La Société anonyme de filature de schappe (SAF ou Schappe), une entreprise textile fondée en 1885 par la fusion de deux entreprises familiales : d'une part la société Franc Père & Fils & Martelin, fondée en 1842 à St-Rambert-en-Bugey dans l'Ain ; d'autre part la société Hoppenot Frères, fondée en 1847 à Troyes dans l'Aube.
1860 est une période de forte croissance. Ces temps fastes sont favorisés par la grave crise que connaître entre-temps l'industrie de la soie classique, crise liée au déversement sur les marchés européens de la matière première produite en Extrême-Orient. L'ouverture commerciale du Japon par le traité de Yokohama en 1859 en particulier entraîne l'arrivée d'une soie bon marché et d'une qualité n'ayant rien à envier à la production indigène. Si la Fabrique souffre énormément des importations orientales, les schappistes apprécient de voir l'arrivée en quantité sur le marché de déchets de soie que l'innovation technique réduit de plus en plus dans les usines nationales. La schappe s'affranchit de sa condition d'industrie d'appoint pour devenir une alternative bon marché à la soie naturelle.
La schappe, est un tissu produit à partir des déchets de la soie naturelle, à l'aspect plus mat et plus souple. Son sens étymologique n'a jamais pu être réellement établi, mais son origine provient sans doute d'un dialecte alémanique. La provenance des déchets de la soie naturelle se divise en deux catégories : les résidus de soie grège (soie naturelle à l'état brut) et les cocons de vers à soie (la schappe utilise principalement ceux du bombyx du mûrier (Bombyx mori) et du ver à soie Tussah (Antheraea pernyi)).
À la veille de la première révolution industrielle, la production de schappe en France reste une production artisanale et physiquement épuisante, réservée aux détenus des maisons d'arrêts, principalement à Toulon, Nice et Embrun. Le patronat naissant y voit une ressource au potentiel intéressant. Il s'agit en effet d'une ressource disponible en grande quantité : la production d'un kilogramme de soie génère à peu près la même quantité de déchets. Elle partage de surcroît un processus de fabrication similaire à celui de la laine. Le premier homme d'affaires à mécaniser la production de la schappe est le bâlois Johann Sigismund Alioth (1788-1850) qui ouvre une usine en 1824.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la SAF est victime de l'occupation : l'usine est fermée par des troupes au sol de la Luftwaffe. 1943 est une année de calme relatif. 1944 se révèle beaucoup plus chaotique. Le 4 février 1944, l'ancien directeur de la SAF et capitaine de réserve Jean Hoppenot est appréhendé par la Gestapo à la sortie de l'usine "Bazin" où il travaille. Trois semaines plus tôt, la police secrète allemande cernait le quartier-général clandestin du réseau de l'Armée Secrète dont il est le commandant militaire départemental depuis 1941 (CNDP de l'Aube, http://www.cndp.fr/crdp-reims/cddp10/actions/CNRD/fichiers/local/006.htm). Séquestré et interrogé, il est déporté au camp de Flossenburg où il meurt pour la France le 15 novembre 1944. Le débarquement du 6 juin plonge les communications dans la confusion la plus totale. Les usines de Saint- Rambert et d'Amplepuis continuent malgré les événements à tourner pour alimenter le tissage lyonnais.
En 1946, la Schappe trouve dans une industrie nouvelle un sursis salutaire pour se restructurer : le nylon. En 1961, c'est l'association entre SAF et SIS pour donner naissance à la holding Schappe, divisée entre la SA Schappe lyonnaise et la Schappe AG bâloise.
En 1968, le groupe américain Burlington manifeste son intérêt pour la SAS, qui se concrétise par une prise de participation en 1971 et l'adoption de la raison sociale Burlington-Schappe SA, qui devient de ce fait une filiale du géant de Greensboro. Si les membres des anciennes familles fondatrices ont pu maintenir une part conséquente de leur influence sous la holding Schappe, l'arrivée de l'industriel américain met un terme à 92 ans de présence familiale lorsque leur dernier administrateur, Jacques Franc, remet sa démission en 1978. À cette date, la société Burlington-Schappe agonise sous les effets de la crise et de la concurrence bon marché venue d'Asie. Malgré les investissements conséquents réalisés par Burlington, la société est contrainte de fermer brutalement en 1982 : faillite du 2 avril 1982, mettant ainsi fin à une histoire longue de 96 ans.
(cf réf doc : PLIEZ Victorien 2014)
Dossier d'urgence : un permis de démolir a été déposé en 2018 sur cette parcelle. La quasi totalité du site va être démoli. Le bâtiment administratif en alignement sur la rue et la cheminée ? seront conservés.
Photographe au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel, site de Lyon