DRAC Rhône-Alpes, CRMH. 69 - Lyon 2e, théâtre des Célestins, 1 I 09 MHAAA-99-460
Rhône, Lyon 2e, théâtre des Célestins
NOTE DE SYNTHESE (par Bernard Gautheron ?, 1992)
Historique
Le théâtre des Célestins a été construit à l'emplacement de l'ancien couvent des Célestins, fondé en 1407. Les archives permettent de retracer l'histoire de ce couvent qui occupait un vaste tènement sur le quai de Saône entre le pont du Roy (pont Bonaparte) et la rue Ecorche-Boeuf (rue Port-du-Temple). Les Célestins protégés par la Maison de Savoie ont atteint leur apogée sous Amédée VIII, au début du quinzième siècle. Succédant à l'ordre du Temple, l'établissement de l'ordre des Célestins devait être réuni à l'ordre de Malte (1778) avant de disparaître en 1785. Une société privée, la Société des Célestins, racheta le terrain. Son promoteur, André Devouges, établit un projet très ambitieux qui transformait l'ancien couvent en une sorte de Palais-Royal avec galeries couvertes et jardin fermé à l'ouest par une salle de spectacles. Ralentie par la Révolution, la construction ne fut pas aussi fastueuse que prévue. La société fit bâtir un bloc d'immeubles limité d'un côté par la Saône de l'autre par une place sur laquelle s'éleva un théâtre encastré dans les maisons. Le théâtre des Variétés, commencé en 1789, fut achevé en 1792. A cette date, l'emplacement était définitivement loti, la place des Célestins avait pris son aspect actuel.
La façade du théâtre des Variétés s'ornait d'un fronton triangulaire et de pilastres ioniques dans le style néoclassique.
Pendant la 1ère moitié du XIXe siècle, la place des Célestins fut le lieu d'animations très populaires : divertissements, chansons, cafés-concerts.
La ville racheta le théâtre en 1838. En 1871, un incendie détruisit ce premier théâtre, devenu d'ailleurs trop petit. Pour le remplacer, la ville lança un concours en 1873. Gaspard André, qui remporta le premier prix, présenta deux variantes de son projet. Dans l'une, il s'était conformé rigoureusement aux données du programme qui tenait compte de la percée probable d'une artère légèrement inclinée sur l'axe de la place et demandait la façade parallèle à l'axe de la rue projetée.
Dans l'autre, la façade, au lieu d'être oblique sur l'axe de la place, lui était perpendiculaire. Ce fut cette seconde solution qui fut adoptée. Elle permettait, sans empiéter davantage sur la place, d'augmenter la profondeur d'une scène qui devait, au besoin, servir à des représentations plus importantes. La rue projetée, qui avait influé sur les données du programme, ne fut jamais percée.
Le théâtre des Célestins fut inauguré le 1er août 1877. Il brûlait trois ans plus tard en mai 1880. Gaspard André le réédifia à l'identique. Il rouvrit en 1881.
CARACTERISTIQUES ARCHITECTURALES ET TECHNIQUES
I LE PLAN
Dessinant un carré presque parfait, le bâtiment se prolonge à l'arrière-scène par des constructions entourant une cour indivise.
La façade principale sur la place a 36 m de long. La profondeur du bâtiment est de 33 m. La surface obtenue se divise également en une partie salle et une partie scène.
L'ensemble repose sur un socle largement profilé au soubassement simple.
II LA FACADE PRINCIPALE
Façade principale : à deux étages d'ordre.
Le centre de l'édifice est un large avant-corps surmonté d'une puissante corniche et d'un dôme très aplati.
Aux trois arcades du rez-de-chaussée correspondent à l'étage trois grandes baies cintrées ouvrant sur des balcons. La composition de l'étage est plus riche (elle correspond au niveau de l'accès au parterre). Deux ailes latérales en retrait et plus basses enferment les espaces de services : circulations, etc.
Les fenêtres d'angle sont couronnées par des frontons curvilignes et rompus. Entre les colonnes accouplées se trouvent la statue de la Comédie et de la Tragédie.
L'ornementation évoque la richesse baroque : cartouches à armes, tête de lion, masques, lyres, L accouplés et couronnes fortifiées.
III LA SALLE
Ce théâtre, comme ceux des grandes villes de province, s'inspire de l'opéra de Garnier pour la décoration de la salle : forme ventrue des balcons et rythme de leur décoration, importance de la frise en plafond, décoration chargée des piliers et des loges d'avant-scène.
Nombre de places : 850
Forme et structures :
La salle s'inscrit dans un pourtour sensiblement carré aux côtés ventrus. Le premier balcon en forme de demi-cercle dont les extrémités s'écrasent avec renflement jusqu'aux loges d'avant-scène, est représentatif de l'intérêt accordé à la visibilité des théâtres de cette époque.
Toute l'ossature de la salle est métallique ; pilier et structure des balcons ainsi que la charpente, l'ossature de la coupole et même l'ossature de la cage de scène.
Composition :
La salle est composée de hautes arcades dans un rythme régulier, soutenues par des piliers en fer, rejoignant la frise du plafond.
Le parterre. Plancher bois en pente. Autrefois, flanqué de baignoires sur tout le pourtour, il n'en reste actuellement que 6.
Loges d'avant-scène. Sur deux niveaux (1ère et 2e galeries) seulement, augmentent l'effet puissant de l'arc formé par le cadre de scène.
Balcons, galeries. La salle comporte 3 niveaux de galeries : jadis formée de loges particulières, la première galerie se prolonge par un balcon avec 3 rangées de fauteuils. La 2e galerie, séparée en 2 parties par une balustrade intermédiaire.
La 3e galerie, appelée poulailler, située derrière les arcades, est composée de plusieurs niveaux. Elle s'étend à l'arrière salle avec un niveau supplémentaire.
Ornementation (extraits de Le décor intérieur du théâtre par Georgette Dargent) :
- La salle
Les travaux de décoration furent conduits par M. Genivet et menés à bien par les mêmes ateliers Flachat et Cochet de Lyon, qui possédaient encore les modèles d'ornementation de la première construction : stuc et plâtre, bois doré, peinture et dorure sur enduit spécial pour les parties métalliques sont les matériaux encore employés. Les formes de ce décor, éclectiques comme l'architecture même du théâtre, mêlent dans la salle renaissance et baroque.
A l'arc de scène, soulignés par des trophées se rapportant à la tragédie (sceptre, couronne, main de justice) et à la comédie ou la musique (flûte de pan, flambeaux, marotte ou masque de Fou) des cartouches moulurés à fonds sablés d'or encadrent les noms de Racine, de Molière et de Corneille. L'ouverture de la scène est entourée d'un cordon de rais de coeur, lui-même souligné d'un rang de perles. Un rideau en toile à embrasses et glands d'or était surmonté d'un baldaquin qui existe encore, baldaquin en tôles assemblées, recouvert d'une toile peinte avec au centre un écusson marqué d'un lion entouré de deux nymphes soutenant des guirlandes de fleurs et de fruits. Aux extrémités de l'arc surmontant les loges d'avant-scène abondamment décorées, des frontons curvilignes et brisés sont accostés de consoles inutiles et soutenus lourdement par d'autres qui servent de cadres au L emblématique de la ville, traversé de la couronne fortifiée. Au-dessous, des cornes d'abondance réunies par une agrafe, entourent un masque de faune.
Les balcons des deux premières galeries ne sont pas moins soignés que la scène. Aux agrafes, aux rais de coeur, aux perles s'ajoutent rinceaux et pampres chargés de grappes de raisins. Mais le geste des putti qui rythment les avancées de la deuxième galerie n'a plus de raison d'être. Autrefois, au temps de l'éclairage au gaz, leurs mains tendues retenaient des girandoles de lumière, supprimées aujourd'hui ; l'électricité leur a substitué des faisceaux de lampes à la jonction des colonnes.
- Le plafond : le lustre est composé d'une "ossature en fonte et fer ornés et dorés munie de cordes en cuivre, manoeuvrée par un treuil à double mouvement avec arrêt de sûreté et frein".
Le plafond est limité par l'avant-scène et les sept archivoltes qui le séparent de la troisième galerie. Un tore garni de feuillages couronne les archivoltes, ponctué de têtes féminines richement ornées et de six cartouches portant les noms d'auteurs dramatiques de la fin du XVIIe et du XVIIIe siècles : Voltaire, Regnard, Beaumarchais, Marivaux, Desaugiers, Panard. Un cordage en spirale enroulé autour d'un gros câble relie l'ensemble au velum du plafond. Le plafond du théâtre est en cuivre "par panneaux fixés à des carcasses en cornières, adaptés à la charpente" et c'est ainsi que l'oeuvre du peintre Joanny Domer "exécutée sur fond à sable doré" remplaça la toile marouflée d'Auguste Alexis Hirsch.
IV LA SCENE
Véritable outil technique, elle contient trois fois le volume de la salle. Elle est restée dans on état d'origine.
Fosse d'orchestre. Capacité 100 musiciens.
Dimensions : cadre de scène : 9,50 m d'ouverture
17,60 m de large de mur à mur
14 m de profondeur depuis l'avant-scène
Le plateau : équipé de trappes et costières. Le plateau, en légère pente (4cm/m) comporte à l'avant-scène le trou du souffleur et à l'arrière-scène, un monte-charge pour l'arrivée du décor.
Les dessous : 3 niveaux équipés de machineries classiques (chariots, etc.). Le 3e niveau se trouve au niveau de la rue. Les dessous sont ainsi éclairés par des ouvertures donnant sur la cour. Actuellement, le premier plancher du dessous ayant bougé, il rend inutilisable une partie de la machinerie.
Les dessus : deux niveaux de passerelles, avec cinq ponts volants, latérales et en fond de scène. Un niveau gril. Structure métallique d'origine, machinerie bois, 52 perches équipées pour certaines de contrepoids. Le gril est équipé de tambours bois à démultiplication, de moufles bois et mères de famille.
CONCLUSION
Le théâtre des Célestins est la première oeuvre de Gaspard André (lors du concours de 1873, il n'avait que 33 ans et n'avait encore rien construit). Il s'est inspiré d'un projet établi par lui deux ans auparavant pour le théâtre de Genève.
La façade du théâtre des Célestins se rapproche d'autres façades de théâtres contemporains (Reims, Nantes) mais l'oeuvre de Gaspard André fut jugée à l'époque très réussie. Elle fut reproduite dans de nombreux dessins et figure à l'Exposition universelle de 1878.
Le théâtre était conforme aux goûts de la société de son temps. G. André "a cherché à bâtir un théâtre élégant et harmonieux, d'un type alors répandu mais dont le luxe resta décent et léger ..., d'une architecture classique, finissante, trop riche de connaissances peut-être, mais destinée à plaire" (G. Dargent).
L'ensemble de l'édifice a été remarquablement conservé depuis sa création, y compris la cage de scène avec sa machinerie, qui sont un témoin rare de la technique théâtrale (très peu ont pu être conservés en France).
La conservation de la cage de scène pose un problème pour la Ville de Lyon qui souhaiterait transformer toute l'installation pour des raisons de sécurité et pour des impératifs liés à la technique théâtrale (augmentation de la surface du plateau de scène, modernisation de l'équipement scénique).
Cette modernisation ne peut se réaliser en conservant tout ou partie des installations anciennes.
Compte tenu de l'intérêt architectural de l'édifice (c'est le seul théâtre à l'italienne conservé à Lyon) de la qualité du décor intérieur et de la parfaite conservation de l'édifice, un classement, en totalité, parmi les monuments historiques serait tout à fait justifié.
Grand Prix de Rome en 1783, architecte de la Ville de Lyon en 1795, professeur à l’École des beaux-Arts de Lyon (1814-1824)
Voir Maynard, Louis, 1932, vol. 2 p. 41