1. HISTORIQUE
En 1812, le maire de Valence demande au ministre de l'Intérieur d'envisager la construction d'un pont dont la nécessité s'impose pour traverser le Rhône à Valence. Il évoque la commodité qui serait offerte aux déplacements des convois militaires entre France et Italie. L'année suivante, le ministre fait évaluer le prix du pont estimé à 2 100 000 F. Le projet n'aura pas de suite (FRANÇOIS, p. 42).
Après la construction du pont suspendu de Tournon par les frères Seguin, en 1825, l´idée d´utiliser les mêmes techniques se fait jour à Valence (ANTRESSANGLE, p. 183).
Dès 1824, l'ingénieur Jules Seguin avait dressé le plan d'un pont suspendu et en demandait la concession (MELLIER, p. 379 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169).
Selon François, dès 1826, le Conseil Municipal de Valence accorde à la Compagnie Seguin la concession du pont suspendu à péage (FRANÇOIS, p. 42). Une source d'archive mentionne
l'ordonnance de concession du pont de Valence au 7 avril 1827 (AD Rhône, 3959W1777).
Le décret de Charles X du 28 août 1827 approuve l'adjudication de la construction de l'ouvrage passée le 30 mai précédent au sieur Barrès du Mollard, représentant la société Seguin, moyennant la concession des droits à percevoir sur le pont pendant 66 ans (voir ordonnance, annexe n° 1 ; MELLIER, p. 379 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; Histoires de ponts..., p. 51 ; site Art et histoire).
Le pont suspendu est commencé en juillet 1829 (MELLIER, p. 379 ; ANTRESSANGLE, p. 183). Un préposé de l´administration, le sieur de Breteuil, est nommé par arrêté préfectoral du 30 septembre 1829 pour surveiller et faciliter la navigation pendant les travaux, à dater du 1er octobre 1829, jusqu´à la réception de l'ouvrage. Jules Seguin, le concessionnaire, refuse de reconnaître et de payer ce préposé (AD Drôme, 3S 40).
Le 18 septembre 1830, il est procédé aux épreuves (MELLIER, p. 379) et le 24 suivant, un arrêté préfectoral autorise Jules Seguin à ouvrir le pont au public et à percevoir à son profit le droit de passage (AD Drôme, 3S 40 : Chemise 511 ; MELLIER, p. 378-379 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; ANTRESSANGLE, p. 183 ; site Art et histoire).
L´arrêté doit être notifié au fermier du bac à traille, le sieur Gonnet, auquel il est enjoint en même temps de suspendre sur le champ la circulation du bac de Valence dont le bail est résilié d'office (AD Drôme, idem).
Le pont est parachevé - portique central, pavillon et culées notamment - pendant les trois années suivantes et le 17 août 1833 est prononcée sa réception définitive (MELLIER, p. 379).
La dépense totale s'élève à 600 000 F, en comprenant la reconstruction de la travée incendiée en 1835 (MELLIER, p. 381 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169, note 3 ; FRANÇOIS, p. 42).
Dans un courrier du 2 octobre 1834, Gautier, l´un des "syndics de la société anonyme du pont suspendu de Valence", fait part de la menace d´incendie "à cause des fumeurs de cigares et de pipes qui passent sur le pont et jettent quelquefois des bouts de cigares allumés sur le plancher". "Ce cas est arrivé trois fois en une dizaine d´années, heureusement de jour, et les incendies ont été vite éteints avec un vase d´eau (...)". Il demande le renouvellement de l´affichage de l´interdiction de fumer sur le pont et de l´afficher aux deux entrées et sous la pile du milieu (AD Drôme, 3S 40).
Cela ne suffira pas puisque, le 3 septembre 1835, un incendie détruit la travée ouest, nécessitant le rétablissement d'un bac (MELLIER, p. 379 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; PLECHE, p. 43 ; Histoires de ponts..., p. 51).
Le relevé de comptes de la Société anonyme, constituée par ordonnance royale du 19 juillet 1836,
mentionne les travaux de reconstruction de cette travée en sapin en bois de chêne (AD Drôme, 3S 40 : Chemise 516, annexe n° 2).
Un autre incendie endommage le tablier en bois le 26 juin 1837 ; ce dernier sera sans grandes conséquences (MELLIER, p. 379 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; Histoires de ponts..., p. 51).
En 1840, une crue du fleuve détruit la pile de la rive droite ; cette dernière est sauvée grâce à la réquisition de civils et de militaires employés au transport de rochers et de graviers destinés à combler l'affouillement (PLECHE, p. 43).
En 1846, le tablier trop bas, gênant la navigation, est surélevé (PLECHE, p. 43). Cet exhaussement est mentionné dans les archives dès 1845 (AD Rhône, 3959W 1777).
En 1856, une nouvelle crue entraîne cette fois l'effondrement de la culée rive gauche (PLECHE, p. 43).
En 1864, les habitants de Valence, trouvant excessif le prix du péage, adressent une pétition à l'Empereur pour que la ville rachète le pont à la Compagnie Seguin (PLECHE, p. 43).
Un décret du 16 décembre 1884 déclare d'utilité publique le rachat de la concession du pont suspendu (MELLIER, p. 379). Le rachat ne sera effectif qu'en janvier 1885 (MELLIER, p. 380 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; PLECHE, p. 43 ; Histoires de ponts..., p. 51 ; site Art et historie). Une grande fête populaire marque l'événement (PLECHE, p. 43).
Les frais d'acquisition montèrent à 420 000 F (MELLIER, p. 380 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169, note 4 ; PLECHE, p. 43).
En 1890, le Conseil municipal demande la consolidation du pont pour supporter le passage d'un tramway. Les ingénieurs proposent la construction d'un nouveau pont métallique, mais la hausse du prix du fer fera renoncer au projet (PLECHE, p. 43).
En 1900, le pont suspendu devenu insuffisant (FLANDREYSY, MELLIER, p. 170) et nécessitant des réparations importantes, l´étude d´un nouvel ouvrage est entreprise. Un avant-projet de pont en maçonnerie est dressé (AD Rhône, 3959W 1777 et 1778 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 170 ; PLECHE, p. 43).
Le nouveau pont, construit de 1902 à 1905, est établi à 30 m en aval du pont suspendu qu'il est destiné à remplacer (AD Drôme, 3S 40 et AD Rhône, 3959W 1777 et 3959W 1778).
En 1906, le projet de pont suspendu entre Charmes-sur-Rhône (Ardèche) et Etoile-sur-Rhône (Drôme), en remplacement de l'ancienne traille, est consécutive à l'ouverture du pont en pierre de Valence et contemporain de la démolition programmée de l'ancien ouvrage. Le conseil municipal d´Etoile propose alors le réemploi des matériaux du pont suspendu de Valence.
Selon l´ingénieur en chef, "la suspension et le tablier du pont à démolir à Valence ne sauraient fournir, dans l´état où ils se trouvent, des éléments pour l´établissement d´une construction durable" ; quant au "réemploi des matériaux des appuis il ne conduirait pas à une économie à cause des sujétions qu´il imposerait" (AD Drôme, 3S 41 : Chemise 525).
Cette même année 1906, interdiction est faite de circuler sur l'ancien pont suspendu de Valence (PLECHE, p. 43) ; ce dernier est démoli dans la seconde moitié des années 1910. Les dates divergent à ce propos : on trouve 1906 (AD Rhône, 3959W1777), 1907 (idem, 3959W1778 : selon cette source, le pont suspendu est démonté et les maçonneries démolies en 1907, y compris la pile centrale dont la fondation en enrochements est arasée à 1 m au-dessous de l´étiage : Note sur l´historique de l´ouvrage, dressé par l´ingénieur des TPE Bujard, 18 avril 1963) et encore 1908 (PLECHE, p. 43). Enfin, d'après Antressangle, la démolition commence le 22 juillet 1907 et se termine en 1908 (ANTRESSANGLE, p. 187).
Un rapport d´ingénieur, du 23 septembre 1911, mentionne les travaux d´enlèvement des fondations de la pile de l´ancien pont, qui nécessitent l´emploi de la mine (AD Drôme, 3S 40).
Selon Flandreysy et Mellier, le pont suspendu de Valence était un des plus remarquables et le deuxième pont de ce type construit en France (FLANDREYSY, MELLIER, p. 169).
2. DESCRIPTION
L'ouvrage présentait une longueur totale de 235,60 m (MELLIER, p. 380 ; FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; ANTRESSANGLE, p. 183) en deux travées de 110 m environ (KIRCHNER ; site Art et histoire).
Mellier en donne la décomposition suivante (p. 380) :
pavillon Valence : 6,80 m ;
première travée : 108,30 m ;
portique central : 5,40 m ;
deuxième travée : 108,30 m ;
pavillon Granges : 6,80 m.
Le tablier en bois (AD Drôme, 3S 40 ; Histoires de ponts..., p. 51) faisait 7 m de large (FLANDREYSY, MELLIER, p. 169 ; FRANÇOIS, p. 42 ; site Art et histoire). Il comprenait une chaussée de 5 m et deux trottoirs de 1 m (MELLIER, p. 380 ; FRANÇOIS, p. 42 ; ANTRESSANGLE, p. 183).
La hauteur du tablier était de 8,40 m au-dessus des basses eaux (FRANÇOIS, p. 42).
Les appuis étaient construits en pierre calcaire de Crussol (site Art et histoire), ainsi, la pile centrale et son pylône formant un portique de 15,70 m de large, 20 m de haut et 7 m d'épaisseur (MELLIER, p. 381). Il offrait un arc de passage de 6,60 m de large et de 10,50 m de hauteur sous clef (idem).