Rapport estimatif de la propriété du Sr Puy, sise rue de la Préfecture n° 8 et rue Écorchebœuf n° 17 à Lyon dressé par le tiers expert nommé d’office par Mr le Juge de Paix du 2e arrondissement, en vertu d’un jugement rendu en la chambre du Conseil par le Tribunal Civil de Lyon le 5 avril 1842.
Archives Départementales et Métropolitaines, Uciv 1686.
Extraits :
Nous soussigné Antoine Léonard Montrobert architecte adjoint à la mairie de Lyon, patenté à la mairie de cette ville sous le n° 734, demeurant à Lyon place St Michel 6, tiers expert nommé d’office par M. le Juge de paix du 2e arrondt de Lyon dépt du Rhône, ainsi qu’il appert de son ordonnance rendue le 5 juillet 1842, à l’effet de départager MM. Pascal & Favre, tous deux architectes au dit Lyon experts désignés, l’un par l’administration de l’enregistrement & des domaines et l’autre par le Sr Balthazard Puy propriétaire à Lyon aux fins de remplir les dispositions d’un jugement rendu en la chambre du conseil, par le tribunal civil de Lyon le cinq avril mil huit cent quarante-deux, enregistré le vingt du même mois et dont la teneur suit ;
« attendu que l’administration de l’enregistrement et du domaine prétend dans sa requête qu’un acte passé devant Me Berlotty notaire à Lyon le 10 janvier mil huit cent quarante-deux contenant la vente par Mr Pierre Mathieu Richard au Sr Balthazard Puy d’une maison située à Lyon, formant deux corps de bâtiment dont l’un a sa façade rue de la Préfecture n° 8 & l’autre rue Écorchebœuf n° 17 au prix de deux cent quatre-vingt-quinze mille francs recèle une simulation de cent cinquante mille francs au moins et qu’elle demande pour faire constater cette simulation qu’il soit ordonné une expertise attendu que cette demande étant basée sur la loi du 22 frimaire an VII, ne peut leur être refusée.
[…]
Et nous avons immédiatement procédé à l’examen sommaire de l’immeuble dont il s’agit et de quelques autres voisins, dans la même rue qui nous ont été indiqués comme points de comparaison, en prenant les notes qui nous ont paru nécessaires.
[…]
Maison sur la rue de la Préfecture
Rez de chaussée
Arrière magasin sur la cour au couchant occupé par le sieur Dreutler [?], marchand de liège, ainsi que l’entresol au-dessus, les deux sommiers du plancher couvrant ce magasin ayant fléchi ont été armés latéralement par des plateaux boulonnés, de chaque côté, et ceux du plancher couvrant l’entresol et qui supportent tout le poids des gaines isolées des étages supérieurs, sont étayés sur les précédens par deux pieds droits en bois de chêne coiffés d’un poitrail en même bois correspondant au-dessous des dites gaines.
Entresol
Par la disposition du coiffage et principalement de la corniche du soubassement, toutes les pièces de cet étage sur la rue de la Préfecture, sont plus sombres que celles donnant sur la cour, où il n’y a point de corniches.
1er étage
Presque tous les plafonds sont à réparer par suite du fléchissement des sommiers. Dans l’appartement au levant, la cheminée de la chambre à coucher sur le devant est à réparer d’urgence, la fumée passant derrière la boiserie entre la corniche et le plafond peut faire déclarer un incendie d’un moment à l’autre.
2e étage
Dans la cuisine de la salle à manger de l’appartement au levant la fumée de la gaine isolée de la cheminée s’échappe à la jonction du plafond et de ladite gaine. Dans l’appartement au couchant, soit que le plafond de la salle à manger sur la cour a été réparé, soit que les étais placés à l’entresol sous le paquet des gaines de cheminée aient neutralisé le mouvement de ces gaines on ne voit pas de trace de fumée comme dans l’appartement au levant. Sur le devant, le fléchissement des planchers et des cloisons des diverses chambres, est le même que dans les autres étages.
3e étage
Dans l’appartement au levant, occupé par le sieur Placy, ce locataire nous a déclaré que, sur le devant il a fallu, depuis qu’il habite ce logement, changer un sommier du milieu, lequel était pourri en prise [?], et dont le fléchissement progressif avait causé l’affaissement et le déchirement des cloisons adjacentes, dont on remarque encore les traces, et faisait craindre un écroulement subit.
Dans la chambre au couchant sur le devant, il existe une disjonction entre les gaines et le mur par laquelle la fumée et la suie pénètrent dans un placard joignant les gaines de cheminée. Il est urgent de réparer ce vice de construction pour détruire un foyer permanent d’incendie dangereux non seulement pour cette maison mais aussi pour la maison voisine. Le même vice et le même danger existent au paquet des gaines de cheminée de la salle à manger sur la cour. Partout les cloisons sont rompues et lézardées par suite du fléchissement excessif des planchers dont les sommiers sont trop faibles pour leur portée, dans quelques parties les cloisons sont restées suspendues par les aisseliers crossés [?] aux planchers supérieurs et laissent un vide de plus d’un centimètre entre ces cloisons et le parquet. Les linteaux des portes ayant perdu leur niveau, les portes ne peuvent plus ouvrir qu’en ôtant journellement du bois par-dessous du côté opposé à leur ferrure, ce qui laisse au-dessous un grand vide lorsqu’elles sont fermées, établissant un courant d’air incommode d’une chambre à une autre surtout dans l’hiver. Il est à craindre et même très présumable que beaucoup d’autres sommiers, non seulement des planchers de cet étage mais aussi de ceux des autres étages dont le fléchissement est partout de même plus ou moins prononcé, ne soient également pourris en prises et à changer prochainement. Dans l’appartement au couchant les plâtres des plafonds ayant déjà été réparés, nous n’y avons pas remarqué des traces de fumée contre les gaines. Le fléchissement des planchers et le tiraillement des cloisons est à peu près le même que dans l’appartement au levant.
4e étage
On retrouve dans cet étage les mêmes vices de construction et les mêmes effets dans l’appartement au couchant et notamment dans les pièces sur le derrière, le fléchissement des planchers et la dislocation des cloisons sont encore plus prononcés que dans les autres étages, et les éviers n’ont point de conche.
5e étage
Mêmes vices de cheminées, et mêmes effets aux planchers et cloisons que dans les autres étages, les éviers n’ont point de conche.
6e étage
Les premiers experts ont reconnu avec nous l’erreur qu’ils ont commise dans la description de cet étage, en portant six chambres établies sur la galerie du côté de la rue. Il n’existe réellement qu’une petite chambre au couchant du corridor prenant jour sur la galerie par une seule fenêtre servant de logement au portier et une autre chambre à la suite et au levant de la précédente prenant jour par deux fenêtres, sur la galerie ; cette chambre est louée cent francs par an à Madame veuve Amaury qui la divise en deux à ses frais au moyen d’une cloison pour former une petite chambre qu’elle loue en garni. (…)
Corps de bâtiment sur la rue Écorchebœuf
(…) nous avons aussi reconnu la vérité des observations de l’expert des propriétaires concernant l’exiguïté des pièces composant chaque étage, exiguïté telle que quelques locataires ont été obligés de supprimer des cloisons : les caves sont petites et manquent effectivement de jour et d’air, aussi le revenu de ce corps de bâtiment est plutôt susceptible de diminution que d’augmentation.
D’après cet examen détaillé et contradictoire, nous sommes d’avis que le vice de construction des cheminées des salles à manger des deux corps du bâtiment sur la rue de la Préfecture exige la prochaine démolition de ces cheminées et leur reconstruction dans un autre endroit en les adossant contre un mur, soit à cause des craintes journalières d’incendie, soit pour soulager les planchers surchargés par ce poids que d’après les règles ils ne sont pas destinés à supporter. L’expert de l’administration reconnaît lui-même la nécessité de cette réparation qu’il n’estime qu’à la somme de six mille francs parce qu’il pense que les cheminées pourraient demeurer à la même place au moyen d’une couchée qui conduirait la fumée dans le paquet des gaines que l’on adosserait seules contre le mur mitoyen.
(…) par suite du fléchissement continuel des planchers dont les sommiers sont trop faibles pour leur portée ; (…) deux de ces sommiers ont dû être étayés à l’entresol, et deux autres ont déjà été remplacés dans les étages supérieurs. La courbure plus ou moins prononcée des autres et le déchirement des cloisons fait présumer qu’il faudra, et peut-être prochainement, remplacer encore quelques-uns de ces sommiers qui entraineront la reconstruction d’une partie des parquets, des plafonds et des cloisons ainsi que des tapisseries et peintures. En attendant il faudra toujours à la fin des baux actuels faire réparer les plafonds et les cloisons pour pouvoir relouer ces appartements. (…) Les parquets en bois de chêne et panneaux en bois de sapin ont été mal faits, au point que quelques locataires préfèreraient n’avoir qu’un carrelage ordinaire. Au premier abord, en n’examinant que la grande façade sur la rue de la Préfecture, on jugerait cet immeuble beaucoup plus considérable qu’il n’est effectivement et d’un revenu plus considérable ; mais à l’intérieur l’espace est dévoré par l’escalier à [double ?] rang et la belle cour, d’un bel effet, mais dont le grandiose n’a pu s’obtenir qu’aux dépens des appartements dont les distributions hérissées de corridors et de cabinets noirs, sont incommodes et nuisent à la valeur locative. En général, nous partageons l’avis de l’expert du propriétaire en ce qui concerne les vices de construction et de distributions. (…)
Monsieur Balthazard Puy, négociant, rue des Feuillants cinq (…)
La maison rue de la Préfecture numéro douze, indiquée comme ayant un revenu de quatre mille quatre-vingt-quinze francs, n’a en réalité que celui de trois mille cinq cent-soixante-dix francs. Cette différence provient, comme pour la maison Puy, d’une rectification de revenu postérieure à l’expertise. La maison rue Écorchebœuf numéro dix-neuf indiquée comme ayant un revenu de huit cent quarante-trois francs, ne figure au cadastre que pour un revenu de cinq cent vingt-deux francs.
[Les numéros pairs de la rue de la Préfecture ont été plus touchés par les vices de construction que les numéros impairs].
(…) Rez de chaussée : Au cafetier, magasin et partie d’entresol, au sieur Buisson, magasin sans entresol, aux Sieurs David & Dreuiller [ ?], magasin et partie d’entresol, non loué, autrefois magasin de musique et deux chambres à l’entresol
(...)
Maison rue Écorchebœuf numéro 17, Rez de chaussée : au sieur Pupet, magasin avec arrière magasin et une pièce à l’entresol. (…)
En adoptant pour un instant ce chiffre de 15 476 pour revenu net de l’immeuble nous ne saurions partager l’opinion émise par cet expert, qu’il est très avantageux pour des capitaux aussi considérables de trouver un placement sûr à 4 % car d’après les informations exactes que nous avons prises sur les valeurs locatives des appartements de la rue de la Préfecture et de la rue Écorchebœuf, nous avons la certitude qu’à la fin des baux, on ne pourra relouer ces appartements aux prix existants qu’avec de grandes difficultés d’autant plus que déjà on n’a pu retrouver le même prix pour un magasin avec deux chambres à l’entresol, qui sont encore à louer, il en est de même pour une autre chambre à l’entresol, pour cinq pièces au premier étage, et six pièces au quatrième étage ; nous ne pensons donc pas qu’un capitaliste qui a dû, avant de faire l’acquisition d’un pareil immeuble, le faire visiter dans le plus grand détail et qui a connaissance des vices de construction et des frais qu’il fera dans la nécessité de faire un peu plus tard [ ?] les non valeurs qu’il éprouvera par suite de non location, achète ces maisons sur un revenu actuel de moins de cinq pour cent (…)
Extrait des rôles de contribution foncière, déposés aux archives de la préfecture du Rhône, 4eme arrondissement de la ville de Lyon année 1838. Article 881. MM Vingtrinier, Bonnet & Compie pour une maison rue de la Préfecture 8, imposés d’après un revenu net de 5538 f 16 ct ont payé dix neuf cent vingt trois francs trente neuf centimes. Certifié conforme par l’archiviste de la préfecture soussigné, Lyon, le 12 août 1842, Chelle. Enregé à Lyon le quinze octobre 1842 f.III.d.C7. Reçu un franc décime des centimes, Guillot
Photographe au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel, site de Lyon