LE MÊME Henri Jacques. Note sur l'immeuble de rapport dit hôtel Albert 1er à Megève (Haute-Savoie) (Appartenant à Monsieur E. Henry de Frahan). [1930] (AD Haute-Savoie. 142J 606).

Cet immeuble comprend trois parties distinctes susceptibles d´être exploitées séparément :

1° Un hôtel de voyageurs comportant :

a)- au sous-sol. Chaufferie et soutes ; économat et caves

b)- à rez-de-chaussée. Porche ; tambour d´entrée ; office des sports (dépôt des skis, luges, etc.) ; loge de portier ; hall-salon avec départ du grand escalier et de la cage d´ascenseur ; cabine téléphonique ; bureau ; petit salon de coiffure ; entrée de service donnant sur l´escalier de service ; W.C. du personnel ; deux chambres de courrier ou de personnel.

c)- Au 1er étage. Salon ; restaurant ; office ; cuisine et dépendances (desservies par l´escalier de service) ; six chambres dont 2 avec bains et 3 avec cabinets de toilette ; une salle de bains publique ; deux W.C. ; une toilette.

d)- Au 2ème étage. Quatorze chambres dont 5 avec bains et 6 avec cabinet de toilette ; deux salles de bains publiques ; deux W.C.

e)- Au 3ème étage.- Même distribution qu´au 2ème étage.

f)- Au 4ème étage.- Sortie abrité sur terrasse, du grand escalier et de la cage d´ascenseur ; office pour le service sur la terrasse.

2° Un bar-dancing.- composé de :

a)- Une grande salle en sous-sol avec partie montant de fond dans laquelle se trouve l´escalier d´accès et l´entrée au niveau de la rue.

b)- Locaux de service (petite cuisine, etc.)

c)- Toilettes, W.C.

3° Un grand local.- à rez-de-chaussée avec entrée principale double dans un porche d´angle et comprenant :

a)- banque ; office de renseignement

b)- magasin d´articles de sports avec 2 petits box d´essayage. Atelier pour le montage des skis avec entrée spéciale pour les marchandises. W.C. au sous-sol, grand dépôt, chaufferie et soute.

c)- Un petit bureau central en rapport avec le magasin, l´atelier et la banque.

Toute cette construction est édifiée sur un terrain fort exigu (300 m² à peine) de forme irrégulière dont un côté donne sur un carrefour d´une route nationale et qui est limité par des rues secondaires sur les trois autres côtés. Ce terrain, très bien situé (presqu´en face de la patinoire municipale) ayant une valeur relativement grande, il était absolument indispensable de tirer le maximum d´utilisation de l´immeuble ; d´où un équilibre très précis entre les volumes des divers locaux et la réduction de surface de certains d´entre eux, en particulier des chambres toutes assez confortables cependant par leur disposition et leur aménagement mais dont certaines ressemblent presque à des cabines de paquebot (principe admissible d´ailleurs dans un pays de sports d´hiver où dans la journée on n´habite jamais sa chambre).

D´autre part, il était logique de situer restaurant et salon au 1er étage pour éviter autant que possible la poussière de la route nationale (passage des principaux circuits d´autocars P.L.M. pendant l´été, avoir une vue plus étendue et surtout jouir du spectacle de la patinoire qui se trouve en contrebas de la route.

Enfin la couverture de terrasse s´imposait pour de nombreuses raisons dont les principales étaient : ne pas rejeter de neige dans les rues avoisinantes et donner à l´hôtel un jardin terrasse jouissant d´une vue splendide de tous côtés, indispensable pour la saison d´été et très agréable même en hiver. Le grand auvent circulaire et les locaux en superstructure sur la terrasse sont une conséquence de la grande utilité de cette dernière qui devait être d´un accès très facile et posséder au moins une petite partie abritée.

Dans le plan, on a cherché à grouper au centre de la construction et à isoler par des dégagements les locaux les plus bruyants de l´hôtel : cage d´escalier, cage d´ascenseur, salles de bains et W.C. communs avec leur gaine-courette d´aération.

La disposition des chambres, des salles de bains privées et des antichambres a été étudiée pour permettre toutes les combinaisons possibles de chambres louées ensemble ou séparément, avec ou sans salles de bains, etc. simplement par la condamnation ou le déplacement de portes.

CONSTRUCTION

Ce bâtiment qui a été complètement édifié en six mois comporte une ossature de béton armé avec remplissages en briques creuses de 0,15 et doublage en cloisons de briques minces avec vide d´air intermédiaire (très réduit pour parer aux courants de convection) ; pour éviter la condensation sur les poteaux de béton ceux ci sont isolés intérieurement par le doublage en briques creuses et recouverts extérieurement par un enduit épais de mortier de ciment grillagé.

Les planchers sont en béton armé à nervures moulées d´avance - système Christin. Le plancher de la terrasse est calculé à 700 kg des surcharge libre en prévision de la neige et comporte à la partie supérieure un doublage en briques creuses de 0,08 posées à plat sur solins en ciment : cette disposition crée l´isolement thermique et permet en même temps de réaliser les pentes d´écoulement des eaux sans surépaisseur de chape.

La toiture terrasse est « en cuvette », c´est à dire avec évacuation des eaux pluviales à l´intérieur du bâtiment pour éviter le gel (chutes en fonte avec joints coulés en plomb) ; l´étanchéité est assurée par une chape en asphalte souple - système Hirschy de Genève (asphalte à chaud) avec bords relevés bien engravés dans la murette garde-corps ; des gargouilles de trop plain percées dans cette murette assurent l´évacuation des eaux de la terrasse au cas où les chutes intérieures seraient obturées (volontairement ou non) ; ces gargouilles sont placées assez haut pour ne pas débiter en temps normal, mais sont toutefois, bien entendu, à un niveau bien inférieur à celui des paliers d´arrivée de l´escalier et de l´ascenseur.

Les murettes garde-corps ci-dessus sont couronnées par une rampe en tube, fixée au moyen de grands demi-cercles (en tube également) évitant des scellements sur le dessus des chaperons.

Les cloisons intérieures sont en briques creuses minces enduites en plâtre isolées des planchers en B.A. par des bandes de « Celotex » ; ces cloisons sont doubles entre les chambres.

Les plafonds sont en plâtre sur hourdis en terre cuite « Cancalon ». les murs et cloisons des locaux du sous-sol et du rez-de-chaussée sont enduits au mortier fin frotté à la petite taloche.

Les sols sont soit du granito poli (rez-de-chaussée et dans les étages, salles de bains, W.C., toilettes, etc. ; soit de la moquette posée directement sur les dalles en B.A. (sur chape maigre bien dressée) et clouée sur des liteaux sapin de section trapézoïdale noyés au pourtour de chaque pièce.

Les menuiseries extérieures et intérieures sont dites « à la Suisse » ; ferrées à fiches, avec double feuillure et recouvrement ; les portes sont habillées aux deux faces de contre-plaqué d´okoumé sur bâti sapin avec baguettes comme joints, serrures Deny ; les bâtis des fenêtres ont été prolongés à la partie supérieure pour former cadre au panneau de visite des volets roulants (simplification de pose) ; volets roulants « Rouldou » de Pzyrichou et Malan à rouleau compensateur.

Les menuiseries du restaurant et du salon sont métalliques ; châssis à contrepoids descendant dans l´allège et y disparaissant presque complètement ; ces châssis se ferment en se soulevant et retombent sur la pièce d´appui qu´ils recouvrent par emboîtement.

La recherche de l´économie la plus stricte, la multiplicité des locaux et l´interdiction de créer des saillies ont donné lieu à des façades « toutes simples », sans aucune recherche « décorative » et où l´architecte s´est borné à souligner les principaux « trous » et à affirmer la régularité des fenêtres des chambres, cherchant simplement à bien marquer l´entrée de l´hôtel et à faire une composition symétrique sur l´angle le plus en vue au-dessus de l´entrée des magasins.

Les façades sont peintes au « Stic B » de plusieurs tons : ocre rouge clair pour l´ensemble de la façade ; brun rouge pour les pilastres des fenêtres, les meneaux, le bandeau couronnant les vitrines des magasins ; et enfin terre d´ombre pour l´entrée de l´hôtel et les poteaux du rez-de-chaussée. Les menuiseries sont peintes en rouge assez vif.

A l´intérieur le vestibule et le hall du rez-de-chaussée sont peints en outremer par bandes horizontales dégradées. La salle à manger est vert véronèse et blanc avec au plafond un semis régulier d´appareils d´éclairage en verre moulé laissant les ampoules à demi apparentes. Toutes les menuiseries intérieures ont été laissées en bois naturel teinté deux tons et verni. Les chambres sont tendues de papier peint Ruhlmann ou Dumas.

BAR

L´isolement accoustique du bar-dancing est réalisé à l´aide d´ »Isolo » (matelas mince de varech genre « Arki ») tendu sur toutes le parois. A part les petits bariolages rouges naïfs et géométriques de la partie en rotonde et le paravent de miroirs en zig-zag derrière le bar, il n´y a pas de décoration à proprement parler et cette dernière résulte seulement soit de la construction (escalier en ciment, colonnes supportant le bâtiment et dissimulant chutes et canalisations), soit de la recherche des volumes et de la couleur (harmonie rouge, rose et argent).

L´éclairage est constitué par une rampe bicolore dissimulée derrière les dossiers des banquettes de la partie demi-circulaire et par des hublots carrés de verre dépoli posés régulièrement tout autour de la salle et accusant son caractère « entrepont ». Des projecteurs assurent l´éclairage de la partie montant de fond et du coin du bar (où les angles saillants du paravent de glace les dissimulent).

L´aération de la salle (aidée par un ventilateur mécanique) se fait à travers les soubassements des vitrines du rez-de-chaussée et surtout par les impostes de la baie de la partie montant de fond.

ENTREPRENEURS

Maçonnerie, béton armé : Planchers Christin

Plâtrerie, peinture : B. Sargenti à Sevoz (Haute-Savoie)

Menuiserie : Socquet et Rossetti à Megève

Chauffage, plomberie : T. Mengoli, à Megève

Electricité : J. Locatelli à Chamonix Mont Blanc

Serrurerie : Hess à Annemasse (Haute-Savoie)

Granito carrelage : Michel Togna à Annemasse

Vitrerie-Miroiterie : Et. Vuillerme à Annemasse

Lettre de Henri Jacques Le Même au maire de Megève, 16 mai 1945 (AD Haute-Savoie. 142J 606).

Mes clients, M. E. Henry de Frahan et ses associés, propriétaires de l´immeuble dit « Hôtel Albert 1er » sis au bourg de Megève, me prient de vous exposer la situation dans laquelle ils se trouvent :

La terrasse de leur hôtel, privée d´entretien pendant toute la durée de la guerre et particulièrement dégradée du fait de la réquisition de leur immeuble par les Centres Scolaires Médicaux de Megève, semble actuellement irréparable d´autant plus que tous les produits à base d´asphalte ou de bitume sont devenus extrêmement rares. Dans ces conditions, mes clients se proposent de remplacer la terrasse en question par une toiture.

Lettre adressée par H. J. Le Même à Panisset « Alpe immobilier », Megève, au sujet de la surélévation de l´hôtel Albert 1er, 19 juillet 1945 (AD Haute-Savoie. 142J 606).

... 1) Il est actuellement extrêmement difficile, sinon impossible de trouver le ciment artificiel et les aciers nécessaires à la réalisation de la charpente de la surélévation projetée pour l´hôtel « Albert 1er ». Or j´estime ce genre de charpente absolument indispensable dans notre cas : d´une part du fait de son incombustibilité et surtout parce qu´il prendrait moins de place qu´une charpente entièrement en bois.

2) que les exécutants sont maintenant très difficiles à trouver par suite du manque de main d´oeuvre, et cela surtout pour la maçonnerie.

3) que l´entreprise d´étanchéité que je vous ai indiqué [Savarit] et qui est une des meilleures que je connaisse, peut actuellement se procurer de l´asphalte, et a encore de bons ouvriers spécialistes. C´est ainsi que l´entreprise en question doit exécuter sous ma direction dans le courant de cet été, divers travaux d´étanchéité à Megève (hôtel du Mont-Blanc, hôtel Edelweiss, etc.)...

Si la terrasse de l´hôtel devait être très fréquentée, il serait évidemment prudent d´ajouter une protection en dalles de ciment, carreaux d´asphalte, carrelage, etc., mais dans le cas contraire la chape, qui serait exécutée par les Mines de Bitume de l´Asphalte du Centre, se présenterait à peu près sous la forme d´un trottoir de bitume et pourrait se passer d´un revêtement de protection...