La brasserie Georges
La brasserie fondée en 1836 par Georges Hoffherr, est connue sous le nom de Brasserie Georges. Bien qu´elle passe souvent dans l´esprit des lyonnais pour être la plus ancienne de Lyon, on comptait déjà plus d´une dizaine d'établissements où se fabriquait la bière lorsque le brasseur alsacien la fonda. Ce bâtiment fut un des premiers construits sur un sol encore marécageux que l´on venait de remblayer avec des graviers du Rhône et autres constituants. Le cours du Midi avait été créé en 1812 ; la brasserie en occupa les numéros 28 et 30.
Les lyonnais furent alors impressionnés par les dimensions de l´établissement, et surtout par une technique architecturale remarquable pour l´époque. En effet, cette vaste salle de 710 m2 ne comporte pas un seul pilier. Il fallut donc, pour couvrir la largeur de la salle en une seule portée, mettre en place une charpente triangulée composée de pièces de sapin boulonnées tête à tête, des aiguilles pendantes, en bois sur les côtés et en métal au milieu, maintenant les trois poutres. Cette charpente supporte une ossature en bois sur laquelle est cloué un plafond horizontal en plâtre sur lattis. Les poutres sont en sapin provenant de la Chartreuse et du Vercors, transportées sur des chariots traînés par six paires de bœufs chacun.
Une petite salle barlongue occupée par des billards longeait la salle principale. Au XIXe siècle, le jeu de billard, dont la mode s´était répandue sous Louis XIV, se généralisa et l´on ne pouvait plus concevoir de café sans une salle qui lui soit réservé. Cours de Verdun, la cloison qui séparait les deux pièces a disparu, mais deux piliers marquent encore cette délimitation. A l´ouest, une véranda se prolongeait d´une cour plantée d´arbres.
Le mur pignon où s'effectue l´entrée se présentait, probablement jusqu´à la fin du XIXe siècle, de façon très simple : percé de cinq grandes baies cintrées au rez-de-chaussée, il en comptait également cinq rectangulaires au premier étage et trois en anse de panier à l´étage de comble. Puis un décor, antérieur à la construction du Savoy Hôtel (aujourd'hui hôtel Ibis) réalisée en 1914, vint l´agrémenter : une marquise, aujourd´hui disparue, courait le long de ce mur et abritait le rez-de-chaussée des intempéries. La façade, toujours divisée en 5 travées la médiane étant surmontée d´un larmier droit, est rythmée par des pilastres corinthiens. L´étage de comble perd ses fenêtres : un fronton triangulaire couronne la façade, de petites consoles décorées de têtes de lion soutiennent les extrémités du fronton, tandis que deux tonneaux tiennent lieu d´acrotères ; au milieu du fronton s´inscrit un médaillon polychrome où apparaît, pour la première fois à Lyon, Gambrinus, roi légendaire de la bière. Le nom de ce personnage trouve son origine chez un duc de Brabant, Jan Primus, prince de naissance bourguignonne, né en 1251 et mort en 1295 au cours d´un tournoi ; son image fut très vite placée par les brasseurs de Bruxelles dans la salle de réunion de leur corporation. L´imagination populaire transforma rapidement Jan Primus en Gambrinus, personnage sympathique et légendaire qui se répandit très vite à travers tous les pays d'Europe. C´est ainsi qu'au XIXe siècle son portrait se trouvait pratiquement dans toutes les salles de brasserie, sculpté, peint ou gravé sur verre.
Une immense terrasse sur le cours du Midi pouvait recevoir 250 à 300 personnes.
A l'intérieur, le décor peint antérieur au décor actuel consistait en motifs végétaux encadrant les fenêtres de cascades de feuilles et soulignant le plafond. Dans la partie inférieure du mur, une balustrade feinte faisait aussi le tour de la salle, agrémentée de fleurs et d´animaux ; on distingue sur des photographies anciennes un paon et un singe, de même qu´un personnage situé dans l´angle de la pièce.
De nos jours, des peintures de Bruno Francisque Guillermin ornent le plafond (cf dossier Palissy Peinture monumentale). Les murs de la grande salle sont revêtus de marbre de différentes provenances créant ainsi un jeu sur la polychromie du matériau. Le soubassement utilise un marbre gris beige rosé assez proche du Sarrancolin ; la frise est grise ; la partie supérieure située au-dessus de la frise peut rappeler le violet de Brignoles ou le rose Enjugerais de Mayenne ; la séparation entre la grande salle et les cuisines est ornée de marbres proches du Rose de Valence, du Rose de Brignoles et du Pratz ou jaune fleuri du Jura. Les baies vitrées dont cinq à guillotines datent des années 1930. Les bas-reliefs en plâtre ornés d'enfants aux tonneaux et aux corbeilles de houblon datent des années 1920 (cf dossier Palissy Ensemble de 11 bas-reliefs IM69000674). De grandes glaces tapissent le mur ouest et la plus grande s´inscrit, derrière le comptoir, dans un lambris de bois. Celui-ci est décoré de quatre pilastres cannelés ornés de festons et de deux médaillons octogonaux et symétriques où sont peintes des cornes d´abondance débordantes de fleurs. Deux dates s´inscrivaient au-dessus de ces médaillons : 1836, celle de la création de l´établissement, et 1936, celle de son centenaire où furent réalisés ces travaux de décoration. Cette dernière est désormais remplacée par 1996, date à laquelle la brasserie fêta son 160e anniversaire.
Photographe au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel, site de Lyon