´implantation d´une telle industrie. D´importants travaux d´aménagement furent alors engagés, du côté des carrières et du côté de la rivière, le site fut raccordé à la voie ferrée, et d´imposants bâtiments furent construits tandis que l´on commença l´équipement de la cimenterie proprement dite. Toutefois, dès 1929, ces travaux furent interrompus par la faillite du groupe financier commanditaire qui en assurait l´initiative, laquelle société était liée à la banquière Marthe Hanau dont l´arrestation déboucha sur l´un des plus gros scandales financiers de la IIIe République. Après ce coup d´arrêt, les travaux ne furent pas repris. Des difficultés techniques liées à la forte teneur en silice du calcaire de Couzon semblent avoir constituer un handicap important alors que la crise économique des années trente restreignait la demande en ciment. Finalement, la cimenterie resta inachevée et ne fonctionna jamais, tandis que les bâtiments étaient rachetés en 1947, par une Société de placage en bois. Le procédé Portland de fabrication du ciment artificiel qui devait être utilisé à Albigny et le fut dans les autres usines de la Société des Ciments Portland Artificiel de Couzon (à Die, dans la Drôme ; à Aspres-sur-Buëch, dans les Hautes-Alpes) fut mis au point au XIXe siècle par le cimentier Vicat et l´anglais Apsdin. Il s´agit d´obtenir du silicate d´alumine, en mélangeant en poudre très fine du calcaire et de l´argile, mélange qui se durcit au contact de l´eau et de l´air. La fabrication se déroule en plusieurs opérations : extraction des matériaux des carrières (calcaire), concassage, broyage et tri, mélange des différents composants, calcaires et argiles, chauffage au four, à 1500°C, nouveau tri des nodules obtenus après fusion, broyage des nodules, stockage. Les installations de la cimenterie, presque au complet, bien que celle-ci soit restée inachevée, permettent de retracer ces différentes étapes, d´autant que la quasi-totalité des bâtiments construits avant 1930 ont été réutilisés par les propriétaires d´après-guerre.
Une des plus importantes de son époque, la cimenterie d´Albigny-sur-Saône, devait fournir après quelques années une production annuelle estimée à 250.000/300.000 tonnes. Au krach financier s´ajouta des difficultés d´ordre technique qui interrompirent définitivement le projet : seule la partie basse des carrières pouvait être exploitée à bon escient, le reste de la falaise (couches claires) étant d´une extraction inutile et donc coûteuse. La fabrication telle qu´elle était conçue à l´époque peu mécanisée aussi l´exploitation des carrières de Couzon et la production de ciment devaient faire appel à une main d´œuvre considérable. Des projets de logement de cette main-d’œuvre virent le jour avec la construction des immeubles à Albigny et à Couzon pour loger les premiers ouvriers de l´usine et ceux du chantier. A cet égard les chiffres de la population des différentes villes des Monts-d´or sont significatifs du flux d´ouvriers venus pour la construction et l´aménagement du site. Abandonnée pendant près de 20 ans, l´usine était rachetée en 1947 au profit d´une nouvelle société, la Société des Placages du Sud-est, puis changea encore de propriétaire en 1968 (actuellement le propriétaire est monsieur Henri Alliot). Une partie de l´usine s´est spécialisée dans les placages de bois tandis que la partie proche de la voie ferrée a été récemment rachetée par un entrepreneur en cheminée (les cheminées Guy Selvat). De nouveaux bâtiments ont été construits, des hangars surtout, mais les édifices de la cimenterie sont presque tous restés en place. Depuis cette époque, les carrières, quant à elles, sont restées inexploitées. Le port artificiel créé pour la cimenterie est occupé aujourd´hui par une société de vente de bateaux de plaisance : Lyon Nautic.
Depuis 2018 : Projet-Reconversion : « La Cimenterie éphémère »
L'ancienne cimenterie d'Albigny-sur-Saône va devenir "Ma Cimenterie" ou « La Cimenterie éphémère », un nouveau site dont le chantier devrait s’achever d’ici à 2022. Le projet, chapeauté par la Métropole et porté par les communes d'Albigny et Couzon-au-Mont-d'Or, et gérées par la société Lab Event Factory, sera destiné, en extérieur et dans un premier temps, à l'accueil d'événements culturels et festifs, avant l'installation d'une brasserie, une halle alimentaire, une galerie d'art, un espace de coworking et une salle de fitness.
Reconversion
D'ici deux ans (2022), ce bâtiment sera réhabilité avec l'objectif de ne rien perdre de sa nature « brute ». Le cabinet d'architecte Sagittaire a imaginé un bâtiment principal articulé sur les 3 étages dont l'un sera dédié à l'accueil de manifestations festives, un autre à l'installation d'un food court, d'un fitness santé et salles de coworking et un dernier pour des résidences d'artistes. Quant au « phare » (le four vertical), l'emblème du site, il devrait devenir un complexe de restauration-séminaires. Ce projet devrait mobiliser entre 10 et 12 millions d'euros d'investissement et prendre sa forme définitive en 2022.
(Pour information, les archives photographiques datant des années 1950 : sources : archives privées, monsieur Henri Alliot propriétaire de la cimenterie en 2010)