Le carrefour de l'avenue Léon-Blum et du boulevard Cote-Blatin constitue le terme de l'aménagement du boulevard jusqu'à la fin des années 1920. Ce carrefour ouvrait alors sur l'ancienne rue d'Aubière (actuelle rue de Romagnat) qui, après un coude vers l'ouest, offrait de gagner le nord par un virage à angle droit dans l'étroite rue d'Issoire. Autant dire que l'effet d'entonnoir devait être à son comble. La maison du n°12 boulevard Cote-Blatin, édifiée avant les premiers aménagements de ce carrefour, fait son apparition sur le plan parcellaire de 1923. Un plan similaire par le degré de détail apporté à la figuration des constructions, daté de 1922, ne la représente pas (plan de 1922). Cela nous donne, d'une part, une indication précise de son édification (par ailleurs confirmée par la date de dépose du permis en juin 1922) et d'autre part, une explication quant à son étrange positionnement, semblant en avancée de la rencontre de l'avenue Léon-Blum et de la rue de Romagnat, ces deux voies étant d'abord parallèles puis se rejoignant à la faveur de la courbe qu'opère la rue de Romagnat, au point que la maison du n°12 paraît construite à la jonction des deux branches d'un Y dont la jambe est constituée par la poursuite vers l'est de l'avenue Léon-Blum. Là où l'on attendrait une place, effectivement ébauchée par l'élargissement de la rue de Romagnat qui mord la partie droite de la parcelle, la transformant en un triangle contraignant l'édifice à ne disposer que d'un jardinet placé en biais et provoquant l'aménagement d'une importante entre-coupe1 à l'angle du bâtiment, au lieu donc d'une place ne se trouve qu'une ébauche de placette et, plus visiblement, cette maison. Le pan de mur aveugle donnant sur l'avenue Léon-Blum peut être lu comme un autre effet d'une sorte de percussion entre l'aménagement urbain et l'édification du bâtiment, d'autant que les plans d'origine ne prévoient strictement aucune ouverture de ce côté, comme si l'incertitude quant à la morphologie effective qu'aurait la voie, prévue mais non encore ouverte, ne le permettait pas.
La fiabilité des plans dressés par l'architecte Valéry Bernard peut bien sûr être interrogée puisqu'ils nous présentent une maison d'un seul étage et dont l'élévation septentrionale est pourvue d'un retour de pignon logeant l'escalier en demi-hors-œuvre, ce qui ne correspond pas à l'édifice que l'on peut en effet observer. Cependant, le bandeau de brique filant au haut du premier étage en façade et sur l'élévation méridionale marque de façon assez fiable une surélévation postérieure, tandis que son interruption sur l'élévation nord indique une reprise d'œuvre. C'est sans doute alors, l'aménagement du carrefour étant à ce moment achevé, qu'intervient le rognage du jardin et l'apparition de l'entre-coupe, ceci dans l'objectif d'élargir le débouché de la rue de Romagnat sur le boulevard (malheureusement, les archives ne nous ont pas livré de dossier concernant ce remaniement). Il est également probable que la surélévation de cette maison ait permis sa transformation en immeuble-maison (immeuble ne comportant qu'un seul appartement par étage). Ainsi, l'édifice conserve-t-il la morphologie d'une villa des années 1920, alors qu'en réalité il s'agit d'un immeuble. Ici, le changement d'affection sans modification formelle essentielle peut s'expliquer par une transformation du bâti, cependant cette porosité morphologique des deux types d'habitat urbain, immeuble et villa, se rencontre parfois dès l'origine en cette première moitié du XXe siècle (voir dossier IA63002796).
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.