1. HISTORIQUE
Le point de franchissement du Rhône dans le défilé de Donzère serait très ancien et pourrait remonter à l'époque romaine ; le pont et la RN 86J qui y aboutit coïncide exactement avec une des limites de centuries représentées sur le cadastre d'Orange, dressé vers l'an 77, d'où l'hypothèse d'un pont romain à cet emplacement (Dossier d´inventaire, 1977 ; LAUXEROIS, p. 53).
Dès 1833, des rapports sont établis afin de remplacer le bac de Donzère, ou bac du Robinet (dont une pile est encore visible à côté du pont actuel en rive droite) par un pont suspendu à péage (AC Viviers. Non cotés, voir annexes n° 1 et n° 2 ; AD Drôme, 3S 42 : Chemise 531 : Projet de pont suspendu à Beauchastel, au Pouzin et à Donzère, Conseil général de l´Ardèche, session de 1833).
Différents projets sont conçus dès lors. En mai 1834, un projet de pont en charpente d´une seule travée de 10 m d´ouverture sur le petit bras du Rhône, au bac du Robinet de Donzère, présente une estimation de dépense de 10 000 F (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 531).
En 1837 est dressé un profil en long du pont suspendu à construire sous les "rochers de Malmouche" (et de la route à faire entre la route royale 86 et la rectification de la route de 1ère classe n° 7), par l´ingénieur en chef de la Drôme et de l´Ardèche (idem).
Un avant-projet de pont suspendu est conçu par l´ingénieur Félix Giraud, ancien élève de l´école Polytechnique, précédé par Hubert et Franklin Fournéry, respectivement membre du Conseil général de l´Ardèche et juge de paix à Viviers, en février 1841 (idem).
Le 22 mars 1841, l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, M. Josserand, présentait un rapport favorable à l'établissement d'un pont suspendu au Robinet de Donzère. Le 26 août suivant, le Conseil général de la Drôme en reconnaît également les avantages, afin de remplacer le bac (PIC, p. 24).
Le 10 juillet 1845, une ordonnance du roi Louis-Philippe autorise la construction du pont suspendu. Il est demandé de procéder aux adjudications des travaux de deux ponts suspendus sur le Rhône, l´un en face de la ville de Viviers, l´autre en remplacement du bac du Robinet de Donzère. Les adjudications seront passées au rabais de la durée d´un péage, dont la perception aura lieu au profit des adjudicataires (AD Ardèche, S 32 et AD Drôme, 3S 42 : Chemise 533).
Le procès-verbal d´adjudication est établi le 20 septembre 1845 avec Hubert Fournéry, pour 99 ans. Une subvention de 130 000 francs est accordée sur les fonds du Trésor (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532).
L'élévation générale du pont est dressée par les concessionnaires, les Fournéry, en décembre de la même année (idem : Chemise 531).
L´ouvrage, reporté à 20 m environ en amont de l´emplacement désigné par le cahier des charges (idem : Chemise 532 : lettre du sous-secrétaire d´état aux travaux publics au préfet de la Drôme, 19 mai 1846), est construit à partir de 1845 par l´ingénieur A. Boulland (Dossier d´inventaire, 1977) sans doute à l´initiative des concessionnaires, à qui certaines sources attribuent la construction en 1847 (AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise Pont de Donzère sur le Rhône).
En 1847 est projetée la mise en place de haubans destinés à contreventer le tablier du pont (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532, voir annexe n° 3 ; voir sous cette cote l´élévation générale correspondante).
La réception du pont a lieu le 16 octobre 1847 (fin octobre dans PIC, p. 24) ; selon Hubert Fournery, les travaux auraient coûté plus de 350 000 francs. Le 30 du même mois, l´ingénieur en chef donne un avis favorable à son ouverture au public (Procès-verbal de visite et d´épreuve du pont suspendu : AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532 ; annexe n° 4).
En 1851, il est envisagé de rendre visible les câbles d´amarre (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 533).
En 1854, consécutivement à la chute du pont le 20 mars, à cause du vent, des travaux de conservation sont à entreprendre. Dans un rapport du 10 août, l´ingénieur ordinaire met en évidence la chute du tablier de la travée médiane, sur une longueur de 50 m, "commençant à 35 m de distance de la pile de droite et finissant à 15 m de la pile de gauche" (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 534).
L'ouvrage eut également à souffrir de la crue du 31 mai 1856. L´ingénieur ordinaire, dans un rapport du 13 août, constate que les câbles des travées qui ont été emportées, sont retenus par les culées restantes ou les débris des piles renversées et pendent en travers du fleuve avec des débris de tablier, rendant ainsi la navigation difficile et périlleuse (idem).
En 1856, à la suite de "l´enlèvement" du pont et en attendant son rétablissement, il est proposé le rétablissement provisoire du bac à traille supprimé en 1851 (AD Drôme, 50S 11 : Chemise : Rétablissement du bac à traille de Donzère, 1856).
Un projet de reconstruction, comprenant notamment le remontage des deux piles et des trois travées et l´enlèvement des câbles, est rapidement entrepris (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 534 ; AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise Pont de Donzère sur le Rhône).
Une enquête sur la reconstruction est lancée l'année suivante, en 1857.
Le 25 janvier 1859, le Conseil général des Ponts et Chaussées approuve les propositions des ingénieurs, sauf quelques modifications concernant le système de fondation des piles du nouveau pont (tendant à éviter la difficulté du battage des pieux) (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 534).
Une source indique que le pont est reconstruit par le même concessionnaire Fournery (AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise Pont de Donzère sur le Rhône).
Le vent est à l'origine de nombreuses dégradations, nécessitant la réfection du tablier à plusieurs reprises, en 1864-65, 1896 et 1902 (idem).
Ainsi au soir du 28 décembre 1864, le vent emporte près de 32 m du pont, en rive gauche (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 534 : Rapport de gendarmerie au préfet, 30 décembre 1864).
Le 10 février 1865 l'ouvrage subit de nouveaux dommages.
Pour contrecarrer les effets néfastes du vent, le système de suspension du pont est alors complètement remanié. Des haubans sont placés à chaque travée afin d'augmenter la rigidité de l'ouvrage et prévenir ainsi l´action des vents (AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise Pont de Donzère sur le Rhône : Rapport de l´ingénieur ordinaire, mars 1865).
Malgré cela le pont ne résiste pas à la violente tempête de la mi-janvier 1902, qui touche la vallée du Rhône (AD Ardèche, 1109 W 390 et AD Drôme, 3S 42 : Chemise 534). Elle y causa de graves avaries dans la nuit du 17 janvier : la travée gauche a été ainsi complètement détruite.
Les travaux de réfection, comprenant la fermeture de la brèche ouverte dans le tablier de la travée centrale, la réfection du tablier de la travée rive gauche, la pose d´un garde-corps métallique de chaque côté de la voie sur toute la longueur de l'ouvrage, et aussi la consolidation du pont au moyen de longrines métalliques (dans la travée de la rive droite et la travée centrale) sont terminés le 2 juillet 1904. Ils ont coûté 59.317,76 francs (AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemisette : Réparation des avaries causées au pont suspendu de Donzère sur le Rhône).
Quarante ans plus tard, en 1944, le pont est bombardé et incendié par la Résistance (site Art et histoire, notice Pont du Robinet à Donzère, 1847).
Pour la reconstruction l´ingénieur Roux passe commande de câbles, en mars 1945, aux usines métallurgiques de Tamaris (AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemisette : Projet 1945).
Un courrier de l´ingénieur des Travaux publics de l´Etat au directeur des forges d´Alais à Tamaris (20 septembre 1945) confirme les directives qui ont été arrêtées en ce qui concerne le renforcement des ancrages : ancrage sur pile rive droite, face centrale, renforcement des culots coincés à l´aide de fer à U et de cales métalliques en bois. Les chevêtres seront descendus de 10 à 15 mm et les plaques de plomb retirées et remplacées par un fichage de mortier de super-ciment pur ; pile rive gauche, face centrale, ancrage aval : fichage au mortier de super-ciment ; autres ancrages fichés au super-ciment ; enfin, il sera procédé à l´exécution des dispositifs destinés à empêcher la rotation des culots des câbles autour de leur axe (idem).
Les travaux de renforcement ne sont pas terminés en 1948 (AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise : Renforcements). Dans un rapport du 28 octobre 1950, l´ingénieur subdivisionnaire rappelle qu´en 1948 le tablier suspendu métallique avait dû être renforcé, "par suite de la rupture des poutres de rigidité aux abords des piles". Ses travaux avaient été effectués par la même société métallurgique qui procéda à la construction du tablier en 1946, la Compagnie des mines, fonderies et forges d´Alais (AD Ardèche, 1963 W 14 : Chemise pont suspendu de Donzère, marchés, divers, conférences inter-services).
La suppression du pont suspendu est à cette époque envisagée. Le 3 janvier 1949, le ministre des Travaux publics adopte le principe de l'utilisation du barrage de Donzère-Mondragon pour franchir le Rhône, comprenant la déviation de la R.N. 86J, en remplacement du pont suspendu. Fin 1948, le service des Ponts et Chaussées avait présentée une estimation qui prévoyait la construction du pont sur le barrage par la Compagnie nationale du Rhône. Mais l´entente ne s´est pas fait et la Compagnie Nationale du Rhône s´est contentée de construire une passerelle de service métallique. Les piles et culées du barrage sont cependant aménagées pour supporter un deuxième ouvrage identique adjacent (AD Ardèche, 1963 W 14. Note explicative pour le service de la reconstruction des ponts, 14 octobre 1950).
L'avant projet de reconstruction définitive du pont de Donzère sur le barrage aval est pris en considération par décision ministérielle du 23 mai 1955 (AD Ardèche, 1963 W 14 : Chemise : Pièces diverses : extr. d´un rapport de l´ingénieur, 6 avril 1961). C'est la compagnie Fives Lille-Cail qui reçoit la charge de la construction (idem : Rapport de l´ingénieur, 13 octobre 1959), mais rien ne bouge.
Un état de situation du pont suspendu est dressé en avril 1969. On apprend qu'il passe sur le pont une moyenne de 1122 véhicules par jour (chiffrage 1965), que les charges sont alors limitées à 10 tonnes par véhicule, que le pont présente un danger du fait de son débouché sur un passage à niveau, que l´ossature du tablier est déformée aux abouts des travées. Par ailleurs, soumis à des vents violents de par sa position dans le défilé de Donzère, son usure est marquée et ses frais d´entretien élevés.
Du fait des dangers qu´il présente et de son état de vétusté, il est conclu à la reconstruction urgente du pont, et le nouvel ouvrage doit être établi sur le barrage dit "de Donzère", conçu à cet effet (AD Ardèche 1965 W 68, annexe n° 5).
Le projet de pont en béton précontraint présenté (AD Ardèche, 1963 W 10 : Chemise Reconstruction du pont de Donzère sur le Rhône) n'aboutit cependant pas.
En 1874, le ministère de l´équipement décide finalement - par mesure de sécurité, aussi bien pour la circulation routière que pour la navigation fluviale - la démolition du vieux pont du Robinet (AD Ardèche, 1963 W 14. Courrier du directeur départemental des Travaux publics de l´Etat de l´Ardèche au préfet, 8 juin 1974).
La détermination des Donzèrois pour leur pont suspendu permit sa réouverture en 1979 (site Art et Histoire, notice Pont du Robinet à Donzère - 1847).
Trente ans plus tard, à la fin des années 2000, des travaux de réfection sont engagés. Le pont donnait des signes de fatigue, notamment au niveau des pièces métalliques supportant le platelage ; le revêtement s´était aussi fortement dégradé, au point de disparaître par endroit, laissant le platelage à nu. Des points d´érosion étaient visibles sur la maçonnerie des appuis et pylônes (DDE Drôme ; site internet Vinci, annexe n° 6).
Le pont de Donzère, qui depuis le 23 décembre 1985, est inscrit à l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques (voir Base Mérimée) pourrait tenir son nom d´un artisan tuilier installé près du Rhône, Robinet Berton, et figurant au cadastre de 1495 (site Art et Histoire, notice Pont du Robinet à Donzère - 1847).
2. DESCRIPTION
Le pont de Donzère de 300,3 m de long entre les culées (AD Ardèche 1965 W 68, annexe n° 5 ; AD Ardèche, 1965 W 69 : procès-verbal de visite et AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532, annexe n° 4) est constitué de trois travées de 96,65 d´ouverture pour la travée rive droite, 94,70 m pour la travée centrale et 96,75 m pour la travée rive gauche (dimensions légèrement variables selon les sources ; 98 m, 96 m et 98 m dans MARREY, p. 134).
Le tablier a actuellement une largeur de 5 m entre axes des garde-corps (largeur totale de 5,50 m dans un procès-verbal de visite : AD Ardèche, 1965 W 69 et AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532, annexe n° 4). La chaussée proprement dite a une largeur de 4,55 m (4,50 m dans AD Ardèche 1965 W 68, annexe n° 5 et 3,60 m sur piles).
Les câbles de suspension en fils de fer, au nombre de quatre à l´amont comme à l´aval (longueur des quatre câbles de la travée centrale : 133,35 m ; de la travée rive droite : 138,28 m ; de la travée rive gauche ; 139,28 m : AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise Projet 1945), sont ancrés au moyen d´étriers et de goujons dans des puits d´ancrage. Ils sont reliés au tablier par des suspentes.
Les solives, placées tous les 1,20 m, sont en chêne de 0,17 m d´épaisseur et de 0,30 m de hauteur maximale. Sur ces solives repose un platelage de répartition en chêne de 0,08 m d´épaisseur. Le platelage d´usure est constitué par des lames de sapin de 0,064 m d´épaisseur.
La chaussée est bordée de simples heurtoirs en bois appuyés contre les garde-corps (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532 ; annexe n° 4). Ces derniers formant poutres de rigidité sont constitués par des potelets en fonte avec tendeurs en croix (système Arnodin)
Les deux portiques formant culées ont 3,50 m d´épaisseur ; les deux portiques formant piles ont 6,20 m d'épaisseur (AD Drôme, 3S 42 : Chemise 532, annexe n° 4).
Toutes notes extr. de : AD Ardèche, 1109 W 390 : Chemise Pont de Donzère sur le Rhône, sauf autres renvois.