I. Ouverture du boulevard Cote-Blatin
1. Chronologie du percement de la voie
Le boulevard Cote-Blatin forme l'extrémité de ce qui, à l'origine, était dénommé le "boulevard sud" ou bien encore le chemin vicinal ordinaire n°108. Les décisions administratives et plans d'alignement comprennent par conséquent l'ensemble des boulevards menant du pont de Naud au carrefour des boulevards Pasteur et Duclaux. La Commission départementale du 18 décembre 1913 approuve le projet et le tracé (l'arrêté préfectoral d'approbation du plan d'alignement intervient à la même date).
Il faut attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour qu'interviennent les premières transactions des terrains, traduction du dialogue entre la Ville et l'entreprise de l'Union approvisionnement, propriétaire de parcelles localisées entre le boulevard et la voie de chemin de fer (ce sont les parcelles vendues ou échangées en 1918 et 1920 figurées en violet sur le plan de chronologie des cessions des terrains). La société l'Union approvisionnement propose, dès 1916, un échange de terrains avec la Ville : elle cède l'emprise du futur boulevard qui rogne la frange nord de sa propriété contre le déclassement et la privatisation à son profit du chemin vicinal n°94 dit des Prés-Bas qui, au sud, la séparait de la voie de chemin de fer. Le plan parcellaire illustrant cette transaction permet de comprendre la stratégie de l'entreprise : la courbe jaune du boulevard ampute certes la propriété mais elle n'affecte pas le bâti (un ensemble de magasins et de caves édifié en 1911) tout en offrant la perspective d'une desserte plus confortable tandis que l'acquisition du chemin, coloré en rouge, permet d'obtenir une emprise d'un seul tenant jusqu'à la voie de chemin de fer. Cet échange est acté en 1918. Au cours de la première moitié des années 1920, les acquisitions de terrains se poursuivent vers le nord-est. Elles sont figurées en vert sur le plan de chronologie des cessions des terrains. Les derniers actes de vente sont enregistrés au nord-ouest et à l'extrême sud-est au cours la seconde moitié des années 1920 (jusqu'en 1927, en bleu sur le plan). Enfin, aux deux extrémités du boulevards sont implantées des parcelles acquises par voie d'expropriation en 1927 ou 1928, terrains généralement bâtis et sur lequel maisons ou ateliers sont menacés (en rouge sur le plan). On peut donc considérer que l'emprise du nouveau boulevard est aux mains de la Ville à partir de 1928.
Pour autant, les travaux sont engagés avant cette date. Le résultat en est l'édification d'un tronçon non raccordé au reste de la voierie, fragment s'interrompant brutalement tant au nord-est qu'aux abords de la rue Ledru, au sud-ouest. Cette configuration est reportée sur un plan datable du début des années 1920. L'inachèvement est également visible sur le Plan d’Aménagement, d’Embellissement et d’Extension (PAEE) issue de la loi Cornudet (1919) dressé par J. Morel en 19251 (simplement dénommé dans la suite du texte "plan Cornudet"). Si l'on extrait de ce plan le détail du boulevard sud, on aperçoit sous le tracé jaune figurant l'extrémité nord-est du boulevard, la mince rue d'Issoire, seule liaison entre le carrefour de l'avenue Léon-Blum (ancienne rue d'Aubière) et celui du boulevard Lafayette. En revanche, le reste du boulevard Cote-Blatin et le boulevard Jean-Jaurès sont dessinés comme s'ils étaient achevés, tandis que la couleur jaune du boulevard Aristide-Briand indique qu'il est encore en projet. Il est possible que ce plan figure de même manière l'ébauche et la réalisation et que les deux boulevards paraissant achevés ne soient encore que des projections imparfaites. Ainsi s'expliquerait qu'en 1929, un courrier de l'entrepreneur Verdier, installé au n°42-50 boulevard Cote-Blatin (îlot triangulaire compris entre la rue de la Rotonde, des Prés-Bas et le boulevard), indique que le boulevard est à peu près terminé à cette date (toute en réclamant le numérotage des immeubles) alors qu'un courrier de l'entreprise Montmège et Masclet (ateliers de constructions métalliques d'Auvergne) indique en juillet 1929 que la centaine de mètres permettant le raccord du boulevard à la rue de Rabanesse n'est toujours pas effectuée (courrier de Monsieur Montmège reproduit en annexe). La ville s'engage à y remédier. Il est par conséquent difficile de dater l'achèvement des travaux. Néanmoins, la procédure d'édification d'une première portion sans rattachement aux extrémités, s'achevant en cul de sac au nord-est et en entonnoir dans l'étroit chemin vicinal menant à la rue de Rabanesse au sud-ouest, semble perdurer jusqu'à l'orée des années 1930. De fait, cette interruption du tracé est encore lisible sur un plan de 1930, lequel présente, entre le débouché de la rue Ledru et celle de la rue de Rabanesse, un ajout de tracé élevant le boulevard Cote-Blatin à la largeur voulue, trait de plume qui, comme l'amorce du boulevard Jean-Jaurès, peut être ajouté au dessin sans être encore effectif.
Le séquençage de l'édification s'explique par la difficulté à acquérir certains terrains et, à l'inverse, par la coopération, voire les réclamations, des riverains2. Le courrier que l'entreprise l'Union approvisionnement adresse au maire en 1925 pour réclamer l'achèvement rapide des travaux au droit de son entreprise (courrier reproduit en annexe) aide ainsi à expliquer l'anomalie d'une construction débutant par ce tronçon précisément établi au droit de l'entreprise susmentionnée, sans que, pour autant, il ne soit raccordé.
2. Mode d'édification des rives
Lorsque plusieurs bâtiments d'un même îlots préexistent à l'ouverture du boulevard, le comblement des parcelles non édifiées s'opèrent en damier ou bien en sandwich3. Ce cas est illustré par le premier îlot oriental figuré en haut à droite du dessin de mode d'édification entre le boulevard Lafayette et la rue des Prés-Bas. Lorsqu'il n'existe qu'un seul édifice préexistant, l'édification se fait par progression chronologique depuis la première construction, parfois de façon très lente (au milieu à gauche du dessin, en rouge le premier immeuble de 1913, en bleu le dernier datant de 1965) ou bien de part et d'autre d'elle (au milieu à droite, une série de construction édifiée selon une progression chronologique s'établit au nord de la maison jumelée en rouge, il est en est de même au sud). Le dessin de mode d'édification entre la rue des Prés-Bas et le viaduc Saint-Jacques reproduit le premier cas de figure à l'ouest du boulevard (à gauche sur le dessin) et propose une alternative de mode de comblement à l'est : des immeubles peuvent motiver des constructions mitoyennes, selon une chronologie progressive, laissant une dent creuse qui finira par se combler en damier (en haut à droite du dessin, c'est le cas du n°35). Enfin, le dessin de mode d'édification du viaduc Saint-Jacques à la rue Rabanesse illustre, au sud du boulevard (partie basse du dessin) une édification en progression chronologique pour des édifices non-mitoyens construits de façon relativement autonomes les uns des autres. La substitution d'anciens bâtiments, encore active dans ce secteur, est en passe de parvenir au carrefour de la rue Kessler.
L'occupation des parcelles avant l'ouverture du boulevard, dans les années 1900-1910, suggère un paysage bucolique, essentiellement constitué de jardins ou vergers (en vert sur le dessin), néanmoins entrecoupé d'installations industrielles ou artisanales (en bleu) vraisemblablement attirées par la proximité de la voie ferrée. L'habitat y est très rare (en jaune). Une forte majorité d'édifices ont été construits ex-nihilo, au cours du deuxième quart du XXe siècle (48%). Le dessin de l'occupation des parcelles, dans les années 1940 - 1950, illustre à la fois l'extension des zones artisanales et industrielles et celles de l'habitat parfois pourvu de jardins ou de parcs (en marron). On note que les parcelles d'angle de carrefours n'attirent pas systématiquement les constructions. Viennent ensuite les bâtiments construits dans le troisième quart du XXe siècle (24%), pour lesquels on compte des cas de substitution d'un bâti antérieur, notamment dans les années 1960. Le reliquat des édifices construits dans le premier quart du XXe siècle est faible, d'autant que ce secteur était alors peu dense (16%), plus faible encore la présence d'édifices construits entre 1975 et nos jours (12%) qui, tous, s'établissent en substitution de bâtiments plus anciens, ce qui, par ailleurs, marque la disparition d'espaces libres. Le vaste espace libre figuré en vert en extrémité ouest du dessin d'occupation des parcelles des années 2010-2020 correspond au chantier de construction d'une résidence étudiante. La seule zone artisanale encore présente doit sans doute sa pérennité à la contrainte de construction qu'exerce le viaduc qui l'enjambe. Mis à part, les quelques lieux publics (en rose, une école d'art, des immeubles de bureaux, un commerce, un cabinet médical) l'ensemble du terrain est occupé par un habitat dense où les jardins se font rares.
II. Séquences urbaines
Malgré l'extrême hétérogénéité du boulevard Cote-Blatin, on peut discriminer trois grands secteurs. Le premier part du carrefour avec le boulevard Lafayette, redresse le tracé de l'ancienne rue d'Issoire jusqu'au croisement avec l'avenue Léon-Blum, puis élargit l'ancien chemin vicinal n°94 dit chemin des Prés-Bas de Rabanesse. Cette portion s'achève sur la placette triangulaire que forme le débouché de l'actuelle rue des Prés-Bas. La présence d'une voierie antérieure au boulevard avait permis l'installation de modestes maisons éparses parmi les jardins qui pour partie furent détruites par l'urbanisation ultérieure et pour autre partie adaptées au nouvel environnement (surélévation, agrandissement). Le second secteur s'établit au travers d'une vaste parcelle occupant l'emprise entre l'actuel débouché de la rue Philippe-Glangeaud et la rue de la Rotonde. En rive nord-ouest du boulevard (numéros pairs) se trouvaient les ateliers de l'entreprise Verdier, au sud-est les terrains de l'entreprise Rouganne qui lotit ce secteur après l'ouverture du boulevard. Ce tronçon est marqué par la présence de nombreuses réalisations de l'architecte Valentin Vigneron. Enfin, le troisième secteur débute par un important remaniement de voirie (prolongement du cours Sablon, actuel cours Raymond-Poincarré, puis édification du viaduc Saint-Jacques) et illustre le dialogue d'un secteur industriel (entrepôts de l'Union approvisionnement puis Economats du Centre au sud, ateliers Montmège et Masclet au nord) et d'une urbanisation dominée par les immeubles de l'architecte Marius Lanquette.
1. Secteur d'anciens constructions dispersées dans les jardins
La portion du boulevard Cote-Blatin comprise entre le boulevard Lafayette et l'avenue Léon-Blum redresse et élargit l'ancienne rue d'Issoire, puis, jusqu'à la placette du débouché de la rue des Prés-Bas, le boulevard redresse l'ancien chemin vicinal ordinaire n°94 dit des prés-bas de Rabanesse. En 1922, le plan d'ouverture de l'avenue Léon-Blum illustre cet aménagement, le tracé du futur boulevard se superposant en trais plus fins au plan de la voierie existante, gommant son caractère étroit et sinueux. Ce plan figure également l'un des immeubles construits avant l'ouverture du boulevard, édifice dont l'angle sud-ouest percute légèrement le tracé projeté. Pour autant, l'immeuble ne sera pas exproprié et détruit, le léger dépassement de la rive du boulevard est conservé. L'immeuble, actuel n°7, figuré en rouge, en haut à droite du dessin donnant les trois grands séquences d'édification4, se trouve par conséquent en retrait oblique et non à l'alignement de la voie. Son mitoyen sud, au n°5, construit également avant l'ouverture du boulevard, poursuit la ligne de retrait oblique. Ces deux immeubles marquent donc une rupture d'alignement. L'accordéon des façades laissant apparaître des pignons d'alignement, malgré la récupération partielle de la rive du boulevard par l'édification en avant corps du n°5 d'un garage en rez-de-chaussée en 1930, constitue le reliquat d'un premier état de l'occupation de ce secteur. Une autre de ces parcelles dont le fond bute sur la voie de chemin de fer, rassemblées en un îlot triangulaire sans profondeur, est également construite avant l'achèvement du boulevard : l'immeuble du n°13 est élevé en 1925, par substitution d'un bâtiment plus ancien. La régularité de son alignement n'est donc pas due à la voierie mais en recourant au repère que constituait la clôture du jardin occupant alors l'actuel n°17. Le n°16 (dossier IA63002796), en rive nord après le carrefour de l'avenue-Léon-Blum (en rouge, au milieu du dessin des séquences d'édification) répète le phénomène de rupture d'alignement dû à une édification antérieure à l'ouverture du boulevard. L'immeuble est construit en 1913, en recul d'alignement de l'ancien chemin vicinal ordinaire n°94 dit des prés-bas de Rabanesse. Son positionnement en recul oblique crée une rupture puisque ses deux mitoyens, construits après l'ouverture du boulevard, adoptent un alignement régulier par rapport à ce dernier (voir dossiers IA63002835 et IA63002836). Le cas de figure est similaire pour les quatre maisons des n°32 à 36 bis (en bas à gauche du dessin). Les deux premières sont édifiées à la fin des années 1910 en recul parallèle à la courbe du chemin vicinal ordinaire n°94 dit des prés-bas de Rabanesse. La dernière maison, construite à la fin des années 1940, conserve la même ligne de façade (voir dossier IA63002837) ce qui évite la rupture d'alignement (la discontinuité créée par l'allée de desserte de cœur d'îlot présente à sa gauche le fait tout de même figurer en rose sur le dessin des types d'alignement).
Entre ces deux irrégularités des n°16 et 32, dues à la persistance d'éléments antérieurs à la voierie, la cassure de rythme est tout aussi prégnante, bien qu'émanant d'un phénomène différent, à savoir un remaniement de l'occupation figurée en bleu en partie basse à gauche du dessin des séquences d'édification. La période est pourtant plus tardive, nous sommes alors au milieu des années 1960, et le boulevard est là qui offre la possibilité d'un alignement régulier. Tout d’abord, l’immeuble d’habitation construit en 1964 au n°18 (rectangle bleu sur le dessin) n'est pas positionné par rapport à la voie mais à celui du plan d'implantation de la résidence universitaire en cours d'édification, dérogeant elle-même à l'établissement d'un front bâti à l'alignement (bâtiment en U irrégulier en bleu sur le dessin). Fait de mode architecturale ou taille généreuse de parcelles ouvrant à un saupoudrage des constructions, cette résidence témoigne d'un urbanisme qui ne s'établit plus en fonction de la voierie mais par la prééminence accordée à l'occupation relativement lâche de vastes parcelles. Deux facteurs principaux ont concouru à l'adoption de cet urbanisme de rupture particulièrement perceptible par la cohabitation avec les éléments anciens dont il a été question plus haut (n°32 à 36 bis) : une vaste parcelles traversante occupée à l'origine par une seule habitation au milieu de jardins qui permet une implantation disséminée des tours de logement ; la placette du débouché de la rue des Prés-Bas sur le boulevard offrant le recul nécessaire à une édification en hauteur. La nécessité d’ouvrir des allées de desserte pour accéder aux bâtiments crée une discontinuité du bâti de rive (les immeubles sont donc en rose sur le dessin des types d’alignement). L'affranchissement par rapport à la voierie n'est pourtant pas la norme absolue. A preuve, au nord (en haut à gauche du boulevard sur le dessin des séquences d'édification), à la même période et à la faveur d'un remaniement de l'occupation, sur un espace certes plus contraint, l'immeuble faisant angle avec le boulevard Lafayette adopte un alignement régulier (en vert sur le dessin des types d’alignement). L'immeuble mitoyen, dans les années 1990, se conforme à son gabarit et à son alignement, ce qui dote cet ensemble d'un caractère urbain contrastant avec la rive opposée. Le remaniement de cet îlot débute par la démolition d'un bâtiment d'un étage situé en bord de Tiretaine ainsi que celle du lavoir public édifié en 1907 (couverture en tuiles creuses, charpente, murs en maçonnerie, poteaux et bacs en pierre de taille) dont l'emplacement est noté en bas à gauche du plan parcellaire du boulevard Lafayette, daté de 1926. Sur la photographie aérienne de l'IGN de 1953, on aperçoit la toitures en U du lavoir, à gauche du carrefour des boulevards Fleury, Lafayette et Cote-Blatin, le long du cours de la Tiretaine traversant l'îlot en un étroit canal se poursuivant à l'air libre de façon plus sinueuse jusqu'au bord gauche de l'image (cours que l'on peut suivre au-delà, au nord du boulevard sur l'un des plans de construction de la résidence universitaire de jeunes filles, en 1965). L'immeuble occupe l'ensemble de la tête de l'îlot formant angle avec le boulevard Lafayette, en conséquence il englobe la rivière contrainte de débuter ici un parcours souterrain qui préfigure l'option adoptée, de façon radicale, dans les années 1980. Cependant, en 1960, un courrier du maire souligne qu'il convient de reconstruire le lavoir et d'en assurer les conditions d'utilisation (voir document versé en annexe). Un accès au lavoir, ouvrant sur le boulevard Lafayette était donc prévu qui n'existe plus sur les plans déposés en 1962. Le lavoir, dont l'usage devait alors se raréfier, a définitivement disparu. Le bras sud de la Tiretaine connaîtra sous peu le même sort5. En annexe, le courrier des habitants du quartier victimes d'inondation, d'après eux due au pieux de l'immeuble plantés dans la Tiretaine, illustre le caractère ambivalent que les Clermontois entretiennent avec ce cours d'eau qui, par sa morphologie en écheveau brouillant son identité (il n’y a pas une Tiretaine mais des Tiretaines affublées de différents noms), son régime imprévisible et sa malpropreté, a entraîné un rejet complet à présent teinté de nostalgie.
La portion de boulevard comprise entre l'avenue Léon-Blum et la rue Philippe-Glangeaud illustre une dernière figure singulière. Le quart inférieur à droite du dessin des séquences d'édification nous montre une série d'édifices implantés en retrait d'alignement. Leur couleur verte indique qu'il s'agit de construction édifiées ex-nihilo après ou pendant l'ouverture du boulevard, à une époque qui, dans tous les cas, auraient pu permettre de s'implanter à l'alignement. Style architectural aussi bien que recul d'alignement traité en jardinet rappellent le boulevard Fleury. Il est possible que l'adoption d'une architecture de type régionaliste à accent pittoresque ait conduit à ce recul (voir dossier IA63002838). Les constructions postérieures renforcent la rupture d'alignement, au nord par l'implantation à l'alignement, au milieu des années 1970, d'un bâtiment de la résidence faisant angle avec l'avenue Léon-Blum, au sud, à l'inverse par l'important recul de la résidence construite à la fin des années 1960, à l'angle de la rue Philippe-Glangeaud. Cette dernière se substitue à l'enclos des pétroles Rouganne qui conserva, longtemps après que les réservoirs d'hydrocarbure aient disparu, une pompe à essence implantée sur l'actuel terre-plein bétonné. La dilation temporelle de l'édification de cette rive joue dans l'irrégularité des implantations dont la traduction morphologique est la présence d'élévations aveugles et de pignons d'alignement.
2. Secteurs industriels et lotissement Rouganne
Poursuivant notre descente du boulevard Cote-Blatin, nous retrouvons le patronyme Rouganne que nous avions vu apparaître en grossiste de pétrole, qui a présent est cité comme propriétaire d'une scierie, sous l'intitulé : "Grandes ateliers mécaniques des chantiers de Rabanesse, fabrique de menuiserie et moulures, parquets riches et ordinaires sur lambourdes et bitume, commerce de bois, maison fondée en 1863", sans que nous sachions s'il s'agit d'une seule et même famille. L'entreprise semble avoir possédé des ateliers au nord de la rue des Prés-Bas, si l'on en croit un croquis de 1929, tandis que leur papier à en-tête les place, dans une vue perspective qui n'est pas sans fantaisie, au plus près de la voie ferrée. L'ouverture du boulevard détermine les Rouganne à lotir le terrain compris entre ce dernier et la voie ferrée (voir dossier IA63002794), ce qui explique la série d'édifices ex-nihilo, figurés en vert à droite du dessin des séquences d'édification. Les reculs d'alignement et les ruptures d'échelle y sont atténués par la communauté de style des édifices (n°31 et 35, voir dossier IA63002826), ce qui explique la coloration verte de cette rive droite sur le plan des types d'alignement.
La rive située de l'autre côté du boulevard, présente deux cas d'implantation du bâti avant l'ouverture du boulevard. Les deux édifices colorés en rouge au milieu du dessin sont les derniers vestiges de la présence des établissements Paul Verdier dont l'enseigne porte, en 1929, la désignation "fabrique d'agglomérés de mâchefer", qui se décline par la suite, après que des entrepôts aient été ajoutés, en : "Fabrique d'agglomérés pour le bâtiment, briques et parpaings". L'un, à l'alignement est un immeuble appartenant à l'entrepreneur et ayant pu jouer le rôle de maison patronale, le second formé d'une enfilade de maisonnettes dont la ligne d'implantation en retrait oblique poursuivait celle des entrepôts de l'entreprise, disparus dans les années 1960 pour laisser la place à la résidence Hélios (voir dossier IA63002799). La substitution de la résidence Hélios aux entrepôts industriels, figurée par le bâtiment coloré en bleu en haut du dessin, n'empêche une rupture d'alignement due au positionnement en milieu de parcelle du corps de bâtiment principal, position rendue possible par le caractère traversant de la parcelle, l'ilot amorçant à cet endroit le rétrécissement qui lui imprime une forme triangulaire. Ainsi, jusqu'au n°38, les constructions sont comprises entre le boulevard et la rue des Prés-Bas. Cette dernière nous offre l'opportunité d'observer la mise en œuvre d'une régularisation et d'un élargissement de voie en frappant d'alignement toutes nouvelles constructions. La transformation de l'ancien chemin vicinal ordinaire n°94 dit des Prés-Bas de Rabanesse en une rue relativement large et rectiligne est prévue par le plan Cornudet. Sur l'extrait du plan Cornudet, un liseré jaune indique l'alignement en recul des parcelles situées au sud du chemin. Le fait de frapper d'alignement une parcelle n'implique pas d'expropriation pour procéder à la destruction du bâtiment frappé. C'est une sorte de solution d'attente indiquant qu'en cas de travaux sur les bâtiments concernés, le recul d'alignement devra s'appliquer. Or, deux bâtiments créent un rétrécissement de la chaussée. Le recul du premier, sis au n°6 de la rue des Prés-Bas, est effectué en 1936, lors de l'édification de la villa de l'architecte André Verdier (aujourd'hui disparue) bien qu'il apparaisse encore par une extension en pointillé, en 1966, sur le plan de situation du permis de construire de la résidence Hélios, résidence qui achèvera la régularisation d'alignement en retranchant la partie hachurée sur ce même plan de situation. La seule rupture d'alignement issue de l'ancienne entreprise Verdier se situe donc sur le boulevard, via le retrait oblique du n°48 dont on a déjà dit que l'implantation s'était faite en référence à celle des hangars de la fabrique de parpaings à présent disparue.
3. industries et constitution d’ilots par prolongement de rues
Une autre entreprise domine en partie le boulevard Cote-Blatin à l'endroit où il amorce sa courbe vers l'ouest. Entre la rue de la Rotonde et l'ancien Institut de Chimie (actuel n°71 du boulevard), bordé au nord par le boulevard Cote-Blatin et au sud par la voie de chemin de fer, s'étendait les terrains de la société l'Union approvisionnement, devenue, au cours de la seconde moitié des années 1920, les Economats du Centre. La société l'Union approvisionnement fait construire en 1911 des caves et magasins dont l'emprise correspond sensiblement à celle du supermarché actuel. Ce bâtiment est donc coloré en rouge sur le dessin des séquences d'édification. La pérennité sinon du bâti lui-même du moins de sa fonction (stockage et distribution de denrées alimentaires) conditionne son implantation en recul d'alignement, créant une rupture figurée en rouge sur le plan des types d'alignement, afin de ménager des places de parking en front de boulevard. Il n'est pas certain que la section du boulevard longeant cet établissement ait été ouvert en 1923, cependant le projet en était suffisamment mûr pour que la villa patronale s'implante à l'alignement (voir dossier IA63002813). Les allées de desserte qui la cernent engendrent un phénomène de discontinuité (en rose sur le dessin). La rive nord de l'extrémité du boulevard, au carrefour de la rue de Rabanesse, abritait les Ateliers de constructions métalliques d'Auvergne des ingénieurs - constructeurs Montmège et Masclet, maison fondée en 1838, listant sous le chapeau d'Entreprise générales des activités de ponts et charpentes, serrurerie, chaudronnerie, installation hydraulique, matériels pour mines et chemins de fer, wagonnets et berlines, dont il ne reste rien de nos jours et qui, après une période de latence au cours de laquelle les terrains étaient vagues, a été remplacée par l'actuelle Ecole supérieure d'art de Clermont-Ferrand (voir dossier IA63002840) et la résidence Le Kessler, figurées en bleu de part et d'autre de la rue Kessler. Ces deux édifices s'orientent vers la rue Kessler, leurs positions respectives dégageant une placette en esplanade qui met en valeur les vestiges du château de Rabanesse (dit tour de Rabanesse ou tour Pascal, station météorologique au XIXe siècle, inscrit MH, PA63000096). Cette composition fut rendue possible grâce au prolongement de la rue Kessler jusqu'au boulevard. Sur l'extrait du plan Cornudet (au centre en bas de l'image), le projet de prolongation est figuré par un tracé de couleur jaune se superposant aux bâtiments de l'entreprise Montmège et Masclet. Le détail d'une photographie aérienne de l'IGN, prise en 1947, montre comment la rue Kessler, au tracé parallèle à celui de la rue de Rabanesse, butte contre les ateliers sans pouvoir relier le boulevard. Il faudra donc attendre que les locaux de l'entreprise disparaissent. C'est chose faite en 1956. Un extrait d'une photographie aérienne de l'IGN, prise en 1956, montre un terrain vague séparant le carrefour des rues Kessler et Charles-Fabre du boulevard Cote-Blatin et, une dizaine d'année plus tard, en 1965, le percement effectué (sur le bord droit de l'image).
L'impact du prolongement de la voierie du centre-ville jusqu'au boulevard est encore plus manifeste concernant le prolongement du cours Sablon. Cette voie est représentée sur l'extrait du plan cornudet, large tronçon de couleur jaune orienté nord-sud, à peu près au centre de l'image, d'où partent les embranchements de la rue Raynaud, opérés de sorte qu'elle rejoigne le boulevard au niveau du débouché de la rue de la Rotonde. La délibération du Conseil municipal entérinant ce projet, datée du 26 mai 1919, souligne que "l'ouverture de cette nouvelle voie s'impose en effet en raison de la création du boulevard de ceinture sud, de l'ouverture des rues nouvelles du quartier de Rabanesse, et de l'extension prise par les constructions d'immeubles". Du projet à sa réalisation, il faut attendre 1937 pour qu'intervienne la cession de terrain nécessaire et 1965 pour que la voie soit réalisée. Cependant, le plan d'acquisition des terrains de 1937 préfigure le morcellement produisant deux îlots triangulaires qui encadrent la nouvelle voie (voir dossiers IA63002803, IA63002802 et IA63002801). Ces îlots, qui à l'origine devaient ponctuer le croisement de deux voies d'importance, ont peut-être dû à cette position favorable l'intérêt de deux architectes clermontois : le triangle oriental comprend les réalisations de Valentin Vigneron, le triangle occidental celle de Marius Lanquette. Cette composition architecturale ne put jamais s'exprimer, le prolongement du cours Sablon, dénommé cours Raymond-Poincaré, ne fut véritablement entrepris, au milieu des années 1960, que pour permettre l'édification du viaduc menant au plateau Saint-Jacques, achevé à la fin des années 1960, viaduc dont la structure a pour effet de rapetisser les constructions qu'il longe ou enjambe, infrastructure créant une césure urbaine propre à pérenniser, en bord de boulevard, la zone industrielle et commerciale qu'il traverse. Ainsi, l'élan urbain donné notamment par les immeubles de Marius Lanquette au début des années 1930 reste cantonné à un vis-à-vis de toitures en shed.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.