1. HISTORIQUE
Le premier pont suspendu de Rochemaure, construit au début des années 1840, est emporté par la crue du 30 mai 1856 (MARREY, p. 134 ; MONTENS, p. 125-126 ; Notice "Vieux pont" et Plaquette "Le pont").
Un bac à traille est remis en service en attendant le rétablissement de l'ouvrage (Notice "Vieux pont"). L'année suivante, le Conseil municipal s'oppose à la reconstruction du pont "sur les mêmes bases" que l'ancien (AD Drôme, 3S 44 : Chemise 559)
Le nouvel ouvrage est construit en 1858 - grâce à des fonds privés -, sous la direction de l´ingénieur ardéchois Marc Seguin, l´inventeur du système de câbles en fil de fer parallèles qu´il met en oeuvre à Rochemaure (Notice "Vieux pont" et Plaquette "Le pont") ; il est inauguré en 1859 (MARREY, p. 134 ; MONTENS, p. 126)
En 1869, lors d'une visite annuelle, on apprend que la concession du pont de Rochemaure attribuée par ordonnance royale du 25 février 1838 aux sieurs Lesdiguières, Arnal et autres pour 90 ans, est depuis passée au nom de Escharavil et héritiers L. Privat (AD Ardèche, 2S 30/6)
En févier 1883, le pont de Rochemaure apparaît dans le procès-verbal de conférence pour le rachat des ponts suspendus sur le Rhône (idem). Il est racheté par la commune l'année suivante, pour une somme de 500 Francs en or, ce qui permit la libre circulation, le péage ayant été aboli (Notice "Vieux pont").
Comme tous les ponts à péage, c'est l’État qui rachète le péage en 1884 par un traité. La voirie est classée dans la voirie nationale RN 86 H (Précision de François Stévenin Chef de services aux Archives départementales de l’Ardèche).
Un rapport de l´ingénieur ordinaire du 13 février 1933 mentionne que jusqu´à ce jour, l´éclairage du pont est assuré par des lampes à pétrole, dont l´entretien est assez onéreux et l´éclairage défectueux. Il vient d´être remplacé par des lampes électriques et un contrat d´abonnement est passé avec la société d´électricité de la vallée du Rhône (AD Ardèche, 2S 30/6).
En 1937, un camion trop lourd traverse le tablier. 3 ans plus tard, en 1940, pendant la guerre, l'armée française détruit le tablier (Notice "Vieux pont"). On envisage l'année suivante de construire un pont provisoire en remplacement (à cette occasion un sondage de la pile centrale est effectué). Un avant-projet est conçu en septembre 1940 (AD Ardèche, 1109 W 388).
Cette passerelle provisoire, comprenant deux travées et pouvant supporter la charge d'un véhicule de 5 tonnes, soit 2,5 tonnes par essieu, est en voie d´achèvement en août 1941 (idem : Rapport de l´ingénieur subdivisionnaire, 5 août 1941)
Le passage est définitivement relevé en 1942 ; il est alors gardé par les Allemands occupant la zone libre depuis 1943 (Notice "Vieux pont"). Un autre avant-projet de pont est conçu en février 1943 (AD Ardèche, 1109 W 388).
Le tablier et la pile centrale de l'ouvrage sont de nouveau détruits en août 1944, par les bombardements alliés. Au cours d´un bombardement, une statue du pont (Vierge) tombe sur un soldat allemand le tuant sur le coup. Les travaux de restauration - pour lesquels il est fait appel à des prisonniers de guerre - débutent à la fin de l'année (AD Ardèche, 1109 W 388 ; Notice "Vieux pont" ; voir aussi Plaquette "Le pont")
En avril 1945 un marché est passé avec la société Fives-Lille (pour le montage et la fourniture des pièces métalliques) et l'entreprise Sabatier (pour le génie civil) pour la construction d´un ouvrage suspendu provisoire à l´emplacement du pont détruit. Il est prévu le remploi des matériaux de ce dernier (AD Ardèche, 1109 W 388, annexe n° 3).
En novembre 1945, l´ingénieur ordinaire rapporte qu´il est besoin de consolider la culée rive droite du pont, notamment par l´injection dans la fissure d´un lait de ciment (idem). Le pont est reconstruit en 1946 (la pile de la rive droite est bien réparée, les autres piles bétonnées) mais sa charge est alors limitée à 3,5 tonnes (Notice "Vieux pont")
En 1965, la circulation journalière moyenne sur le pont est évaluée à 938 véhicules (AD Ardèche, 1965 W 68, annexe n° 4).
En 1967, le pont fait l´objet d´un examen par la Société des constructions métalliques de la Corrèze, qui estime alors que même pour une dépense élevée consistant à refaire entièrement le tablier, l´opération ne serait pas rentable (idem).
L'ouvrage fonctionne jusqu'en 1968, date à laquelle un camion chargé de 35 tonnes de ciment traverse le tablier, tendant trop fortement les câbles et rendant nécessaire l'allègement des charges. Son accès, alors interdit aux voitures de plus de 3 tonnes, est réservé aux piétons et aux deux-roues (Notice "Vieux pont" et Plaquette "Le pont" ; AD Ardèche, 1965 W 68, annexe n° 4)
En 1969, après constats faits sur le pont de son usure importante et des frais d´entretien élevés, on conclut à ce que l´ouvrage soit reconstruit à l´aval de son emplacement actuel "dans le plus bref délai" (AD Ardèche, idem)
Le 1er septembre 1970, lors de l´étude des crédits nécessaires pour solder l´exercice 1970, le crédit de 40 000 francs demandé pour le pont de Rochemaure, pour le second semestre, est jugé suffisant (idem)
Lors des déclassements de routes nationales, en 1973 le pont et la route nationale 86 H sont transférés au Département de l’Ardèche (F. Stévenin, idem). Le 3 août 1973, le pont suspendu est fermé à toute circulation, suite à la demande formulée par les services d´études techniques des routes et autoroutes le 12 juillet 1973, ayant constaté qu´une rupture de l´ouvrage est à craindre et que la sécurité du passage des piétons n'est pas assurée. Un pont Bailey provisoire est envisagé (AD Ardèche, 1965 W 79, annexe n° 5).
En 1976, alors qu'un pont moderne est en voie de construction à l'aval du pont suspendu, demeure le problème de la démolition de cet ouvrage ancien, dont "l´opportunité reste à vérifier" (AD Ardèche, 1965 W 85 : Dossier Déroulement du chantier). Sa démolition était évaluée à 650 000 francs en mars 1972 (AD Ardèche, 1965 W 79)
En 1982, deux incendies endommagent le vieux pont qui est alors interdit à toute circulation (Notice "Vieux pont") et semble réservé aux piétons (MARREY, p. 135 ; MONTENS, p. 126 ; site internet Structurae).
Trois ans plus tard, il est inscrit à l'inventaire supplémentaire. Sans utilisation depuis la construction d’un nouveau pont, le tout est transféré à la commune de Rochemaure par le Département de l’Ardèche au 31 décembre 1986 (F. Stévenin, idem).
En 2013 il est réhabilité en passerelle pour piétons.
2. DESCRIPTION
Le deuxième pont suspendu de Rochemaure, d'environ 300 m de long (277,20 m à 303,80 m selon les sources), comporte deux travées (133 m travée droite et 138,20 m travée gauche). La pile centrale qui les sépare présente une épaisseur de 6 m, la culée droite de 13,50 m et celle de gauche de 13,10 m. Ces trois appuis sont "surmontées de tours évidées en maçonnerie de 13 à 14 m de haut" (AD Ardèche, 2S 30/6, voir annexes n° 1 et n° 2).
Les tours du pont, d'inspiration médiévale, sont décorées de faux merlons, de faux créneaux et de faux mâchicoulis, dans l'esprit éclectique de l´époque Napoléon III. Une niche est aménagée sur leur façade pour abriter, côté Rochemaure, une statue de sainte Marie Réparatrice et, côté Ancône, une statue de saint Joseph (Notice "Vieux pont").
La suspension est constituée de deux nappes (amont et aval) de quatre câbles (composés chacun de 1000 fils pour la travée gauche et 900 fils pour la travée droite). Ils supportent le tablier par 176 tiges verticales de 40 fils et 456 tiges obliques de 24 fils pour la travée gauche ; 168 tiges verticales et 440 tiges obliques semblables pour celles de droite.
Le tablier, à platelage en bois, offre 4,86 m de largeur totale entre les garde-corps ; il porte une voie charretière de 4,30 encadrée de deux heurtoirs formant trottoirs (AD Ardèche, 2S 30/6, voir annexes n° 1 et n° 2).