L'immeuble situé au n°68 boulevard Cote-Blatin comble, d'une certaine façon, une dent creuse. Il s'accote à celui du n°70 boulevard Cote-Blatin et répond à l'immeuble d'angle des rues Ledru et Charles-Fabre, l'une de ses élévations garnissant la découpe que forme la placette triangulaire sur le boulevard (voir dossier IA63002802). L'ensemble a été édifié en 1933 (voir plan de chronologie d'édification). Ainsi, l'immeuble du n°68 constitue une sorte de pièce manquante enfin réalisée en 1938-1939. Il s'adapte à son mitoyen gauche par l'alignement des niveaux. L'étagement de ses propres volumes, obtenu grâce aux derniers étages en retiré, fait oublier la rupture d'échelle qu'il engendre, son mitoyen comptant trois étages de moins, au point qu'on les dirait appartenir à un même ensemble (sur la photographie prise depuis le boulevard, le n°70 est au premier plan, le n°68 avec la découpe de ses étages en retiré semble naturellement dominer son mitoyen, sans heurt ni rupture). La prise de hauteur en angle qui en résulte rappelle, de plus, celle que l'on observe à l'autre angle de la placette de la rue Charles Fabre (au n°31 voir dossier IA63002802 et au n°33, voir dossier IA63002803), harmonie que l'on observe lorsque la vue plonge sur la placette depuis le viaduc Saint-Jacques. Bien que cette vue n'ait pu être préméditée, le viaduc n'étant construit qu'à la fin des années 1960, l'immeuble se présente alors comme un édifice de connexion guidant le regard vers celui du n°31 rue Charles-Fabre, selon un mouvement d'autant plus parfait qu'il encadre les flèches de la cathédrale.
La seule irrégularité de cette séquence architecturale s'établit à l'angle de la parcelle donnant sur la rue Charles-Fabre. Le découpage parcellaire est issu du plan de lotissement des terrains Fabre qui excluait la parcelle du n°68 mais prenait en écharpe l'angle des rues Ledru et Charles-Fabre. Si l'immeuble du n°68 respecte la préconisation de pans coupés donnée en 1932 afin d'aménager les carrefours, l'angle formé par la rue Ledru et la rue Charles-Fabre s'y conforme d'autant moins que la parcelle est alors déjà occupée par une maison placée en retrait de cet angle. Édifiée en 1923, on la voit figurer sur le plan de numérotage des rues (M. Vix propriétaire) alors que le boulevard n'est encore qu'à l'état de projet. Vu depuis la placette, l'immeuble du n°68 s'interrompt ainsi abruptement par un mur aveugle percé de jours de souffrance plongeant dans le jardin de la maison qui ne peut être qu'écrasée par la masse des immeubles qu'elle précède. Il faut y voir le reflet de deux chronologies d'édification : celle qui, à partir des années 1910, investit les terrains Fabre, celle qui dans les années 1930 gagne les rives du boulevard Cote-Blatin fraichement ouvert.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.