La jonction du boulevard Cote-Blatin et du boulevard Lafayette s'est faite en dernier lieu, entre 1927 et 1930, alors que la portion sud-ouest de ce même boulevard était déjà ouverte. Elle s'opère par redressement et élargissement de l'ancienne rue d'Issoire. La présence d'une voie antérieure au boulevard explique celle d'édifices, dont les contours se lisent sur le plan d'alignement du boulevard sud, qui sont alors détruits ou remaniés. C'est le sort réservé aux deux maisons d'un et deux étages qui occupaient alors la parcelle dont les vestiges servent d'assise à la maison du n°1 boulevard Cote-Blatin (n°3 sur le plan d'alignement). L'ouverture du boulevard rabote assez largement l'îlot constitué de nombreuses petites parcelles adossées à la voie ferrée. La présence de bâti, la fragmentation du terrain en de multiples propriétés et l'emprise assez considérable que le boulevard enlève à chacune expliquent sans doute la lenteur de la procédure d'acquisition de cet îlot triangulaire ne comportant qu'une simple rangée d'édifices. Le plan de chronologie des cessions des terrains indique en effet une majorité de transactions effectuées dans la seconde partie des années 1920 (en haut à droite du plan, par vente, en bleu; par expropriation en rouge). Pour autant, certaines constructions perdurent (en rouge sur le plan de chronologie des constructions) au prix de remaniements qui offrent une adaptation quelque peu imparfaite à la nouvelle voirie, imperfections qui se traduisent par les irrégularités d'alignement créant un effet de façades en accordéon. On aurait pu penser que l'édification à partir du pivot que constituent les édifices préexistants au boulevard s'opèrerait de façon continue jusqu'à atteindre la parcelle la plus difficilement aménageable, à savoir la pointe exigüe du triangle sur laquelle se trouve le n°1 boulevard Cote-Blatin. Cependant, le n°3, à l'emprise bien plus confortable, reste, durant une dizaine d'années, une dent creuse (édification dite en damier sur le plan du mode d'édification). En dehors du fait qu'entre l'expropriation en 1927 et l'édification de la maison en 1939 le terrain reste dans la même famille, on peut envisager que propriétaire et architecte étaient conscients, au vu de la contrainte qu'exerçait la morphologie parcellaire, de relever une sorte de défi architectural.
A l'origine, occupée par de modestes édifices et un lavoir sur la Tiretaine, la rive opposée ne commence à prendre un caractère urbain que dans les années 1960, ce phénomène ne s'achevant véritablement qu'à la fin du XXe siècle. Il en résulte une dichotomie morphologique : les édifices de la rive orientale inaugurée par le n°1 conservent un aspect faubourien tandis que ceux de la rive occidentale développent une forme urbaine plus conforme aux attentes d'un centre-ville. Limiter notre attention aux deux premiers édifices du boulevard Cote-Blatin, les n°1 et 3, permet d'illustrer ce que peut être le caractère faubourien de ce qui, jusque dans le dernier quart du XXe siècle, constituait une frange urbaine. La franche horizontalité de la façade de l'immeuble du n°3, construit dans les années 1950, contraste avec l'accent vertical donné à la façade du n°1. Les baies ne s'accordant qu'un bandeau peint en encadrement prennent une forme barlongue et sont réparties en une symétrie écartant toute fantaisie. Les étages surmontent un rez-de-chaussée qui, à l'origine, s'ouvrait en vitrine commerciale, dispositif encore perceptible bien que brouillé par le partiel aveuglement actuel des baies. Sa forme, qui pourra volontiers être adaptée dans les années 1960 à des habitations, correspond à sa destination première : au moment de sa construction, en 1949, ce bâtiment était un simple atelier de réparation d'électricité automobile, qui sera doté d'étages d'habitation à la fin des années 1950. Le projet de surélévation, daté de 1956, révèle qu'à l'origine l'architecte, Francisque Combe, s'était inspiré de l'architecture de la fin des années 1940. Le dessin nous montre une façade couronnée d'un fronton cintré en ressaut dont l'arc aurait pu constituer un élément de rappel au jeu de courbes observé en travée latérale du n°1 (voir le chapitre description ci-dessous). L'architecte semble prendre en compte le contexte lorsqu'il imagine cette maison d'artisan mitoyenne de l'habitation de type villa construite une quinzaine d'années plus tôt, dans la mesure où sa proposition semble la traduction d'une transition architecturale. Ainsi, s'établirait une sorte d'esthétique des abords de la ville qui ferait voisiner villa et artisanat sans pour autant se détourner d'un effet de style. Finalement, pour des raisons qui peuvent être financières – le second projet, daté de 1957 et effectivement réalisé, s'avère bien plus fruste – ou de changement de destination – les deux étages carrés permettant de loger deux appartements qui transforment le projet de maison en immeuble – ce recours à une architecture qui pour être fonctionnelle n'évacue pas la préoccupation de la forme ne verra pas le jour.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.