Le n°16 est un édifice préexistant au boulevard, ce qui explique l'irrégularité de son alignement. La demande d'alignement, datée du 28 avril 1913, précise que la propriété de M. Fiacre est située "en bordure du chemin des Prés-Bas (près de la barrière d'Issoire)" et que l'immeuble doit être "construit en retrait de l'alignement du futur boulevard de ronde (sud)." Malgré l'assez précise figuration des bâtiments sur les plans parcellaires d'ouverture de voierie, on trouve difficilement trace de cet immeuble, à moins de considérer que le tracé du boulevard a été décalé vers l'ouest et qu'ainsi le petit bâtiment situé au n°12 du plan d'alignement du boulevard en 1913 soit en définitive notre immeuble, figuration que l'on retrouverait par la suite, toujours fautive, sur le plan d'ouverture de l'avenue Léon-Blum en 1922. Cette hypothèse d'un tracé du boulevard finalement rabattu à l'ouest semble confirmée par le plan d'implantation de l'immeuble de M. Bony, au 20 avenue Léon-Blum en 1923 qui voisine avec l'immeuble occupant l'angle du boulevard en 1933, dont l'emplacement, encore vide alors, se situe clairement à l'ouest de la rive projetée. Toujours est-il que cet édifice qui devait être en retrait d'alignement du boulevard s'élève sur sa rive occidentale, selon un retrait oblique qui ne place au point de jonction du trottoir que son angle nord-est. Son mitoyen gauche étant positionné à l'alignement, il en résulte un mur aveugle, élément que l'on perçoit depuis le carrefour de l'avenue Léon-Blum, l'immeuble lui-même étant placé en recul.
La question de la raison de cette construction, au début des années 1910, alors que le secteur n'était occupé que par des jardins sans édifice pérenne, se pose. La demeure de Mme Veuve Angeletti, infortunément située sur le tracé de l'actuelle avenue Léon-Blum et détruite lors de son ouverture en 1923 (voir dossier IA63002835), pourrait être vue comme un modèle que M. Fiacre se serait efforcé de copier. L'immeuble est placé assez loin du chemin vicinal et doit disposer d'un ample jardin, potentiellement organisé sous la forme d'un jardin d'agrément à l'avant et d'un potager à l'arrière, bien que son propriétaire, épicier à la retraite, ne participe sans doute pas de la culture bourgeoise. De fait, il s'écarte du modèle représenté par la demeure de Mme veuve Angeletti puisque la construction s'avère être un immeuble-maison promis à la location. L'ancien épicier entendait-il profiter du confort d'une campagne proche de la ville, se réservant la jouissance du rez-de-chaussée surélevé, tout en amortissant les frais de construction par la location des étages ? La présence, au niveau de soubassement, d'un espace dénommé "cuvage" indique-t-elle une activité viticole ? Malgré le confort des appartement perceptible par la présence de cabinets d'aisance à l'intérieur de chacun des deux appartements ainsi que celle d'un cabinet de toilette, l'absence de salon, formant traditionnellement le pendant à la salle à manger, indique une habitation à usage des classes moyennes. En tout cas, on aperçoit là une façon d'habiter les faubourgs différente de celle que représente la demeure voisine. Ce type d'architecture a pu ailleurs se transformer en villa, sa forme s'y prêtant1, cependant, il semblerait que sa modeste extraction se soit maintenue au prix d'une transformation intervenue dans les années 1990. L'immeuble-maison est alors surélevé et devient un immeuble accueillant trois studios meublés par étage. Les plans nous le montrent aussi bien que nous l'apprend le panneau accroché en façade, le caractère pérenne de cet affichage permettant par ailleurs de se poser des questions sur le succès de ces locations.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.