Malgré la coupure qu'opère la rue Michalias, l'immeuble du n°22 boulevard Fleury (Marius Lanquette architecte, demande de permis en 1937) poursuit l'édification en chronologie inaugurée par la maison du n°20 en 1934 (voir plan des séquences d'édification des rives du boulevard Fleury, nous nous situons en bas à gauche du plan). L'appartenance au boulevard Fleury est marquée par le respect de l'alignement régulier en retrait ménageant une bande plantée en jardinet de façade. Le traitement de l'angle en pan coupé est figuré sur le plan d'alignement de la rue Michalias en 1926. Dans la réalité, ce pan coupé s'amorce au droit de l'entrée de l'immeuble mais s'infléchit abruptement au point de former un renfoncement aigu. L'irrégularité apparaît sur le plan cadastral, tout en n'étant que peu sensible sur le terrain (voir image IVR84_20246300937NUCA, l'irrégularité de la découpe parcellaire correspond à l'angle droit que forment la façade et le départ du muret du jardinet). En revanche, il est possible d'interpréter le dépassement semi-circulaire de limite parcellaire opérée par la travée en encorbellement de l'entrée comme une libre adaptation à la conformation irrégulière du fonds. Ainsi, le traitement bâti de l'angle se conforme à la fois à la morphologie parcellaire au rez-de-chaussée par le pan coupé où se loge la porte bâtarde et s'en dissocie aux étages par l'adoption d'une tourelle d'angle en surplomb demie hors-œuvre. Grâce à l'habillage de son angle, l'immeuble du n°22 parvient à exprimer la connexion vers la rue Michalias.
Les immeubles n°22 et 24 (dossier IA63002792) ferment le côté le plus réduit d'un îlot qui s'il se terminait ici en pointe aurait la forme d'un triangle isocèle. Ainsi, les deux parcelles de la rive du boulevard Fleury comprise entre la rue Michalias et le boulevard Lafayette constituent un étroit front d'îlot donnant une position d'isolat aux immeubles qui le garnissent, position que reflète bien, par ailleurs, leur composition architecturale très distinct des autres édifices du boulevard Fleury. Leur principale caractéristique est de compenser l'étroitesse de leur assise parcellaire par une hauteur créant, dans le paysage urbain, une rupture d'échelle manifeste. L'architecte, Marius Lanquette, obtient de la ville de dépasser de 10 mètres le plafond autorisé à 20 mètres d'une part en arguant du recul de trois mètres commun à toutes les constructions du boulevard Fleury, d'autre part en soulignant que l'immeuble qui lui fait face est situé à 75 mètres (la voie ferrée doublant à cet endroit l'écartement du boulevard). La commission des finances et d'administration générale, dans sa séance du 17 décembre 1937, est favorable à la dérogation au règlement des hauteurs sous condition que les cours intérieures soient suffisamment spacieuses. Le maire, le conseil municipal et le conseil départemental d'hygiène se rangent à cet avis. Le courrier par lequel M. Lanquette sollicite le maire afin d'obtenir la dérogation de hauteur expose qu'il lui faut se conformer au recul afin "de ne pas détruire l'ensemble formé par ces jardinets de trois mètres qui précèdent les entrées". Il est assez plaisant de penser que la volonté de conserver une harmonie au sol soit un argument pour introduire une importante rupture d'échelle en hauteur.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.