1. HISTORIQUE
"La ligne d´Aix-les-Bains à Saint-Jean de Maurienne avait été concédée, le 20 mai 1853, à une société financière présidée par la banquier Charles Laffitte... qui avait pris le nom de Compagnie du chemin de fer Victor-Napoléon en hommage au souverain sarde.
Cette Compagnie confia les travaux de construction de la ligne à la Compagnie anglaise Thomas Brassey ; ses ingénieurs, Newman et Limmel, définirent le tracé de la ligne, sous la direction de l´ingénieur en chef Luigi Ranco. Ils choisirent également l´emplacement du pont de Culoz, dont ils dressèrent les plans" (MARREY, 1990, p. 171-172 ; voir aussi Plaque d´information sur site, près de la culée du viaduc actuel, en rive gauche).
Ce dernier permet de prolonger la ligne Victor-Emmanuel depuis Aix les Bains jusque Culoz (BROCARD, p. 91) et la relier ainsi au réseau français (MARREY, 1990, p. 172 ; Le Patrimoine de la SNCF, t. I, p. 73). Une convention est passée entre les deux Compagnies de chemin de fer intéressées, aux termes de laquelle la Compagnie du Lyon-Genève doit exécuter les fondations, et la Compagnie Victor-Emmanuel, le tablier. Il y est également stipulé que le dispositif des chambres de mines établies dans les culées du viaduc sera réglé, côté gauche, par le Service du génie militaire du Gouvernement sarde et, côté droit, par le Service du génie militaire français (MARREY, 1990, p. 172).
L'ensemble de la ligne ferroviaire de la Maurienne (de Culoz, passant par Aix-les-Bains, Chambéry, Saint-Jean-de-Maurienne, Modane, jusque Bardonècchia) est construite de 1856 à 1871 (site Structurae, notice Ligne de la Maurienne).
Dès 1857, commence la construction du viaduc ferroviaire de Culoz, premier pont français à poutre droite en treillis métallique. Le premier pont de ce type est construit en 1853, à Offenberg, en Bavière (MARREY, 1990, p. 170). Initialement le pont de Culoz était prévu en tôle pleine, mais les progrès effectués dans le laminage des fers permirent de "transposer le système d´Ithiel Town [ingénieur-architecte américain, concepteur des poutres triangulées] du bois au fer, et à assurer la rigidité horizontale du tablier uniquement par deux poutres latérales faites l´une et l´autre d´une succession de fiches et de croix de Saint-André reliant deux fers à I" (idem).
Le 1er septembre 1857, Victor-Emmanuel II, roi du Piémont, duc de Savoie et roi de Sardaigne, et le prince Jérôme Napoléon posent la première pierre du pont (BERTHELON, p. 154 ; MARREY, 1990, p. 171 ; BROCARD, p. 91 ; Le Patrimoine de la SNCF, t. I, p. 73 ; MARREY, 2004, p. 32).
La Société Ernest Goüin et Compagnie (Goüin et Lavalley), adjudicatrice des travaux, utilise un "procédé classique". Le Rhône et son lit instable s´étalant à Culoz sur plus de 600 m, dans une plaine marécageuse, les piles du pont sont fondées et élevées en terrain sec. Parallèlement, 1600 m de digues insubmersibles sont bâties sur ce qui allait devenir la rive droite, et 700 m sur la rive gauche. Le fleuve est alors détourné sous l'ouvrage nouvellement construit et canalisé dans la tranchée de 200 m de large formée par les digues (MARREY, 1990, p. 172-173 ; Le Patrimoine de la SNCF, t. I, p. 73 ; MARREY, 2004, p. 32 ; voir aussi site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858).
L'ouvrage est construit en moins d´un an, la réception officielle des travaux ayant lieu le 16 août 1858 (MARREY, 1990, p. 172 ; Le Patrimoine de la SNCF, t. I, p. 73 ; site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858). Il est ouvert à la circulation ferroviaire le 2 septembre suivant. Son coût monte à 1 200 000 F (BROCARD, p. 91).
Le pont comporte une unique voie de circulation. Un passage pour piétons avait été projeté (BERTHELON, p. 153). En 1901 le tablier est dédoublé, pour répondre à la mise à double voie de la ligne de la Maurienne (BERTHELON, p. 154), opérée entre 1872 et 1903 (site Structurae, notice Ligne de la Maurienne). Le tablier de 1858 est alors démoli pour faire place à deux tabliers distincts en acier, supportant chacun une voie (site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858).
L´ouvrage est exploité à deux voies à partir du 20 décembre 1902 (BROCARD, p. 91).
Une plaque d'inscription remémorait le nom de l'ingénieur-constructeur (J. Roussel ; Paris) et la date de ces travaux (voir annexe n° 1 ; photo de la plaque accessible depuis le site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858).
En 1934, l'électrification de la ligne est entreprise ; des portiques caténaires sont posés sur le pont
(site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858).
L'ouvrage échappe à la destruction lors de la seconde guerre mondiale (BROCARD, p. 91).
Sa non-destruction (de même que la non-destruction du pont routier amont de Laloi) en juin 1940 faillit, selon Falletti, compromettre la défense de la Savoie par l´Armée des Alpes (FALLETTI, Edouard. L'encerclement de la Suisse : la tentative d´Hitler en juin 1940. Bière : Cabédita, 2007, p. 90).
En 1943, 1958, on procède à des remplacements de rivets. En 1978-1979, les voies sont posées sur des traverses en bois. De nouveaux rivets sont changés en 1985, 1988 et 1999 (site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858).
Au début des années 2000, l'ouvrage de plus de 100 ans d'âge commence à donner des signes de fatigue et en septembre 2005, un appel d´offres est lancé pour sa reconstruction (idem et Plaque d´information sur site, près de la culée du viaduc actuel, en rive gauche).
2. DESCRIPTION
Le premier viaduc ferroviaire de Culoz, de 212 m de long, est constitué de cinq travées d'environ 42 m de portée chacune (notice Structurae ; 40 m dans Brocard ; idem dans MONTENS, p. 83). Il ne comporte primitivement qu´un seul tablier, en fer puddlé en treillis, mais ses appuis sont conçus dès l'origine pour recevoir deux voies. Comme à Lyon [pour le viaduc ferroviaire de la Quarantaine, sur la Saône], chacune de ses quatre piles est constituée de trois colonnes creuses en fonte. Chaque fût, mesurant 3 m de diamètre en partie inférieure et 2,50 m en partie supérieure, est formé d´anneaux superposés et boulonnés les uns aux autres. Les tubes sont descendus par havage, à l´air comprimé, à une profondeur comprise entre 10 m et 11,20 m sous l´étiage, puis remplis de béton. Ils sont reliés deux à deux par des croix de Saint-André métalliques, et contreventés au niveau du fond du lit du Rhône. Le premier tablier est démoli pour laisser place par la suite à deux tabliers à poutres en treillis, portant chacun une voie. Ces tabliers, construits en acier, dont les pièces sont liées par rivetage, reposent sur les trois colonnes constituant les piles.
Les culées en maçonneries, revêtues en pierre de taille, fondées sur caissons métalliques, sont, semble-t-il, conservées dans le viaduc actuel
(voir MARREY, 1990, p. 173 ; BROCARD, p. 91 ; Le Patrimoine de la SNCF, t. I, p. 73 ; site Structurae, notice Viaduc de Culoz, 1858).