En mars 1962, l’industriel zurichois Jacques Diserens, devenu propriétaire de la majorité des actions de la société, prend la direction des établissements Prénat qui avaient fêté leur centenaire en 1949 (avec 10 ans de retard pour cause de guerre).
L’activité de Givors, petite ville située à une vingtaine de kilomètres de Lyon, était jusqu’au début du XIXe siècle restée fondée sur la navigation rhodanienne et le roulage au débouché de la vallée du Gier. L’arrivée du charbon stéphanois et la rapide expansion de la sidérurgie et de la verrerie bouleversent la vie de la petite cité dont la population, de 3 000 habitants à la fin de l’Ancien Régime, triple vers 1850 et atteint 13 000 habitants à la veille de la Première Guerre mondiale. En 1839, au tout début de la poussée de la sidérurgie en région lyonnaise, Eustache Prénat, de Saint-Chamond, ancien élève de l’École des mineurs de Saint-Étienne, fait l’acquisition des terrains des Vorgines, au nord du bassin de Givors, et s’associe le 1er juillet 1841 au riche maître de forges lyonnais Victorin Génissieu pour y implanter un haut-fourneau, idéalement situé entre le chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon, le canal de Rive-de Gier et le cours du Rhône. La société Vin Génissieu, Prénat et compagnie, qui s’intitule jusqu’en 1845 « Haut-fourneau et fonderies de Givors et Vienne. Cette société est aussi actionnaire de la Compagnie des transports de la Saône et du Rhône et liée à la société Montgolfier. Elle construit le premier haut-fourneau à Givors entre 1840 et 1845 avec deux fours à réverbère et cinq cubilots. Un deuxième haut-fourneau à coke est autorisé à Givors en 1850 tandis que le haut-fourneau de Vienne est revendu à « Loire et Ardèche » (sources : Pierre CAYEZ, Métiers Jacquard et haut-fourneaux, aux origines de l’industrie lyonnaise, Lyon, 1978,p. 319-336.)
À côté des hauts-fourneaux de première fusion (qui produisent des fontes d’affinage vendues à divers établissements métallurgiques pour devenir fer ou acier, et des fontes de moulages destinées aux fonderies lyonnaises), la société E. Prénat et compagnie ouvre une fonderie de seconde fusion et des ateliers de construction. Les produits manufacturés qui en sortent sont divers : ils vont des grosses pièces telles que jambages de pilons, colonnes, volants, etc., jusqu’aux menues fournitures pour le bâtiment et la poëlerie, en passant par le matériel de chemin de fer, plaques tournantes pour le P.L.M., sémaphores, etc. et toute la gamme des équipements pour les usines à gaz. Également, en particulier la statue de la Vierge du Puy-en-Velay est moulée en 1859 avec les canons pris à Sébastopol. L’ossature des halles des Cordeliers à Lyon est également fournie par la Compagnie.
En 1872, Ferdinand de la Rochette entreprend de traiter avec des fournisseurs de minerais corses, espagnols, italiens ou algériens avant d’entrer dans l’affaire de Rustrel, près d’Apt dans le Vaucluse, et dans celle de Rioupéroux, dont les gisements sont dispersés sur les communes d’Allemont et Vizille dans l’Isère.
À la veille de la Première Guerre mondiale, Édouard Prénat modernise son entreprise et en fait une véritable usine de guerre, en maintenant avec l’État des liens privilégiés par le biais des commandes de « fabrications de guerre », comme l'illustre l’inauguration de deux nouveaux hauts-fourneaux, « Joffre » puis « France », respectivement en 1918 et en 1922. Les Établissements Prénat constituent un îlot de prospérité où le manque de main-d’oeuvre a pu être surmontée par l’embauche de prisonniers de guerre et d’ouvriers portugais malgré une pénurie de matières premières qui reste quant à elle assez sévère. Après la Deuxième Guerre mondiale, Prénat participe à la reconstruction de Givors, avec notamment en 1947-1949 la construction de la Cité ouvrière du Garon. Les années 1950 sont celles de la réorganisation de la sidérurgie française. Prénat fête son centenaire en 1949 mais n’échappe pas à la crise et la famille doit se résoudre à vendre l’entreprise en 1962. La disparition définitive des hauts-fourneaux de Givors en 1966, entraînant la liquidation de 600 emplois, constitue sans doute le point culminant de l’effondrement des premiers fondements industriels de la ville.
Les fluctuations de raison sociale illustrent les conflits d’influences entre deux clans Prénat et de la Rochette : à la tête de l’entreprise : « E. Prénat et Cie » de 1853 à 1863, « F. de la Rochette et Cie » de 1863 à1877, « De la Rochette, Prénat et Cie » de 1877 à 1893, « Prénat, de la Rochette et Cie » de 1893 à 1901et enfin « Ed. Prénat et Cie » de 1901 à 1912 avant que le commandite ne se transforme en société anonyme, qui reste cependant administrée par des Prénat, jusqu’en 1962.