L'occupation de l'angle de la rue Michalias et du boulevard Fleury s'opère à la fin de la chronologie d'édification des rives de ce dernier (années 1930). La position en angle, pourtant perçue comme avantageuse par la double exposition qu'elle offre, n'a pas attiré d'acquéreur dans un premier temps. Il est vrai que le plan d'alignement de la rue Michalias n'est réalisé qu'en 1932. Ainsi, même si le lotisseur1 réclame à la Ville dès 1926 que soient effectués les travaux d'aménagement de la rue Michalias, si le plan de bordures des trottoirs et le numérotage de la rue datent également de 1926, il est possible que la mesure d'alignement de son angle ait retardé la vente du terrain (voir plan IVR84_20246300953NUCA, en 1926, le lotisseur, M. Chomette, est encore propriétaire de la parcelle et voir plan IVR84_20246300952NUCA, des angles à couper sur les parcelles des carrefours).
Le premier projet de la maison (J. Bertrand et A. Poirier, architectes) propose un plan de construction disjoint du tracé de la parcelle. Il n'offre aucun marquage d'angle, le bow-window couronné d'une terrasse se trouvant sur l'élévation latérale, en recul de la ligne de façade (voir figure IVR84_20246300944NUCA, projet d'élévation sur le boulevard et figure IVR84_20246300946NUCA, projet d'élévation latérale donnant sur la rue Michalias). Le projet qui sera finalement réalisé adopte une tour hors-œuvre (Gabriel Girard, architecte) marquant l'angle de la parcelle sans pour autant se conformer à sa morphologie en pan coupé (voir figure IVR84_20246300941NUCA). La maison reste en retrait d'alignement de la rue Michalias. Ainsi, considérée depuis le boulevard Fleury cette construction se place en retrait d'alignement régulier alors que prise du point de vue de l'élévation sur la rue Michalias, elle est en rupture d'alignement. On peut ici relever la similarité avec la maison du n°41 avenue d'Italie, marquant l'angle par une tour hors-œuvre et se refusant à un rôle de connexion entre les deux voies qui la bordent par l'espacement dû au jardin latéral (voir dossier IA63002777). Il existe également un intervalle entre le n°20 et la maison voisine, le n°18 (1923, Etienne Nivat, architecte). Le mur latéral aveugle du n°18 est figuré sur le dessin d'élévation de 1923 alors même que le garage entre les deux maisons n'est pas construit. En 1934, l'architecte du n°20 reprend ce parti d'un mur aveugle bordant l'espacement entre les deux constructions sans doute pour respecter les règles de visibilité entre mitoyens (voir image IVR84_20246300943NUCA). Il en ressort un mode d'édification plaçant l'unité avant l'ensemble, l'individuel avant le collectif, comme on l'attendrait davantage en secteur périurbain.
La construction se plie parfaitement à la contrainte contractuelle architecturale du boulevard Fleury (voir annexe du dossier sur le boulevard Fleury) : elle est de style villa, se place en recul d'alignement de façon à ménager un jardinet en façade et accueille le cabinet du médecin qui en est propriétaire. C'est d'ailleurs cette activité médicale qui suscite, dans les années 1950, une initiative risquant de créer une entaille au contrat architectural passé au moment de la vente. Le médecin souhaite modifier l'accès à son cabinet en créant une avancée du rez-de-chaussée de la travée de droite, produisant ainsi une saillie qui empièterait sur le recul d'alignement (voir figure du projet en élévation et en plan). Il est surprenant de constater que des voisins s'émeuvent de ce projet au point d'adresser des réclamations au maire de la ville. Les courriers soulignent que le fait de construire sur la bande de reculement des constructions "détruit l'esthétique du boulevard et porte préjudice à tous les autres propriétaires du boulevard Fleury qui ont respecté les clauses imposées par le donateur du terrain" (en l'occurrence le lotisseur, M. Chomette). Il y est fait mention de la beauté de la ville et d'éviter de créer un précédent qui déparerait le boulevard Fleury (courriers et engagement contractuel de servitude annexés à la demande de permis, O216 PC 2150). Le maire répond qu'il ne peut rien faire pour imposer le respect d'une servitude à caractère privé. Cependant la pression collective semble l’emporter puisque l’extension projetée sera amputée afin de respecter les trois mètres de retrait par rapport au trottoir. Elle n'occupe en définitive que la largeur du renfoncement de la travée et s'alignement sur le plan de façade.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.