Le 14 décembre 1665, l'Archevêque et comte de Tarentaise alberge aux hoirs Jacquemet de la Bâthie, le rivage et l'eau d'Ablinas (torrent d'Arbine) avec la faculté de faire construire des artifices hydrauliques (FR.AD073, 1FS2455). Plusieurs édifices vont être construits dans la partie amont de la dérivation du ruisseau d'Arbine. Ils sont tous achetés à la fin du XIXe siècle pour la construction d'une usine. D'amont en aval se trouvaient les artifices suivants :
Le battoir Sisbel-Bal
Le battoir est visible sur un plan de 1855 au nom de M.Sisbel (FR.AD073, 1FS3648). L'orthographe de ce patronyme varie selon les documents : Sisbelle, Sibelle, Sibel. Le battoir est toujours en place sur le premier cadastre français de 1873 au nom de Chérubin Bal qui est garde forestier (section D, feuille 1, parcelle 559). Le 17 décembre 1894, ce dernier cède plusieurs parcelles de terrain dont celle où se trouve le battoir à Anselme Bonneton (FR.AD073, 4Q752). A partir de 1896, l'emplacement du battoir est occupé par l'usine d'Arbine.
Le moulin et battoir Sisbel-Lassiaz
Le moulin est visible sur un plan de 1855 au nom de M.Sisbel qui possède aussi un battoir en amont (FR.AD073, 1FS3648). Le 20 juin 1869, Thomas Lassiaz (cultivateur à Esserts-Blay) vend le site à Josephte Bochet (épouse de Marie Lassiaz) et à Mélanie Traversier (épouse de Jean Baptiste Lassiaz). A cette date, le moulin et le battoir (parcelles 1895 et 1896 de la mappe sarde) sont en mauvais état (FR.AD073, 6E10444). Par un acte de partage du 14 mai 1870, Martin Lassiaz devient propriétaire du site. Le 25 mai, il le revend à François Rochaix. Le 31 octobre 1870, le site est acheté par Charles Lassiaz et son épouse (FR.AD073, 4Q753). D'après le premier cadastre français de 1873, le moulin appartient toujours à Charles Lassiaz (section D, feuille 1, parcelle 572). Un battoir a été établi juste en aval (parcelle 574). En 1894, Charles Lassiaz et ses filles Mathilde (fleuriste à Paris), Marie Louise et Valentine, vendent le moulin et le battoir à Anselme Bonneton, Albert Bouvier et Paul Robert (FR.AD073, 4Q753). D'après la matrice cadastrale des propriétés bâties, les deux bâtiments sont détruits en 1894 (FR.AD073, 3P 1806). A partir de 1896, leurs emplacements sont occupés par l'usine d'Arbine.
Le site métallurgique d'Arbine
Sur la mappe sarde de 1732, il existe une scie appartenant à Sébastien Jacquemet au lieu-dit Albena (parcelle 1870). Cette scie est toujours représentée sur un plan de 1750. En 1844, elle existe toujours mais le site comporte aussi un moulin et un établissement métallurgique qui semble avoir été établi avant 1792 (FR.AD073, 1FS2455). Le site appartient à Thomas Bochet qui meurt en janvier 1848 sans descendance et ab intesta. Par acte passé chez maitre Métraux le 21 décembre 1849 et le 9 février 1850, ses neveux, Charles Marie et Thomas Bochet (feu Jean Baptiste), vendent la propriété au maître de forge Pierre Joseph Garzend (fils de Jean), originaire de Nâves (FR.AD073, 6E2932 et FR.AD073, 6E2931). A cette date, elle comporte des moulins, une scierie et des forges (Le Courrier des Alpes, 1er mai 1850). Le 13 mars 1862, Pierre Joseph Garzend (feu Jean) revend le site à Josué Favre (négociant, né à Tignes, feu Pierre Antoine) et à Bernardin Antoine Sauge (cultivateur, né à Tours-en-Savoie, feu Joseph Marie). A cette date, il comporte une usine destinée à réduire la fonte en fer, un bâtiment d'habitation pour les ouvriers et un magasin à charbon (parcelles de la mappe sarde : 1870, 1899, 1900). Par acte du 21 août 1859, le site est loué au maître de forge Charles Vauthier (fils d'Antoine) et à Louis Routin (feu Antoine), originaire de Chambéry (FR.AD073, 4Q 578). Un inventaire du matériel est dressé le 22 juin 1860 en présence du maréchal-taillandier Jacques Pissetty (feu Pierre) sollicité en tant qu'expert (FR.AD073, 6E2941). Sur le premier cadastre français de 1873, le site est mentionné comme martinet appartenant à Charles Vauthier (section D, feuille 1, parcelle 595). En 1887, il appartient aux frères François et Michel Vauthier. En 1889, il est vendu par jugement d'adjudication rendu par le tribunal d'Albertville. Il comporte alors une maison de maitre, une autre maison, une fabrique de fer avec deux fours à fusion, une trompe à vent, deux gros martinets mis en mouvement par une forte roue motrice, deux hangars pour le charbon, un four à pain chauffé par les fourneaux et une maison d'ouvrier. La propriété est acquise par Joseph Pettex (feu Jean Charles), dentiste à Albertville (FR.AD073, 4Q 750 et FR.AD073, 4Q 721). Par acte sous seings privé du 26 octobre 1892, Joseph Pettex et son épouse signent une promesse de vente avec Albert Coche, géomètre expert (FR.AD073, 6E15537). Un autre acte sous seings privé du 25 mars 1894, précise qu'Albert Coche a agit pour le compte du papetier Armand Aubry et la vente du site est annulée. Par acte du 6 juin 1894, la propriété est achetée par Anselme Bonneton, un entrepreneur demeurant à Grenoble (FR.AD073, 6E15537 et FR.AD073, 4Q750). Anselme Bonneton agit pour le compte de la Société Paul Robert et Compagnie qui souhaite construire une importante usine à l'emplacement des anciens artifices d'Arbine.
L'usine d'Arbine
Le 20 septembre 1894, la Société P. Robert et Cie, composée par Anselme Bonneton (entrepreneur de travaux publics), Albert Bouvier (constructeur mécanicien à Grenoble) et Paul Robert (demeurant à Grenoble), demande l'autorisation de créer une prise d'eau sur le ruisseau d'Arbine. La Société souhaite construire une centrale hydroélectrique alimentant une usine de production de pâte à papier et de "produits divers" à l'emplacement d'anciens sites hydrauliques situés en rive gauche de la dérivation du ruisseau d'Arbine. Le 30 novembre 1894, la Société reformule sa demande de dérivation en associant l'industriel A.Besançon qui souhaite construire une usine de carborundum sur la rive opposée du ruisseau (rive droite, IA73003895) et utiliser la force motrice de la centrale de la Société Robert et Cie. Celle-ci est officiellement fondée le 23 mars 1895 (FR.AD073, 4Q754). Par acte passé chez Maitre Beauquis le 17 avril 1895, la Société achète à la commune de Cevins des terrains et des droits de riveraineté le long du ruisseau (FR.AD073, 6E15536 et FR.AD073, 4Q755).
La construction des usines entraine l'opposition de plusieurs habitants d'Arbine qui craignent la rupture de la conduite forcée et s'inquiètent pour la salubrité des eaux qui traversent le village. Quatre propriétaires de moulins se trouvant en aval sont particulièrement opposés au projet (IA73003890, IA73003891, IA73003893, IA73003894).
En août 1896, l'usine est en activité (Le Journal de l'acétylène et le Petit photographe réunis, 1902). Pour rassurer les habitants d'Arbine, une enquête est menée par le service des Ponts et chaussées qui précise dans un rapport du 14 novembre 1896 "Que l'eau ne pouvait pas être viciée dans le canal parce l'usine P.Robert ne fabrique pas de pâtes chimiques, les pâtes mécaniques ne nécessitent qu'une très petite quantité d'eau passant par les défibreurs et sortant claire du bassin de décantation où elles ont déposé les quelques fibres de bois à l'état naturel qu'elles ont pu entrainer." (FR.AD073, 49SPC2). Il n'est pas certain que l'usine produira réellement du papier car elle se spécialise rapidement dans la production de carbure de calcium. L'autorisation officielle de dérivation est accordée par un arrêté préfectoral du 22 décembre 1896.
D'après Le Journal de l'acétylène, en 1902, l'usine occupe 20 ouvriers et produit 3 tonnes de carbure par jour. Elle comporte une salle des machines, une salle des fours, un atelier pour le broyage et l'emballage, des entrepôts, un atelier de réparation et un laboratoire d'essais. Les diverses parties du site sont reliées par des voies Decauville. La chaux employée provient des gisements calcaires de Chambéry et l'électricité nécessaire est produite sur place par une centrale dont la force de 2 500 chevaux est partagée entre l'usine Robert et Cie (rive gauche) et l'usine de la Compagnie Internationale de Carborundum (rive droite). Cette centrale disposant de 432 mètres de chute, est équipée de trois turbines centripètes à axe vertical (constructeur : Bouvier de Grenoble) pouvant fournir chacune 550 chevaux et de six autres petites turbines utilisées pour les excitatrices, l'atelier de broyage, l'éclairage, etc.
En 1911, l'usine cesse de fonctionner et les bâtiments et la force motrice sont loués à l'usine de carborundum avec qui elle forme désormais un seul complexe industriel qui est toujours en activité (FR.AD073, 4Q855). Actuellement, il est exploité par la Société ALTEO qui produit du corindon. La centrale hydroélectrique est également toujours fonctionnelle.