L'édifice situé 21 rue Cavenne dans le 7e arrondissement de Lyon a été construit en 1887-1888 par l'architecte E-B (Émile ?) Ripert, pour le compte de Jacques-Antoine Nolot, instituteur, qui y installe son domicile ainsi qu'une institution d'enseignement secondaire privée.
L'Institution Nolot (1888-1901)
L'Institution Nolot, fondée par celui-ci en 1876 au 21 rue Longue dans la Presqu'île, était un pensionnat et externat masculin privé et laïque. Elle est transférée en 1888 dans le quartier de la Guillotière, pour accompagner le déplacement du centre de gravité intellectuel de la ville vers le nouveau quartier universitaire et bénéficier d'une installation moderne et spécialement conçue pour l'enseignement. Elle s'implante sur une importante parcelle en profondeur, traversant l'ilot entre la rue Cavenne et la rue de Béarn, dont la propriété provient du démantèlement du domaine de la Cristallerie de la Guillotière, et a été acquise des héritiers de Charles Gailleton. La façade sur rue porte la signature de l'architecte [E. RIPERT / ARCH. 1888] et de l'ingénieur [PETIT / ING. 1888]. Les travaux sont réalisés par l'entrepreneur Lagoutte, domicilié 19 rue de la Vieille-Monnaie. De part et d'autre du fronton, deux inscriptions rappellent la fonction initiale de l'établissement : [ENSEIGNEMENT] [SECONDAIRE].
D'après les documents et plans dressés en 1901, au moment où cet édifice est acquis par la Ville de Lyon, l'établissement se composait d'une maison sur rue, construite en pierre et couverte de tuiles et d'ardoises, comptant trois étages sur caves voûtées et desservie par un escalier en pierre. La distribution intérieure de la maison comprenait au rez-de-chaussée le réfectoire de l'institution (cuisine, salle à manger des maîtres, salle à manger des élèves) et l'appartement du directeur (grand salon, cabinet du directeur, petit salon, chambre, accès aux chambres particulières de l'étage par un escalier particulier en vis). Les deux étages carrés subdivisés par de multiples cloisons en briquetage paraissent aménagés en chambres d'étudiants ou de professeurs, des chambres de domestiques et un grenier sont installés dans les combles. Une salle d'armes est aménagée dans les caves. Deux bâtiments annexes d'un étage avec escalier extérieur, construits en pierre et mâchefer et couverts d'une toiture à un pan, sont implantés perpendiculairement dans la cour et eux-mêmes prolongés par deux hangars : au nord, le bâtiment annexe accueille deux salles de cours et d'études superposées, le hangar sert de préau couvert ; au sud, le bâtiment annexe comprend une salle de bains et une buanderie au rez-de-chaussée et une salle de cours à l'étage, le hangar est un local technique subdivisé en trois espaces (salle des machines, salle du générateur et latrines). Le fond de parcelle est occupé par un jardin organisé en quatre parterres et cour plantée d'arbres, un bassin est installé entre les deux ailes en retour.
Les installations techniques de l'Institution, particulièrement modernes pour l'époque, ont été présentées à l'Exposition universelle de 1889 dans la section "Enseignement", et font l'objet d'un commentaire détaillé dans le rapport Lyon à l'Exposition universelle de 1889. Installé dans le bâtiment annexe sud, un générateur à vapeur assure le chauffage de l'ensemble de l'établissement (via un réseau de poêles) et anime plusieurs machines à vapeur associées : un chauffe-eau desservant la buanderie et la salle de bains ; une pompe à eau puisant l'eau du Rhône en profondeur pour la stocker dans les combles ; une machine dynamo-électrique Edison qui produit l'électricité destinée à l'éclairage domestique par un système de lampes à incandescence.
L'école publique de la rue Cavenne (1904-1975)
Le 13 juillet 1901, la Ville de Lyon achète la propriété dans l'objectif d'y transférer les écoles de filles et de garçons du 14, rue d'Aguesseau et 24, rue Pasteur, fonctionnant dans des locaux insuffisants en location, et dont le bail arrive à expiration en juin 1904. En attendant cette échéance, le bâtiment accueille temporairement le Conservatoire de musique pour lequel un nouveau bâtiment est en construction sur le quai de Bondy (Palais des arts, dit aussi Palais de Bondy). A partir de mai 1904, des travaux d'appropriation sont conduits sous la direction d'A. Duru, architecte divisionnaire du 3e arrondissement, afin de diviser les bâtiments en deux écoles distinctes fonctionnant séparément. L'école de filles (5 classes) a son entrée rue Cavenne et occupe le rez-de-chaussée de l'immeuble, la moitié du premier étage et l'ensemble du bâtiment annexe nord. L'école de garçons (5 ou 6 classes) a son entrée au 38, rue Pasteur, qui ouvre sur une longue allée séparée de la cour des filles par un mur en pisé de mâchefer surmonté d'une grille en fer, aboutissant au bâtiment annexe sud. Elle occupe également la moitié du premier étage, directement accessible par un nouvel escalier spécialement construit entre l'immeuble principal et le bâtiment annexe, et la totalité du deuxième étage. Cette campagne de travaux comporte la suppression des aménagements de nature domestique qui caractérisaient l'institution Nolot : suppression de tous les cloisonnements intérieurs, dépose de quatre cheminées en marbre, démolition du bassin au milieu de la cour et du lavoir dans la buanderie. Les circulations entre les bâtiments sont repensées en fonction de l'impératif de séparation des filles et des garçons : les deux escaliers extérieurs en pierre accolés aux bâtiments annexes sont démolis, et ceux-ci sont reliés au corps principal par deux passerelles sur solives en fer, avec hourdis en béton de mâchefer. Enfin, une fosse d’aisance est construite pour l'école des filles, alors que les garçons utilisent les sanitaires de l'institution Nolot. Les installations techniques de l'aile sud sont conservées et remises en état.
En 1943, un poste de radio clandestine du réseau de résistance Gallia (principal réseau de renseignement français en zone sud, rattaché au BCRA) est dissimulé dans l'école. L'opérateur radio Paul Bonnafoux (Toulon, 1908 - Hartheim, 1944) est arrêté par la Gestapo le 25 janvier 1944 et meurt en déportation en Autriche en octobre 1944.
Le groupe scolaire Cavenne-Pasteur
En 1962, la Ville engage un projet d'agrandissement de l'école Cavenne, rendu nécessaire par l'expansion démographique du quartier et l'accueil de fillettes d'âge maternel (classes enfantines de filles) au sein de l'école de filles, mais qui ne disposent pas de locaux propres. A cet effet, la Ville acquiert et fait démolir deux immeubles adjacents à la parcelle aux n°44 et 46 rue Pasteur. Le programme pédagogique rédigé par l'inspecteur signale que "toutes les classes du groupe scolaire sont installées dans des locaux insuffisants et fonctionnent dans des conditions médiocres" : deux classes ont dû être installées dans des locaux préfabriqués sur la place Déperet (actuelle école privée Saint-André ?), deux classes occupent d'anciennes pièces d'appartement, les sanitaires sont très sommaires, il n'y a pas de préau ni de salle de repos pour les classes enfantines.
L'architecte Georges Lavenir présente un avant-projet en date du 18 avril 1963, approuvé par le conseil municipal : il prévoit la restructuration du bâtiment Nolot, exclusivement affecté à l'école de filles et à l'école maternelle, et la construction d'une école de garçons sur l'arrière de la parcelle, rue Pasteur. Mais ce projet est abandonné en 1968 à la demande de l'inspection d'académie qui formule de nouvelles instructions conformes à la circulaire du 15 juin 1965 imposant la mixité dans toutes les nouvelles écoles élémentaires. L'architecte produit donc le 24 octobre 1969 un nouveau projet proposant la construction à neuf de l'école maternelle au 46, rue Pasteur, et l'aménagement d'une école primaire mixte au 21, rue Cavenne. Le projet définitif est validé par le conseil municipal en décembre 1972, et les travaux sont achevés en juin 1975 (PV de réception définitive).
La restructuration du bâtiment Nolot comprend la démolition de toutes les annexes sur cour, permettant la création de deux cours de récréation en cœur d’ilot et d'un préau avec portique couvert pour l'école primaire (décoré par une peinture murale datée de 1982). Un bloc sanitaire centralisé est créé au rez-de-chaussée et une chaufferie centrale au mazout est installée au sous-sol. L'escalier extérieur des garçons est supprimé et remplacé par un escalier de secours adossé à la façade sur cour et desservant tous les niveaux du bâtiment.
Les dispositions intérieures sont modifiées ultérieurement par l'aménagement du réfectoire au rez-de-chaussée. En 2015, un projet de restructuration du groupe scolaire est engagé, prévoyant la construction d'un corps de liaison sur pilotis entre l'école primaire et l'école maternelle. Dans ce cadre, les aménagements de la cour (préau, portique, escalier de secours) doivent être démolis.
Conservatrice du patrimoine, chercheure au Service de l'Inventaire (2014- ).