HISTORIQUE
A la suite de l'effondrement du viaduc ferroviaire dit du Credo (1875), par nécessité militaire en juin 1940, la SNCF se préoccupe dès la fin de l'année de rétablir le trafic avec la Haute-Savoie et décide rapidement de remplacer l'ouvrage (BROCARD, p. 69).
Un premier projet, consistant à reconstruire le pont primitif, est avorté ; le tablier métallique exigeant un tonnage trop important de charpente métallique (1 200 tonnes), il était impossible en cette période d'approvisionner l'acier correspondant. Après diverses études, il est finalement décidé de construire un ouvrage en béton armé (AN F14 13539, voir annexe n° 1 ; AN. F14 14869, voir annexe n° 3 ; LE MAREC et al., p. 31 ; PRADE, p. 283 ; BROCARD, p. 69 ; MARREY, 1995, p. 130 ; Le Patrimoine de la SNCF, p. 549 ; MARREY, 2004, p. 137). Le choix d'un tablier en béton armé, beaucoup plus lourd qu´un tablier métallique, et l´impossibilité de renforcer les fondations, impliquait que le poids du nouvel ouvrage ne devait dépasser celui de l´ancien, nécessitant l´allègement maximal des arcs et des piles (LE MAREC et al., p. 34, voir annexe n° 4 ; PRADE, p. 283 ; MARREY, 1995, p. 131).
Le nouvel ouvrage, également à voie unique, devait en effet impérativement s'adapter aux fondations de l'ancien viaduc et par ailleurs se raccorder à ses structures subsistantes (viaduc d'accès en rive gauche). Il est adopté un parti à trois arcs paraboliques dont les portées correspondent à celles des travées métalliques antérieures : la travée centrale, de 70 m environ d'ouverture, ne pouvait être franchie que par un arc en béton ; pour relier les accès de l'ancien ouvrage, la solution consistant à créer deux arcs analogues, de 59 m et 53 m (58 m et 53 m dans AN. F14 14869, voir annexe n° 3 ; 56 m et 51 m dans la notice Structurae), à l'arc médian est préférée (LE MAREC et al., p. 31-33 et p. 36). En rive droite, sont substituées à la quatrième travée métallique trois arches en plein cintre en béton de 15 m d´ouverture chacune, faisant écho au viaduc d'accès de la rive gauche, constitué de cinq arches en maçonnerie, de même ouverture.
Pour l'exécution du viaduc un délai de neuf à onze mois est envisagé, conditionné par l'approvisionnement en aciers ronds pour béton (AN F14 13539, voir annexes n° 1 et n° 2).
Les travaux sont confiés à la Société des Entreprises Limousin de Paris (AN F14 13539, voir annexe n° 2 ; LE MAREC et al., p. 31 ; PRADE, p. 283 ; BROCARD, p. 69 ; MARREY, 1995, p. 130), sous la direction des ingénieurs Gaston Le Marec, René Breiffel et Medotte (Le Patrimoine de la SNCF, p. 549 ; site Structurae, notice du Viaduc de Longeray). A la fin de l'année 1940 les Services techniques de la SNCF et de l'Entreprise mettent au point un projet commun (LE MAREC et al., p. 31 et 39). Le chantier démarre aux début de l'année suivante (LE MAREC, p. 39 ; fin 1940 dans PRADE, p. 283 et dans Le Patrimoine de la SNCF, p. 549 ; à la fin de l'hiver 1941 dans MARREY, 1995, p. 131). Le devis estimatif de 1940, démolition des vestiges de l´ancien pont comprise, se monte à 19 200 000 F (BROCARD, p. 70).
Des caissons de section rectangulaire, et creux, sont utilisés pour les arcs, piles et tablier (LE MAREC et al., p. 34 sq, voir annexe n° 4 ; PRADE, p. 283 ; BROCARD, p. 70 ; MARREY, 1995, p. 131), conférant à l'ouvrage une impression de légèreté. Ces éléments sont à rapprocher de ceux construits par la même entreprise Limousin, pour le second pont de Saint-Pierre-du-Vauvray dans l'Eure, sur la Seine (LE MAREC et al., p. 35, voir annexe n° 4 ; MARREY, 1995, p. 131).
Pour l´époque, la construction du viaduc constitue une véritable prouesse technique. Le montage des cintres en bois sur lesquels sont coulés les arcs, et particulièrement celui de l´arche centrale (assemblage de deux demi-cintres de 60 tonnes chacun, mis en place par rabattement, au moyen de treuils et de vérins), apparaît délicat (LE MAREC, p. 39 ; PRADE, p. 283). L'opération est entreprise avec succès le 24 juillet 1942, en seulement 5 heures (BROCARD, p. 70).
La haute flèche de l'ouvrage évoque le viaduc ferroviaire Séjourné à Fontpédrouse dans les Pyrénées-Orientales (DESWARTE, LEMOINE, p. 171).
Le chantier en lui-même s'avère difficile du fait de l´escarpement des rives. La voie ferrée constituant, à 65 m environ au-dessus des fondations, le seul accès, une plate-forme est aménagée sur les deux côtés de la voie et le viaduc construit au moyen de deux transporteurs à câble (que l´entreprise Limousin avait mis au point - conception Eugène Freyssinet -, dans les années 1920, pour le pont Albert-Louppe à Plougastel) pouvant supporter chacun 2 tonnes et transporter les matériaux à la vitesse de 3 m/seconde sur les 300 m de la portée (MARREY, 1995, p. 131 et MARREY, 2004, p. 137).
L´approvisionnement des matériaux de même que le recrutement de la main-d´oeuvre sont également sources de difficultés. Malgré cela l'ouvrage est livré à la circulation le 1er août 1943 (LE MAREC et al., p. 39 ; PRADE, p. 283 ; BROCARD, p. 69 et p. 70 : date du 31 juillet ; MARREY, 1995, p. 131 ; Le Patrimoine de la SNCF, p. 549 et site Structurae, notice du Viaduc de Longeray). La reconstruction - hors fondations - aura duré 18 mois (LE MAREC et al., p. 39).