1. Aménagement artisanal
Entre la rue de la Rotonde et l'ancien Institut de Chimie (actuel n°71 boulevard Cote-Blatin, devenu école d'architecture, à présent résidence étudiante), bordés au nord par le boulevard Cote-Blatin et au sud par la voie de chemin de fer, s'étendaient les terrains de la société d'alimentation "L'Union" et établissement-caves Ménial (parfois orthographié Maynial). Au début du XXe siècle, cette entreprise fait édifier deux bâtiments reliés entre eux par un grand hall vitré, abritant des magasins et des caves, dont l'emprise, visible entre le chemin vicinal n°11 (actuelle rue de la Rotonde) et n°94 sur le plan d'échange de terrain, correspond sensiblement à celle du supermarché actuel. A partir de 1916, des pourparlers s'engagent avec la Ville afin que l'ouverture du boulevard ne fractionne pas la propriété de l'entreprise. Il en résulte un échange de propriété, gommant le chemin n°94 traversant la propriété de la société, et impliquant que cette dernière fournisse les remblais et les matériaux nécessaires à l'ouverture du boulevard (voir délibération du 20 mai 1916 en annexe). Ceci explique la présence, au début des années 1920, du tronçon de voirie isolé, au droit des magasins de la société Ménial, alors que le boulevard Cote-Blatin n'est pas encore ouvert (au sud du boulevard de Gergovia sur l'extrait du plan de Clermont-Ferrand). La première construction édifiée dans la partie ouest de la propriété est la villa patronale (1923). Le schéma d'implantation du prolongement de la rue Ledru, qui finalement ne sera pas réalisé, nous montre l'état d'édification en 1926 : les entrepôts occupent la partie est (à gauche de l'image), dans la partie ouest (à droite de l'image) le tracé de l'ancien chemin n°94 est encore lisible qui passe à l'arrière de la villa patronale.
En 1927, la raison sociale est devenue Économat du centre. Le papier à en-tête nous apprend que c'est une société anonyme d'alimentation à succursales dont le siège social est à Clermont-Ferrand et qui dispose d'antennes à Montpellier, Saint-Etienne, Decazeville et Montluçon ; les expéditions par chemin de fer doivent porter la mention "Clermont-Ferrand, embranchement particulier", indiquant que l'entreprise dispose de voies ferrées dans son enceinte. Elle poursuit le mouvement d'édification de son terrain. Sur l'emprise du prolongement avorté de la rue Ledru est construit, dès 1928, l'aile flanquant la partie gauche de la villa, encore visible de nos jours entre cette dernière et la pharmacie. Le raccordement avec les magasins existants depuis les années 1910 s'effectue à la tout fin des années 1920 (permis daté de 1929) et se conforme architecturalement à eux. Le dessin de façade comporte en effet une travée indiquée comme déjà construite et en tout point semblable au dessin d'élévation des premiers bâtiments. Il en résulte un alignement de façade sur le boulevard persistant jusqu'au début des années 1980 (en haut sur le dessin projetant la destruction des entrepôts pour édifier un supermarché, 1981). À l'heure actuelle, cet édifice ne comporte plus que trois travées sur le boulevard et abrite une pharmacie.
L'espace situé à l'est de la villa étant alors comble, les nouvelles constructions vont se placer à l'ouest de cette dernière. En 1937, une maison de gardien est implantée à côté du portail d'entrée (elle est détruite en 1988) tandis qu'un espace vide la sépare de la villa patronale. Cette dent creuse est encore visible en 1959, sur le plan de masse de la demande de surélévation de l'entrepôt de la cour (actuelle imprimerie Chaumeil). Elle est comblée l'année suivante, en 1960, par un bâtiment reprenant la modénature de celui qui flanque la gauche de l'ancienne villa. Sans doute, cherche-t-on ainsi à harmoniser un ensemble qui alors accueille les bureaux de la société. L'espace libre séparant les Économats de l'institut de chimie est occupé, à partir de 1963, par un entrepôt.
La densité de ces constructions est visible sur la photographie IGN de 1964. Le plan de masse de 1968 permet également d'embrasser l'ensemble de l'aménagement du site : à gauche, en partant de la rue de la Rotonde, se trouve des caves et magasins séparés du local de mercerie par une voie ferrée aboutissant à un vaste quai d'expédition (situé sous l'actuel viaduc). L'entrée du site ouvre sur une cour entourée de bureaux, fermée à l'ouest (à droite sur le plan, juste avant l'institut de chimie) par l'entrepôt des légumes. L'occupation du terrain reste inchangée lors de la construction du viaduc en 1967, état qui perdure jusqu'au début des années 1980, comme l'illustre la photographie IGN de 1978 (voir en annexe, les clauses de l'accord entre la Ville et les Économats, laissant à ces derniers la jouissance des bâtiments édifiés avant la construction du viaduc mais prévoyant une zone non-aedificandi de 5 mètres de large contraignant tous projets futurs). En 1981, les Économats dépose un permis de construire pour un supermarché, situé à la place des anciens entrepôts, accompagné de places de parkings, prenant celle de la voie ferrée et du quai de déchargement. C'est alors que les contraintes de construction aux abords du viaduc vont jouer et dédensifier la parcelle. La photographie IGN de 1985 en atteste. Les Économats du Centre disparaissent et les bâtiments sont affectés, à partir des années 1990 à diverses activités commerciales (supermarché Attac, école de danse, local du parti socialiste, salle de billard...).
2. Gel de l'évolution urbaine
En vis-à-vis, le long du viaduc, les îlots ont répondu à la pression d'ouverture viaire par un émiettement et une édification incomplète (voir dossier IA63002803 et IA63002801) tandis que ce qui se joue dans l'ancien secteur d'activité des Économats du Centre est, à l'inverse, une absence de contrainte viaire qui permit une occupation privative d'un vaste secteur. Le plan de voirie illustre l'irrégularité que constitue l'ancien secteur d'activité des Économats du Centre (sur l'image au sud du boulevard, entre les rues Kessler et de la Rotonde). Les voies qui y pénètrent sont toutes des impasses desservant des parkings. Cette carence d'articulation spatiale par le réseau viaire aboutit à une absence de constitution d'îlots urbains. Les édifices, construits au fil du temps selon une logique pragmatique, ont colonisé l'espace, ont été détruits ou remodelés, parfois délaissés. Ils s'appuyaient dès l'origine sur la voie ferrée au sud, pourvoyeuse du trafic de marchandises, et sur la potentialité d'un boulevard qui durant quelques dizaines d'années ne menaient nulle part. L'activité s'y est par conséquent développée sans se préoccuper de la ville, n'hésitant pas à en gommer des éléments comme l'ancien chemin vicinal n°94 ou comme peut en attester l'avortement du prolongement de la rue Ledru, qui n'aurait certes pas résolu le problème du caractère abrupt de la retombée du plateau Saint-Jacques. Le viaduc a contourné ce problème mais a, dans un même mouvement, ancré l'aspect de confins de ville de l'ensemble de cette zone. Il est en effet la seule voie traversante mais ne peut constituer de découpe sur laquelle pourrait s'appuyer le bâti puisque son emprise au sol se résume à des piliers, et que, de plus, il fait peser une lourde contrainte sur l'édification de sa zone de passage. Au début des années 1990, la construction d'une résidence étudiante, dont les deux immeubles sont posés sans plus d'aménagement au milieu des parkings, n'a fait que prolonger le caractère peu urbain du secteur. Le PLUi de Clermont-Auvergne-Métropole a d'ailleurs identifié cet espace comme l'un de ceux qu'il convient de remodeler.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.