Un moulin appartenant au marquis de Lescheraines apparaît sur la mappe sarde de 1732 en rive droite du Chéran, à proximité du pont de Lescheraines (parcelle 1790).
Par acte passé chez maître Berger le 19 mai 1748, Jacques de Lescheraines (fils de feu François René) alberge à Jean Durochex dit Portier l'exploitation du moulin. Un état des lieux du site est fait à cette occasion (FR.AD073, 6E7187). Le même jour, le marquis alberge aussi le moulin de Ranfian (commune du Châtelard, IA73003952). Par contrat 7 janvier et du 14 décembre 1791, les petits fils de Jean Durochex, Alexis et François, cèdent le bénéfice de l'albergement du moulin de Lescheraines à Claude Charles Neyret, maitre de chirurgie, fils d'émigré et originaire de Faverges (FR.AD073, 6E 7327). Un acte d'état des bâtiments est réalisé le 20 juillet 1891 (FR.AD073, 6E 7327).
Le 13 Messidor de l'An X (2 juillet 1802), le préfet du Mont Blanc accorde à Jean Claude Neyret l'autorisation de construire une scierie sur sa propriété (FR.AD073, 1FS2445).
Le site est visible sur un plan de 1827 qui montre que la prise d'eau a été déplacée plus en amont (FR.AD073, 1FS3648).
Le 20 octobre 1842, Jean Claude Neyret, docteur en chirurgie (fils de Jean Claude), demande le maintien en activité de ses artifices. Un rapport de 1843 décrit les artifices de Jean Claude Neyret qui se composent de deux ensembles. Le premier ensemble situé en amont du pont de Lescheraines comporte un moulin à farine à deux paires de meules, un foulon, un battoir à chanvre et un pressoir à huile animés par six roues (4 roues à augets et 2 turbets). Le second ensemble situé en aval du pont se compose d'un moulin à farine à trois paires de meules, d'un battoir à chanvre et d'une scie animés par cinq roues (3 roues à augets et 2 turbets). Sur ces onze roues, cinq appartenaient déjà au marquis de Lescheraines, celle de la scierie a été autorisée par le préfet le 13 Messidor de l'An X (2 juillet 1802) et cinq ont été installées postérieurement (FR.AD073, 1FS2445).
Le 12 novembre 1861, le propriétaire du site, Constant (Félix) Neyret, géomètre à Annecy, demande le maintien en activité des artifices. Ceux-ci comportent : 2 moulins à farine, 2 battoirs à chanvre, un pressoir à huile et une scierie qui daterait du XVIIIe siècle. L'un des moulins n'est plus en activité. A priori, ce moulin était à l'origine une forge. Le maintien des artifices de Constant Neyret est autorisé par arrêté préfectoral du 22 avril 1865. Le procès verbal de récolement du 24 octobre 1869 nous apprend qu'un certain nombre de mesures prescrites par le règlement d'eau n'ont pas été respectées. A cette occasion, Constant Neyret est représenté par Pierre Matrod (usinier).
Le site apparaît sur le premier cadastre français de 1878 (section A, feuille 7, moulin : parcelle 808, battoir : parcelle 809 et parcelle 819, pressoir : parcelle 810, scierie : parcelle 820). Il appartient à Humbert Neyret, le fils de Constant Neyret.
Le site est mentionné dans le recensement des moulins de 1917 sous le nom de "Moulin Matrod". A priori, le moulin cesse de fonctionner dans les années 1920. Toutefois, il est mentionné dans le recensement de 1923 au nom des frères Petit-Barat. Le document précise qu'il est en indivision et qu'il ne fonctionne pas en raison de "difficulté de famille". Contrairement au moulin, la scierie est toujours en activité jusqu'au début des années 1980. Actuellement, elle est toujours visible. L'un des moulins est occupé par un logement, l'autre est en cours de rénovation. Les battoirs et le pressoir n'existent plus.
LÉON AYMONIER (1863-1934) PHARMACIEN AU CHÂTELARD
Léon Aymonier naît au Châtelard en1863. Il appartient à la lignée bourgeoise de cette famille, présente dans les Bauges depuis 1430. Sa mère tient un café dans le bourg, en complément d’un emploi à la poste ; son père est cultivateur. Son oncle, le commandant Étienne Aymonier, est administrateur en Asie du Sud-Est et spécialiste de la langue et de la culture cambodgiennes. C’est sans doute avec son soutien que Léon Aymonier entreprend des études de pharmacie à Grenoble, après son service militaire. Il obtient son diplôme en 1890. De retour au Châtelard après un stage à Paris, il achète en 1892 l’officine de Charles Gavard et épouse sa cousine germaine, Jeanne [...]. Quatre enfants naîtront, Paul (décédé en bas âge), Marthe, Paul et Marie-Louise.
UN PHOTOGRAPHE EN DEVENIR
La pratique amateur, si elle concerne un nombre croissant d’individus à la fin du 19e siècle, reste un hobby réservé à une élite sociale et culturelle. Léon Aymonier se livre à ses premières expériences photographiques dans les années1890. C’est peut-être auprès de Joseph Flandrin, son camarade d’internat à Grenoble et futur médecin accoucheur, que Léon Aymonier s’initie à la photographie. Les innovations techniques, en particulier la mise au point du gélatino-bromure d’argent au cours des années 1870, accélèrent la diffusion de cette pratique. La photographie n’est plus réservée aux seuls photographes professionnels, grâce à des temps de pose réduits et des appareils plus maniables. Faciles d’emploi et fabriqués industriellement, les négatifs sur plaques de verre sèches, prêts à l’emploi, ont la préférence de Léon Aymonier.
UN PHOTOGRAPHE EN MOYENNE MONTAGNE
Tantôt pharmacien, tantôt photographe, Léon Aymonier perfectionne sa pratique en consacrant à sa passion une partie importante de son temps. Il l’introduit dans les Bauges, espace rural de moyenne montagne. Si les photographes ambulants sillonnent les campagnes dès la fin du19e siècle, la majorité des studios professionnels est installée en ville, drainant une clientèle essentiellement urbaine. En l’absence de concurrent dans les Bauges, il improvise un studio photographique en plein air à proximité de son officine. Des années durant, se succèdent devant son objectif la population des Bauges dans sa diversité sociale et dans tous les âges de la vie.
Extrait de "Les Bauges de Léon Aymonier", Carnet de découverte des exposition, Exposition du Musée Savoisien, Chambéry, 2013.