L'immeuble du n°29 boulevard Cote-Blatin s'inscrit dans la deuxième vague d'édification du lotissement Rouganne (dossier IA63002847). Cette période s'étend de 1950 à 1961, elle prend le relai de la première vague d'édification (1935 à 1941) après une césure que l'on peut expliquer par la Seconde Guerre mondiale. Le plan prévisionnel de découpage des lots du terrain Rouganne date de 1934, de l'eau a coulé sous les ponts, et l'on peut constater que les emprises parcellaires de cette seconde période de construction ne se conforment plus vraiment au dessin préalable. L'implantation de l'immeuble du n°31 s'établit par fusion de deux lots et demi (les n°3, 4 et la moitié du n°5), emprise que reprendra quelques années plus le n°35 mitoyen (par fusion du n°7, 6 et de la seconde moitié du n°5). Le lot n°5 englobera le centre de la parcelle arrière n°32 afin d'offrir une allée de desserte au cœur d'îlot depuis la rue Philippe-Glangeaud (voir le plan de cadastre actuel). Il semblerait que Mme Rouganne, propriétaire du terrain jusqu'en décembre 1955, ait déposé, en mai 1954, le projet d'un immeuble de 21 mètres de hauteur implanté en recul de 3 mètres par rapport à l'alignement, projet établit sur l'emprise des lots déjà fusionnés (voir en annexe l'extrait de la commission départementale d'urbanisme du 10 octobre 1955). Ce projet de l'architecte Arnaud ne fut pas réalisé (nous n'en avons par ailleurs pas trouvé trace dans les archives), la propriétaire n'ayant pu obtenir que la hauteur soit portée à 26 mètres afin de rentabiliser, par l'adjonction de 2 étages, les coûts de l'ascenseur nécessaire. L'enveloppe du bâtiment finalement réalisé par Vigneron et Bosser respecte finalement la première option puisque la solution pour développer l'immeuble à une hauteur des 23 mètres autorisés par un recul d'alignement de 5 mètres est ramené à la hauteur de 21 mètres avec 3 mètres de recul afin de "respecter la zone non aedificandi grevant le fond de la propriété" (courrier du directeur des services départementaux le 14 décembre 1955 à Maître Adnot, notaire). L'immeuble y perd un étage (6 étages au lieu de 7).
Les craintes de la Commission départementale concernant la cassure de rythme urbain que pourrait constituer un immeuble de ce gabarit montrent qu'elle pense la ville en termes d'harmonie (voir les deux annexes). Le risque d'une rupture d'échelle qui interviendrait si une maison individuelle occupait la parcelle mitoyenne encore disponible ou bien celui de la pérennisation de cette dent creuse sont rapidement balayés, un projet à l'enveloppe similaire voyant le jour au n°35 dès novembre 1958 (soit quelques mois après l'inauguration du n°31). Les préoccupations d'inscription de l'immeuble du n°31 dans le tissu urbain ne sont d'ailleurs pas absentes : l'avancée du rez-de-chaussée forme une marge de reculement bâti permettant d'atténuer l'effet de rupture d'alignement sur le boulevard. Un léger retrait persiste cependant qui fait apparaître un pignon d'alignement à gauche et se retrouvera à droite de l'immeuble voisin, édifié selon le même principe. La Commission peut donc se rassurer : on assiste ainsi à la création d'une séquence urbaine cohérente, le n°35 combine sa forme à celle du n°31 malgré la diversité des acteurs, maître d'ouvrage et maître d'œuvre n'étant pas les mêmes. De fait, on retrouve deux des trois protagonistes mentionnés à propos de l'immeuble du 29 boulevard Cote-Blatin (dossier IA63002797) : partant de la communauté d'esprit qui anime Valentin Vigneron et Jean Bosser, ce dernier suivant à bien des égards le sillage du premier, il s'agissait alors d'opérer des comparaisons stylistiques entre eux. Une vingtaine d'années plus tard, nous voyons comment ils collaborent puisqu'ils s'associent pour édifier l'immeuble du n°31. Le fils de Marius Lanquette, Paul, prend leur suite, dans le même esprit, pour construire l'immeuble du n°35.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.