L'immeuble du n°14 boulevard Cote-Blatin forme l'angle avec l'avenue Léon-Blum, à ce titre il est également doté du n°22 avenue Léon-Blum. En 1923, la propriétaire du terrain, Mme veuve Angeletti née Sure, cède à la Ville la maison ainsi que le terrain nécessaire à l'ouverture de ces deux voies1. La maison, visible au n°11 sur un plan parcellaire de 1913 se présente comme un bâtiment carré pourvu d'un perron. C'est encore sous cette forme qu'elle apparaît sur le plan parcellaire de 1922 projetant l'ouverture de l'avenue Léon-Blum (alors avenue ou rue d'Aubière) et du boulevard Cote-Blatin, plan qui la figure totalement comprise dans l'emprise de l'avenue. Enfin, le plan parcellaire de 1923 d'ouverture de l'avenue illustre en creux sa destruction : alors que la maison de M. Bonnet, actuel n°12 boulevard Cote-Blatin (voir dossier IA63002795) fait son apparition, la maison de Mme veuve Angeletti ne s'y voit plus. Le contrat de vente notarié, en 1923, la décrivait comme étant "formée de cave et cuvage, rez-de-chaussée surélevé [d'où sans doute le perron fidèlement reproduit dans les plans parcellaires sur lesquels les plans de masse des constructions sont pourtant schématiques], premier étage et grenier". Anticipant peut-être le sort réservé à sa maison, la propriétaire la met en location le 19 mai 1922 pour une durée d'un an, soit jusqu'au 19 mai 1923, date à laquelle les procédures de vente à la Ville sont pleinement engagées. Le contrat de location précise que cette maison est "composée d'un rez-de-chaussée de quatre pièces avec W.C élevé sur cave et ouvrage [ce qui semble indiquer que les WC sont installés à l'intérieur de la maison quand il pouvait encore se rencontrer des cabinets d'aisance dans les jardins], d'un premier étage de quatre pièces et d'un second étage ayant grenier, mansarde et chambre de bonne avec installation d'eau, de gaz et d'électricité". A cela s'ajoutait "un pavillon à l'ouest", qui n'est pas menacé par l'ouverture des voies (il ne disparaîtra sans doute qu'à la construction de l'immeuble actuel), et "un débarras à l'est de ladite maison". Enfin, un jardin potager et d'agrément d'environ neuf ares de surface, complètent un dispositif qui correspond aux commodités offertes par une propriété bourgeois de bord de ville en ce début de XXe siècle. Aucun document figuré de cette demeure ne nous est parvenu. Elle ne laisse par conséquent pas davantage de trace2.
De la parcelle d'origine, comptant presque 900 m² (les différents documents font état de 882,11 m²), ce sont 725 m² qui sont engloutis par les travaux de voierie (précisément, toujours selon les documents, 725.93 m²), laissant à la propriétaire un terrain d'un peu plus de 150 m² (163, 35 m² si l'on se fie au calcul de surface Géoportail de l'actuelle parcelle HS 103). On peut souligner que malgré la destruction d'une maison d'habitation à caractère bourgeois et malgré l'emprise considérable de la surface emportée par les travaux, la propriétaire du terrain se conforme sans protester à la procédure de cession à la Ville. Lui reste, par conséquent, l'angle nord-est de son ancienne possession correspondant au pan de terrain de forme trapézoïdale, longeant de façon avantageuse à la fois l'avenue Léon-Blum et le boulevard Cote-Blatin, représenté dès 1926 sur l'extrait de plan d'expropriation du boulevard.
En 1927, Mme veuve Angeletti envisage de faire construire sur sa parcelle un immeuble de rapport, pour reprendre la dénomination donnée sur les plans. Elle fait alors appel à l'architecte Ernest Pincot. L'architecte s'emploie, dans les dessins d'élévations, à faire figurer un décor urbain et paysager, ce qui constitue une démarche rare et troublante. Il y a là sans doute une part de mise en scène, cependant on ne peut se garder d'y chercher la restitution du visage que présentait le carrefour dans la seconde moitié des années 1920. A droite de la façade sur l'avenue Léon-Blum (ancienne avenue d'Aubière), Ernest Pincot représente étrangement des arbres formant bosquet surmontés, en arrière-plan, par le puy de Dôme ou de Gravenoire effectivement localisés dans cette direction. Le pignon de l'immeuble est abruptement coupé sans que soit représenté, en lieu et place des arbres, le petit immeuble-maison qui se trouvait en vérité à cet emplacement (Marius Lanquette architecte, 1923) et qui s'inscrit à présent en rupture d'échelle par rapport à l'immeuble. A gauche de la façade sur l'avenue Léon-Blum, une rue relative étroite et s'évanouissant dans une forte pente, se trouve logiquement à l'emplacement de l'actuel boulevard Cote-Blatin. Bordée de façades d'immeubles de deux étages surmontant des vitrines de commerce, elle représente sans doute la projection que l'architecture fait de l'urbanisation à venir, le boulevard en 1927 ne recélant pas encore de constructions dans ce secteur. La façade sur le boulevard reprend le même schéma : pignon gauche terminant abruptement l'édifice, alors qu'il s'accote en réalité au n°16 du boulevard édifié en 1913 (voir dossier IA63002796) tandis qu'à droite, c'est au tour de l'avenue Léon-Blum d'effectuer une sorte de dos d'âne tout en étant bordée de constructions plus conformes à la réalité. On l'aura compris, le relief, l'architecture et le paysage dessinés n'ont d'autre rôle que de mettre en valeur l'architecture de l'immeuble projeté puisqu'ils le placent sur une sorte d'éminence dans un environnement urbain aux frais accents bourgeois. Pour une raison que l'on ignore, ce projet ne verra pas le jour. A la fin de l'année 1933, bien que le propriétaire de la parcelle ait changé, c'est à nouveau Ernest Pincot qui fournit les dessins de l'immeuble enfin réalisé. L'enveloppe du premier projet, plus modeste que la réalisation effective, prévoyait des commerces en rez-de-chaussée et deux étages carrés comprenant chacun un appartement relativement modeste (pas de salon ni de salle de bain). La façade sur l'avenue Léon-Blum semblait être l'élévation principale pour le nombre de travées supérieur à celui de la façade sur le boulevard, ce même si la porte d'entrée donnait sur le boulevard. Une cour, ouverte de part et d'autre de l'édifice se poursuivait à l'arrière. Le traitement de l'angle ne comportait aucun aménagement spécifique, les deux murs se rejoignant à angle droit. Or, en 1932, la municipalité, soucieuse de faciliter une circulation automobile de plus en plus dense, prévoit de munir tous les édifices des carrefours du boulevard sud, comprenant Fleury, Cote-Blatin, Jean-Jaurès et Aristide Briand, de pans coupés. Cette décision s'applique par conséquent à l'immeuble formant l'angle de l'avenue Léon-Blum et du boulevard Cote-Blatin, son architecte, Ernest Pincot, en tiendra compte. Il affirmera également le caractère urbain de ce secteur en édifiant un immeuble se déployant en un L excédant en hauteur les constructions basses qui l'entourent (édification en damier ou comblement d'une parcelle vide s'apparentant à une dent creuse, phénomène reproduit en plan sur lequel on remarque également que la rive orientale du carrefour n'est pas encore édifiée).
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.