Les immeubles n°22 (dossier IA63002791) et 24 boulevard Fleury ferment le côté le plus réduit d'un îlot qui s'il se terminait ici en pointe aurait la forme d'un triangle isocèle. Ainsi, les deux parcelles de la rive du boulevard Fleury comprise entre la rue Michalias et le boulevard Lafayette constituent un étroit front d'îlot donnant une position d'isolat aux immeubles qui le garnissent, position que reflète bien, par ailleurs, leur composition architecturale très distinct des autres édifices du boulevard Fleury. Leur principale caractéristique est de compenser l'étroitesse de leur assise parcellaire par une hauteur créant, dans le paysage urbain, une rupture d'échelle manifeste (voir la vue de l'arrière du bâtiment). L'immeuble du n°24 boulevard Fleury (J. Bertrand architecte, dépose de demande de permis en 1955) obtient la dérogation de hauteur en s'alignant sur son mitoyen, soit 30 mètres 70 au lieu des 20 mètres requis1. Il poursuit l'édification en chronologie inaugurée par la maison du n°20 en 1934 (voir plan des séquences d'édification des rives du boulevard Fleury, nous nous situons en bas à gauche du plan) tout en reprenant le gabarit de son mitoyen (phénomène de collocation). Au début des années 1960, avec cet immeuble, s'instaure, sur la rive droite de cette portion de ceinture des boulevards, les immeubles de grande hauteur des n°2 et 4 (Aimé Tixier architecte), dans une moindre mesure du n°6, du boulevard Cote-Blatin (voir gabarit du n°2-4, boulevard Cote-Blatin et son élévation en pan coupé sur le carrefour). L'appartenance au boulevard Fleury du n°24 est marquée par le respect de l'alignement régulier en retrait ménageant une bande plantée en jardinet de façade cependant que son enveloppe le rattache au début du boulevard Cote-Blatin.
Le découpage parcellaire en renfoncement formant angle droit au croisement des boulevards Fleury et Lafayette provient de l'ancien emplacement du pont de Naud sur la Tiretaine (voir figure IVR84_20246300364NUCA, le pont de Naud se situe à gauche du plan). Situé légèrement à l'ouest de l'actuel pont du chemin de fer, cet ouvrage longeait l'élévation orientale du n°61 boulevard Lafayette (sur l'image IVR84_20246300952NUCA le décroché au niveau de l'angle nord-ouest du carrefour est bien visible). Le vestige de cette configuration s'est matérialisé par un délaissé de terrain qui apparaît sur le plan cadastral (voir également l'image IVR84_20246300990NUCA). Même si la construction d'une extension au Crédit Mutuel occupant le n°61 boulevard Lafayette en a réduit l'emprise, réduction déjà effective par l'achat d'une partie du délaissé dès 1929 (voir schéma de vente), il demeure visible sur le terrain par la présence d'un maigre rectangle embroussaillé (voir image IVR84_20246300989NUCA). L'angle du n°24 boulevard Fleury se conforme à la morphologie parcellaire, ce qui a pour effet de laisser apparente son élévation latérale aveugle, de façon d'autant plus prégnante que l'immeuble est à la fois étroit et haut. Si l'immeuble mitoyen (n°22) compensait l'irrégularité parcellaire par une architecture d'angle formant une connexion entre les voies au croisement desquelles il se situe, on ne peut en dire de même de l'immeuble du n°24. Sans doute le renfoncement parcellaire était plus ardu à maquiller, cependant, il est également édifié à une époque où la voie n'est plus considérée comme guide du geste architectural. L'élévation aveugle qu'il offre au carrefour peut être comparée à celle de l'immeuble situé entre les avenues d'Italie et de Grande-Bretagne (voir image IVR84_20246300910NUCA), datant de la même période. Par un phénomène de balancier, l'attention à la rue comme ancrage du bâti reviendra en grâce par la suite (voir dossier IA63002786). Enfin, on peut noter que l'absence de connexion des voies par l'architecture se traduit par un mode d'alignement différent : l'immeuble est en retrait régulier sur le boulevard Fleury alors qu'il se place en rupture d'alignement sur le boulevard Lafayette. Le même phénomène a été relevé pour la maison du n°20 boulevard Fleury (dossier IA63002790). La connexion avec le boulevard Lafayette est, de plus, perturbée par une seconde rupture d'alignement intervenant à gauche du n°59 (Jean Guillot architecte, 1930). La rive d'îlot comprise entre le n°55 boulevard Lafayette et le 24 boulevard Fleury se caractérise par des ruptures d'alignement et d'échelle des bâtiments (voir image IVR84_20246300426NUCA) se traduisant par l'apparition de murs d'héberge (voir image IVR84_20246300904NUCA). La composition du bâti, issue de la transformation d'installations commerciales et artisanales au début des années 1930 (le n°59 était précédemment occupé par les "mauvais locaux d'un boulanger", les n°59bis et 61 par un atelier mécanique et une station-service), est hétérogène2.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.