Commentaire de Gaspard André publié dans la Revue d'Architecture en 1890, pour accompagner plusieurs planches relatives au Temple.
Monsieur le Directeur,
Les architectes, m'écriviez-vous, ne se trouvent presque jamais eu face d'un programme défini. Souvent ils ne connaissent bien les besoins qu'ils doivent satisfaire qu'eu entendant les critiques laites après coup par ceux qui les avaient mis en oeuvre sans les renseigner suffisamment. Vous rendrez donc service à nos confrères en accompagnant les plans du temple, dont vous avez dirigé l'exécution et que publie la Revue, de quelques explications sur les nécessités auxquelles doit répondre, de nos jours, un temple protestant élevé dans notre pays.
Je vais tâcher de satisfaire votre désir :
Le temple que j'ai construit présente, en dehors de défauts qui peuvent résulter de son emplacement, bien des défauts de composition et d'étude que je ne me dissimule pas ; pourtant, si imparfait qu'il soit, j'espère néanmoins avec vous qu'un confrère a vaut à bâtir un temple pourrait trouver, dans la description minutieuse qui va suivre, quelques renseignements utiles et particulièrement les éléments d'un programme provisoire dont la discussion par ses mandants lui indiquerait, en temps opportun, ce qu'on, attend de lui.
Cette discussion serait facile. Tel, en effet, ne sait pas exactement ce qu'il veut ou ne songe pas à l'expliquer, qui sait très bien cependant ce qu'il ne veut plus, et le dit très nettement lorsque so, attention est mise en éveil.
La critique du programme provisoire que je suppose permettrait donc de connaître quelles modifications, suppressions ou adjonctions devraient y être apportées et cela suivant l'importance de l'édifice projeté, les ressources réalisées et entrevues, les exigences spéciales et si diverses auxquelles il faut obéir, les scrupules particuliers et les coutumes locales qu'on doit respecter.
Or, avec un programme net et clair, disparaissent les hésitations pénibles de la composition, les tâtonnements agaçants pendant qu'on construit, et ces remaniements désastreux qui dénaturent l'oeuvre après qu'elle est exécutée.
Mais avant de commencer une longue visite du Temple des Brotteaux, je vous demande la permission de vous indiquer en quelques mots les données générales du problème qui m'était posé, et aussi quelques chiffres sur lesquels je n'aurai plus à revenir :
L'Eglise réformée de. Lyon ne forme qu'une seule paroisse, pour les besoins de laquelle la Loge du Change construite par Soufflot dans la vieille ville et concédée après la Révolution, ne suffisait plus. Ou avait besoin d'une seconde salle de culte située dans les nouveaux quartiers, et je devais l'établir, avec ses annexes, sur un terrain de huit cent soixante mètres carrés, limité latéralement par des murs mitoyens.
Cette nouvelle salle, pour rendre les services qu'on en attendait, devait contenir moitié plus de places que n'en comportait le vieux temple, et les étages de la partie postérieure clé l'édifice devaient recevoir, avec une salle de catéchisme, des classes pour enfants des deux sexes et un grand magasin-vestiaire pour les indigents.
Les ressources sur lesquelles on pouvait compter, au début de l'entreprise, provenaient d'une souscription (environ 311 000 francs), de la participation de la Ville (150 000 francs) et de celle de l'Etat (20 000 francs) : total, 481 000 francs.
Les dépenses se sont élevées, non compris l'acquisition du terrain, les frais d'actes et l'installation des écoles et du vestiaire des pauvres, à très près de 400 000 francs. Dans ce chiffre figurent le mobilier, les tentures et les orgues.
La façade, placée à l'ouest, sur l'un des quais du Rhône, et devant laquelle je vous prie de vous arrêter un instant avant d'entrer dans le temple, se présente suivant un biais assez fort (4m70 sur 23m60) et ce biais, s'il ne se juge pas de près, devient assez sensible vu de l'autre côté du fleuve.
J'ai bien d'autres raisons pour ne pas être coulent de cette façade, et je m'accuse principalement d'avoir honnêtement tracé sa silhouette d'après le contour donné, près du pignon, par la coupe transversale.
J'aurais dû masquer le biais et cacher les hideux murs mitoyens qui apparaissent, de gauche et de droite, au-dessus des bas-côtés, par un mur de façade, sorte de paravent monté hardiment au niveau des maisons voisines, et (faute de pouvoir faire plus) couronné à la hauteur des corniches de ces maisons.
Il faut « hurler avec les loups » et se tirer d'affaire comme l'on peut lorsqu'on est pris de la sorte entre ces maisons de location si plaisantes aux yeux de la voirie.
Oui, je l'avoue, au risque d'être pétri par les rationalistes, je n'aurais pas le plus petit remords aujourd'hui si j'avais, pour cette fois, mis de côté la sincérité qui doit présider à la composition des édifices..... des édifices isolés surtout.
Toutefois, si j'accepte les rigueurs que je viens d'encourir parce tardif repentir, je prie mes censeurs de ne pas m'accabler au sujet de la triple ouverture, sans emploi, pratiquée sous le fronton du temple. Cette ouverture n'existait pas dans le projet primitif ; mais M. le Préfet du Rhône, en autorisant la construction, apprit au Consistoire que la subvention de l'Etat était subordonnée aux modifications demandées, après examen de ce projet, par le ce « Comité des édifices religieux ».
Ce comité dont, naïf provincial, j'ignorais l'existence, déclarait que « le vaisseau serait insuffisamment éclairé ». En conséquence, il exigeait « l'agrandissement du c/châssis de la coupole et l'ouverture de larges baies dans le pignon de la façade ».
Je n'ai pas agrandi la rosace de la coupole, et je m'en félicite, car depuis l'inauguration du temple, j'ai du projeter un vélum mobile, qu'on placera j'espère un jour entre les verres dépolis de la voûte et le vitrage du comble, pour modérer l'éclat de la lumière pendant la belle saison.
Mais, à mon grand regret, et non sans difficulté, étant donné le biais du terrain, il m'a fallu ouvrir les baies demandées. Or, non seulement l'adjonction de ces baies, qui enlèvent de la sobriété et, par suite, du caractère à la façade, était inutile pour obtenir la quantité de clarté nécessaire, non seulement le dualisme des jours divergents produisait un mauvais effet et enlevait à l'intérieur du temple la tranquillité, l'unité d'aspect désirable ; mais ces baies, ouvertes en face du soleil couchant, traversées par de vifs reflets, qui faisaient danser à la voûte les mouvements du fleuve, frappaient la chaire de leurs rayons et auraient rendu la prédication impossible pendant les cérémonies de l'après-midi.
Vite, on dut les boucher, à la veille de l'inauguration. Tout compte fait, les doubles murs, les doubles claustras, les doubles vitraux, les tailles d'embrasure et autres complications nécessitées par l'adjonction de ces fenêtres dans une façade biaise ont absorbé à peu de chose près la subvention de l'Etat, et cette adjonction a causé la seule augmentation que j'aie dû apporter aux prévisions de mon devis.
[...]
Quelques-uns de mes coreligionnaires ne se sont pas inquiétés de son aspect plus ou moins hérétiques. Ils se sont montrés seulement très curieux de savoir dans quel style je l´avais conçu !
Je me suis évertué pour leur expliquer qu´on ne construit pas toujours un édifice dans un style déterminé à l´avance mais que l´architecte, placé entre des traditions dont il ne peut, dont il ne doit pas s´affranchir, une éducation telle ou telle suivant l´école à laquelle il a puisé son instruction, des idées personnes, qui reflètent peu ou prou celles de son époques et de son milieu, et des intentions, des besoins à satisfaire, des moyens d´exécution qui varient à l´infini, se débat, avec plus ou moins de bonheur et de talent, à travers des difficultés qu´il rencontre, pour se rapprocher de l´idéal qu´il entrevoit.
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En effet, à tout ordre de pensée correspond un mode d´expression ; tout culte (le culte protestant excepté) a des formes architectoniques qui lui sont propres, et, entant qu´architecte et en tant que protestant, je ne puis m´empêcher de reconnaître qu´il y a là une regrettable lacune et de me dire que ceux qui se montreraient trop dédaigneux de l´expression matérielle du culte en esprit et en vérité ou se réjouiraient de l´absence de cette expression auraient grand tort d´oublier que, poussé à l´excès, le dédain de tout formalisme n´est autre chose, au fond, qu´un formalisme à rebours.
Malheureusement ce besoin d´une enveloppe architecturale spécialement appropriée au culte protestant, besoin vaguement ressenti par le public dont la curiosité inquiète se manifeste en face de chaque nouvelle tentative, paraît n´avoir guère préoccupé la plupart des architectes qui ont eu à construire les temples, peu nombreux, élevés en France depuis que les réformés, pouvant enfin se réunir mais s´abritant comme ils pouvaient, ont fait bâtir des édifices pour leurs cérémonies.
[...]
Je rencontre ensuite des temples bâtis sur les données des églises gothiques, et il en est dans lesquels beaucoup de talent a été dépensé, mais la foi du moyen âge a-t-elle quelque rapport avec l´esprit de libre examen ? Les cérémonies protestantes ressemblent-elles aux cérémonies catholiques ? Alors, pourquoi loger des choses si dissemblables dans des boîtes identiques ?
Pour moi, je suis tout attristé par l´aspect de ces églises nues dans lesquelles la chaire occupe la place de l´autel, où je sens mon culte dépaysé et où il paraît avoir passé une bande de déménageurs.
Je pense [...] que le temple protestant a, plus que tout autre édifice religieux, le droit de réclamer sa part de l´héritage des plus anciens édifices chrétiens.
Récemment, quelques architectes ayant à édifier des temples protestants ont été chercher leur inspiration au-delà de l´époque gothique. Ils me paraissent être dans le vrai, et c´est à l´art chrétien des premiers siècles de Syrie, par exemple, que l´architecte peut, ce me semble, demander cet appoint traditionnel, nécessaire dans toute composition religieuse, si indépendant d´allures et si personnel que puisse être le talent de son auteur.
[...]
Mais je n´ai que trop longtemps discuté devant la façade du temple, entrons dans la salle de culte, en franchissant, sans nous arrêter, le vestibule, vers lequel je reviendrai lorsque je parlerai des locaux annexes.
Le culte protestant consiste essentiellement dans la prédication accompagnée de prières et de chants. Les fidèles, toux assis pour le chant et la prédication, se lèvent pour la prière et ne s'agenouillent pas. Les bancs d'un temple sont doue assez rapprochés et ne laissent latéralement que les espaces nécessaires à la circulation. Il faut tout combiner pour favoriser l'attention. L'architecte doit bien se persuader que voir est la moitié d'entendre et doit disposer la place des assistants de façon que tous, sans exception et sans aucune gène, aperçoivent le prédicateur.
Aussi ai-je rejeté la disposition des basiliques romaines dont les parties hachurées du croquis ci-joint nous montrent les inconvénients. J'ai choisi la forme de la croix grecque avec tribunes sur trois faces. Le vestibule est pratiqué sous la tribune profonde opposée à la chaire. Des escaliers et divers locaux profitent des espaces situés entre les bras de croix et les murs extérieurs.
J'ai souvent regardé mon plan depuis l'achèvement du temple, et, tenant compte de l'espace dont je disposais (espace relativement exigu par rapport aux quatorze cents assistants qu'il me fallait convenablement asseoir), j'en suis encore assez satisfait et c'est à peine, je l'avoue, si, dans ma satisfaction, je conserve quelque remords pour la suppression brutale de tous points d'appui sous les tribunes.
Pendant que je me fais des compliments, je vous signalerai la disposition du choeur. J'ai cherché à meubler le fond du temple en formant, derrière la table de communion, un grand motif soudant la chaire à l'orgue. Il m'a semblé logique de faire partir du même point de la salle la voix du prédicateur et celle de l'orgue, réunissant ainsi la prédication, le cantique et la prière.
Mais dans cet arrangement, plus ou moins bien ajusté, que je crois bon en principe, je dois vous signaler un défaut : J'ai dû, pour la tranquillité, la dignité des cérémonies, loger le souffleur et l'organiste dans un renfoncement latéral du buffet.
J'aurais évité ce défaut (auquel on peut facilement porter remède aujourd'hui), si, au moment où les travaux de l'orgue étaient commencés, M. Merklin, son habile facteur, avait été en possession du système électro-pneumatique qu'il a appliqué à cet instrument avant d'en opérer la livraison. Avec ce système commode, qui permet de placer le clavier à distance, j'aurais mis l'organiste tout au haut et au centre de la tribune de face, regardant le pasteur avec lequel il doit rester en communication. Ainsi placé hors des yeux de l'assistance qui lui eût tourné le dos, et presque au milieu du choeur formé par un certain nombre de fidèles et dont la tribune de face est la place naturelle, il se serait rendu un compte parfait des effets de son jeu.
Aux deux extrémités de cette tribune de Forgue (dans laquelle des solistes peuvent prendre place lors d'un concert spirituel ou lors d'un mariage) se trouvent ajustés, à 45 degrés, deux indicateurs des cantiques et psaumes qui doivent être chantés pendant les cérémonies. Ces deux tableaux se trouvent dans tous les temples et leur emplacement ne peut être indifféremment choisi. Ils doivent en effet être vus facilement par tous les assistants et abordés aisément par le concierge qui en change les lettres et les chiffres.
Au-dessous et en avant de l'orgue est placée la chaire à prêcher. On accède à sa cuve par un escalier qui, pour trouver sans pente trop raide un développement suffisant, s'engage et débouche derrière le siège du pasteur. Les dernières marches de cet escalier, son palier et la porte d'entrée de la chaire sont abrités sous un dais qui encadre le pasteur et dont l'ombre portée lui fait un fond.
En pendant avec le départ de cet escalier, on aperçoit le pupitre du lecteur de l'évangile, et je regrette de n'avoir pas mieux accusé sa place en empruntant sa forme à l'antique ambon. Par contre, j'ai répété une disposition ancienne en faisant saillir le centre de l'appui de la chaire. Sur cet appui la bible reste en évidence.
La chaire est assez élevée, et sa hauteur a été étudiée pour que de toutes places le pasteur soit bien vu. Sur le fond en pierre contre lequel elle s'appuie, se détache une croix avec l'inscription : ALLEZ ET INSTRUISEZ TOUTES LES NATIONS (Saint-Mathieu, chap XXVIII, v.19). Dans la chaire existe un banc, un casier pour des livres et aussi (ne négligeons rien) une série de planchettes mobiles et articulées qui, s'abaissant ou se relevant au gré des pasteurs, permettent à ceux-ci d'ajuster la hauteur du sol aux exigences de leur stature.
Un appareil électrique met le pasteur en communication avec l'organiste, le vestibule et les sacristies. A droite et à gauche de la chaire se trouvent les portes qui donnent accès au cabinet du prédicateur et à la grande sacristie, puis les stalles des Anciens (Membres du Consistoire, du Conseil presbytéral et du Diaconat).
Ces stalles sont placées trop en arrière du prédicateur et cela parce que, préoccupé d'asseoir mes quatorze cents assistants, j'ai été un peu chiche d'emplacement pour le choeur. Aussi doit-on considérer les espaces laissés entre la chaire et la table de communion, entre celle-ci et la balustrade, entre cette dernière et la première rangée des bancs de l'assistance comme des minimums qu'il ne faut pas dépasser, et qu'il vaudrait mieux ne pas atteindre.
Pendant que je fais mon mea culpa, j'indique aussi qu'une marche ou deux de plus eussent avantageusement élevé le choeur, sans gêner en rien le développement des cérémonies.
La table de communion est installée au-dessus du sol du choeur, sur une plate-forme de la hauteur d'une marche, et qui forme le premier degré de l'escalier de la chaire.
Elle a été élevée ainsi afin que le pasteur domine un peu les personnes qui reçoivent la communion ou présentent un enfant au baptême. C'est aussi placé derrière la table que le pasteur adresse aux époux une allocution et remet les anneaux après avoir béni leur mariage du haut de la chaire.
Cette table, véritable table par sa forme, permet par ses dimensions soit à deux pasteurs de distribuer l'un le pain, l´autre le vin, en même temps, et chacun à deux personnes à la fois ; soit à un seul pasteur de faire circuler le pain et la coupe entre douze communiants rangés à la fois autour de la table. Ces deux coutumes existent dans nos Églises de France.
Auprès de la table et dans un renfoncement de la base de la chaire, se place une sorte d'escabeau servant à porter la buire dont se sert l'assistant du pasteur pour renouveler le vin des coupes.
J'amoncelle ici des indications qui paraîtront puériles au plus grand nombre des lecteurs de la Revue ; mais je ne regretterai pas cet encombrement de détails, peu connus et qu'on ne trouve pas ailleurs, je crois, si un confrère embarrassé les utilise un jour, ne serait-ce que comme point de comparaison, et, ainsi que je le disais en commençant, pour faire mettre, en temps utile et à qui de droit, le doigt sur les différences qui existent entre ce que je décris et ce que pourra désirer, sans le définir, celui qui le mettrait en oeuvre.
Avant de concevoir la coquille il faut connaître son habitant, et l'on ne peut commencer les fondations d'un temple sans être parfaitement fixé sur les dispositions d'un mobilier dont Consistoire et pasteurs ne s'inquiéteront qu'à la lin des travaux, et qui pourtant, en réalité, devrait dicter la forme et les proportions de la salle de culte dans laquelle on l'emploie.
Je continue donc impitoyablement :
C'est en bon ordre, à la file, et de tous les points du temple, que les communiants doivent pouvoir se rendre facilement à la table sainte devant laquelle ils passent en entrant et en sortant du choeur parles portes latérales de sa balustrade.
C'est aussi par les emmarchements latéraux du choeur que les mariés y pénètrent l'un par la gauche, l'autre par la droite, aux bras de leurs parents, pour se placer devant la table de communion, l'un à côté de l'autre, sur de hauts fauteuils qui bouchent momentanément l'entrée principale et au-devant desquels on dispose un tabouret unique occupant toute la largeur des sièges. Ces fauteuils sont retirés et roulés sur les côtés, à leur place habituelle, pendant que les époux se rendent à la grande sacristie pour signer sur le registre. De la sorte le passage central redevient libre pour la sortie du cortège.
L'un de ces fauteuils, accompagné d'un agenouilloir, est placé vis-à-vis de la table de communion lors de la consécration d'un pasteur.
C'est là une cérémonie dans laquelle le besoin d'un espace plus grand entre la table de communion et la balustrade du choeur se fait sentir, car les pasteurs nombreux venus pour la cérémonie doivent pouvoir se ranger autour de leur nouveau collègue au moment de l'imposition des mains.
Devant le choeur, entre les premiers bancs de l'assemblée, est réservé l'espace du catafalque. Cet espace, obtenu en enlevant quelques extrémités de bancs, doit être tenu assez grand pour que le cercueil puisse être déposé et repris sans ces heurts et ces efforts trop fréquents, dont la vue est si pénible. Au delà des bancs, près du fond du temple et sous la tribune, se trouvent les stalles des diacres de service, chargés du bon ordre et qui, placés près des issues de la salle, en sortent avant tout le monde pour collecter dans le vestibule au profit des pauvres.
Je reviens aux bancs, pour dire qu'ils sont, à leurs extrémités, pourvus de strapontins en tiroir qui, les jours de grande affluence, permettent d'utiliser les passages lorsque tous les bancs sont emplis. J'y reviens pour expliquer que, sauf partie de ceux entourant le catafalque, ces bancs ont leurs pieds fixés au sol par de fortes charnières, permettant leur renversement successif les uns sur les autres lors du balayage, ce qui évite de les déplacer et de les remettre ensuite en place plus ou moins régulièrement; et j'insiste auprès de mes confrères pour qu'ils donnent, le cas échéant, tous leurs soins à leurs bancs. Calculez bien la pente de leurs dossiers et de leurs sièges, et pour les tribunes et pour le rez-de-chaussée, en tenant compte de l'inclinaison que prend naturellement une personne assise regardant pendant longtemps plus haut ou plus bas qu'elle ; ménagez des porte-cantiques, laissez de l'espace entre le siège et le dossier pour les jupes bouffantes, tenez compte des omoplates, mais soignez bien surtout le recreusement des sièges. Nous ne sommes pas de purs esprits ; les cérémonies sont longues, et je plaindrais de tout mon coeur le confrère qui, ayant merveilleusement réussi un temple, n'aurait pas réussi ses bancs !!
Le temple des Brotteaux est éclairé par le haut, et ne pouvait guère l'être autrement, vu les dispositions de ses alentours. Je ne regrette pas cette nécessité; car le jour tombant de la voûte me paraît celui qui pouvait remplir la salle avec le plus de tranquille unité. Ce jour n'éblouit pas l'oeil, mis par l'arcade sourcilière à l'abri des rayons directs, et les peintres ne nie démentiront pas si j'avance que cette lumière apaisante, favorable à l'architecture, ajoute au sérieux des physionomies et par conséquent à la gravité d'aspect de l'assemblée.
Les jours de côté sont admissibles néanmoins dans un temple protestant ; mais dans un temple à tribunes latérales, il faut les placer très haut, sans quoi leur éclat entrerait obliquement dans l'oeil des personnes occupant ces tribunes et regardant le pasteur, et je craindrais la distraction ou l'énervement produits par une sorte d'hypnotisme agaçant, semblable à celui qu'on subit quelquefois lorsque, assis et absorbé à sa table de travail, on est dérangé dans son application par un fragment de papier isolé sur le parquet, vers la limite du champ visuel.
J'ose à peine parler de jours pris derrière le prédicateur ; personne n'aura jamais, je pense, l'idée d'éclairer une salle de culte de la sorte ; mais je reviens encore sur la proscription absolue des jours de face. J'ai dit, avec quelque rancune, leurs inconvénients particuliers au temple des Brotteaux, j'insiste pour qu'ils soient rejetés, quelle que soit l'exposition du temple.
Je ne sais si je m'abuse; mais j'aime à croire (dans les compositions d'architecture la vertu est souvent récompensée) que de ce sacrifice nécessaire pourra naître telle composition particulière de pignon, dont la physionomie bien spéciale donnera plus tard à la façade des temples ce trait distinctif, cet accent typique qui leur manque jusqu'à présent.
Voici pour l'éclairage de jour. Pour l'éclairage de nuit, j'aurais pu trouver l'équivalent de cette tranquille lumière verticale que je viens de vanter. Il eût suffi (sans faire appel au lustre central, qui paraîtrait déplacé ici, précisément parce que sa fonction est trop bien indiquée ailleurs), de placer au-dessus de la verrière de la coupole un luminaire mobile qu'on eût éloigné des vitrages pendant le jour. Mais la dépense de premier établissement, et aussi celle d'entretien, pour un appareil dont la puissance eût dû être proportionnée à sa grande distance des bancs à éclairer, ne me permit pas de m'arrêter à une telle solution.
Il fallait, à moins de frais, répandre une lumière égale en évitant l'aspect festoyant que donne la multiplicité et la dispersion des points lumineux ; il fallait permettre la lecture à tous les assistants placés dessus ou dessous les tribunes, n'en éblouir aucun et écarter les flammes du trajet de leurs yeux à la chaire à prêcher. Il fallait bien éclairer le pasteur et sa bible, et celas sans adjonction d'un luminaire spécial, et éviter surtout que les lumières, comme cela s'est présenté ailleurs, fissent danser derrière le prédicateur des ombres répétant sa silhouette et ses gestes. Il fallait enfin placer les luminaires de telle sorte que leur allumage et leur nettoyage fussent faciles.
Pour obtenir tout cela, je m'en suis tenu à quatre lampadaires accrochés à hauteur moyenne aux pans coupés des piles de la voûte, et n'ayant chacun que trois groupes de six flammes. Ces six flammes, presque soudées ensemble et disposées en forme de couronne, brûlent à l'air libre sans aucun vacillement.
En parlant de la disposition des bancs et plus tard de l'éclairage, j'ai recommandé de tout faire pour favoriser le recueillement. Je dois répéter encore ce conseil en parlant de la décoration peinte. Quoi, s'écrieront certains en m'interrompant, la décoration d'un temple !!! Est-il rien de moins décoré qu'un temple ?
En général, oui je l'accorde ; mais si nos temples français, dont aucun n'a été bâti avant le commencement de ce siècle, ont naturellement plus souffert que d'autres édifices religieux de cette maladie de l'oeil moderne qui a sévi pendant un siècle et plus et exilé la polychromie régnant sans conteste et sans interruption jusqu'alors dans tous les temps et dans tous les pays, ce n'est pas une raison pour qu'ils en souffrent toujours.
La crise passe, et si la brique et les pierres taillées ne nous offensent pas dans un intérieur, le badigeon, gris ou blanc, recouvrant seul les enduits qui cachent l'économique maçonnerie ordinaire, nous paraît chaque jour plus odieux.
Seulement, comme certaines habitudes ont été prises, comme aujourd'hui encore (môme pour beaucoup de personnes cultivées) les idées d'austérité semblent incompatibles avec une coloration soutenue (je ne dis pas brillante) et parce qu'il ne faut contrister personne, force est bien de se contenter de gammes modestes et de se garder, pour revêtir un temple, d'aborder celles qui ne scandalisaient pas les apôtres dans le temple de Jérusalem, Safran, or et lapis, pourpre, ébène, cinabre.
Pour mon compte, j'ai été extrêmement réservé dans les peintures à la chaux qui couvrent les murs et les voûtes du temple des Brotteaux et qui, je le dis en passant, ont été assez mal exécutées, d'après mes tracés et mes indications de tons. En somme, tous mes rouges, mes bleus, mes verts, mes jaunes appartiennent à la famille peu tapageuse de ces gris plus ou moins colorés qu'on rencontre dans les pierres non polies.
Les peintures indiquées dans la coupe longitudinale du temple ne sont même pas toutes exécutées, et une teinte unie (brun-rouge) occupe encore le fond des tribunes latérales où j'ai projeté la représentation de deux portes de ville dont les formes primitives eussent rappelé et dont les tons eussent répété les autres éléments de la décoration.
C'étaient : la porte de Bethléem avec la harpe de David et l'étoile des bergers accompagnée des paroles qui ouvrent l'évangile :
Gloire à Dieu au plus haut des deux ; paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes (Saint Luc, chap. II, v.14.)
Et la porte de Jérusalem avec le chandelier à sept branches du temple, la couronne d'épines et ces mots adressés aux disciples d'Emaüs et avec lesquels l'évangile se ferme :
Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses et qu'il entrât ainsi dans sa gloire ? (Saint Luc, chap. XXIV, v.5.)
Ce n'est pas seulement par timidité que, pour la décoration de ces fonds, je me suis contenté d'indications symboliques ; c'est aussi parce que des figures, si sobrement qu'on les eût traitées, m'auraient paru mal placées au-dessus des personnes réelles qui garnissent les bancs des tribunes ; c'est principalement parce que la vue de personnages peints qui, dans une église catholique, au milieu du luxe des cérémonies, peut occuper l'esprit du fidèle sans affaiblir son émotion religieuse, est, dans un temple protestant, très propre à détourner l'attention de l'auditeur en s'emparant de sa pensée pendant la prédication.
Je me hâte d'ajouter que rien n'empêcherait de l'aire servir la représentation, peinte ou sculptée, de scènes bibliques ou historiques à la décoration des autres salles de réunion ou des portiques d'accès d'un temple protestant, dont l'ampleur justifierait l'emploi d'une décoration de ce genre.
Si je me suis abstenu de faire reproduire la figure humaine, par contre j'ai prodigué les inscriptions sur la façade, dans le vestibule, dans les sacristies et dans la salle de culte. Elles me paraissent être un des éléments décoratifs les plus naturels pour les édifices d'une religion qui vit de l´écriture.
En avant du transept, dans les seize niches de la voûte, aux quatre pendentifs de la coupole, dans les douze niches du transept et les quatre niches du choeur, sont rangés chronologiquement les noms des seize prophètes, des quatre évangélistes, ceux du précurseur, des dix apôtres non évangélistes et celui de saint Paul, enfin les noms des quatre réformateurs. Ces noms sont écrits en petits caractères disposés verticalement.
Des passages de l'évangile, s'adressant aux fidèles, et propres aussi à renseigner sur nos croyances l'étranger qui pénètre dans le temple, sont tracés sur les voûtes en caractères semi-byzantins pouvant, lorsqu'on veut les lire, se déchiffrer facilement, mais ne sautant pas à l'oeil et ne s'imposant pas de force comme des lettres d'affiches.
Autour de la verrière de la coupole, on lit :
Dieu n'a point envoyé son fils dans le inonde pour condamner le inonde ; main afin que le inonde fût sauvé par lui. (Saint Jean)
Et sur les berceaux se dessinent en forme d'arcs-doubleaux des versets qui, exégèse particulière, ont, par suite d'exigences décoratives, dû être choisis de façon à présenter tous à peu près le même nombre de lettres.
Voici quelques-uns de ces versets :
Vous n'avez qu'un maître qui est le Christ ; pour vous, vous êtes tons frères.
Dieu est esprit, il faut que ceux qui l'adorent, l'adorent en esprit et en vérité.
Il n'y a qu'un seul Dieu, et un seul médiateur entre Dieu et les hommes : Jésus-Christ.
Là où deux ou trois personnes sont réunies en mon nom, je suis au milieu d'elles.
Froids à l'oeil du visiteur, nos temples sont plus froids encore pour les pieds de ceux qui y séjournent. Mes souvenirs d'enfance sont peuplés de dames âgées se rendant au temple leur chaufferette à la main, et je me risque à dire que, pour un ingénieux matérialiste, la caractéristique du culte protestant pourrait bien être le froid aux pieds.
L'explication de ce fait est facile : le temple, fermé pendant toute la semaine sauf pour les mariages, baptêmes et enterrements, n'est pas facile à chauffer pour les quelques quarts d'heure qu'on y passe le dimanche. Le concierge a beau bourrer ce jour-là son calorifère, les bouches de chaleur lancent à la vérité des bouffées d'air surchauffées ; les parties basses de la salle restent froides et son sol glacé. Dans les églises catholiques chauffées sans interruption pendant la mauvaise saison, tout le vide s'emplit au contraire d'une atmosphère attiédie et, si le sol reste relativement froid par rapport aux autres parois, les rites qui font asseoir, lever, agenouiller, coupent la cérémonie, par une sorte, de gymnastique qui empêche le froid aux pieds de gagner l'assistance.
Rationnellement, dans les temples protestants, chauffés comme ils le sont d'ordinaire, il faudrait, pour que les fidèles eussent un peu chaud, suspendre leurs sièges dans la zone supérieure seule chauffée, et non les laisser une longue heure et plus assis sans remuer sur des bancs rigides, dont l'arête, entaillant les jambes, coupe la circulation du sang qui ne va plus aux pieds, posés sur un sol glacé.
Aussi cette question du chauffage me préoccupait fort et je retournais en tous sens le problème, rejetant et reprenant tour à tour l'idée séduisante de l'hypocauste, dont les résultats excellents ne peuvent malheureusement être obtenus que par un chauffage continu, et ne pouvant me débarrasser de cette idée bizarre qu'il faudrait en quelque, sorte suspendre mes sièges au-dessus du sol.
Finalement, après bien des hésitations, et vu la faiblesse des crédits alloués, j'ai imaginé de faire une grande chambre chaude en profitant de tout le vide existant entre le plancher ajouré de la salle du culte et le niveau de l'ancien sol placé en contrebas du quai.
J'ai bétonné sur cet ancien sol, pour éviter les odeurs de marécage d'un terrain autrefois recouvert par les eaux, et j'ai traversé ce vide par de gros tuyaux de tôle partant du calorifère situé sous la chaire et émettant sur plusieurs points (et sous de larges disques disséminant la chaleur) de l'air en très grande quantité, mais à basse température afin de ne pas faire souffrir les bois du plancher.
Quelques heures avant le service religieux, on commence le chauffage; l'air du temple s'attiédit, le sol s'humanise, et l'air chaud, passant au travers des rainures laissées dans le parquet entre les bancs et sur toute leur longueur, est arrêté en partie au passage par les vêtements des fidèles qu'il réchauffe.
Le système est primitif ; l'installation est plus primitive encore ; mais j'estime que les résultats sont bons, car, placées ici ou là, j'ai rencontré à peu près autant de personnes se plaignant du trop que du trop peu de chaleur.
C'est bien la marque d'un succès? J'en appelle à mes confrères!!!
Le vestibule, auquel nous revenons maintenant, est chauffé par deux grandes bouches ; mais le tambour, fermé par des portes volantes et muni d'un grand vantail extérieur, à portillon roulant tout entier sur un rail à la fin du service, n'est pas assez, profond faute d'un plus grand emplacement. Aussi, pendant l'hiver, des rentrées d'air sont-elles sensibles dans les escaliers, et les portes des tribunes, si on ne les retient pas, font-elles souvent un bruit qu'il eût fallu éviter. Pour parer à de tels inconvénients, il faudrait, lorsque l'espace le permet, établir en avant du vestibule un véritable péristyle, avec portes sur la façade et tambours profonds à doubles portes du côté du vestibule.
La porte principale, à laquelle, sans le biais signalé, j'aurais donné plus de largeur, est trop étroite à la sortie : car les deux escaliers des tribunes et la porte centrale du rez-de-chaussée (on n'ouvre pas à ce moment les deux portes voisines) amènent un flot de personnes égal à celui que la porte de la façade peut débiter, et les personnes débouchant sur le perron sont retenues par celles qui s'y arrêtent.
Dans le vestibule d'un temple doivent être disposés des cadres pour les annonces et des troncs pour les pauvres. Il faut aussi trouver près de là des W.C. pour le public et les loger, si possible, mieux que je n'ai su le faire. Au temple des Brotteaux leur accès est dans le tambour et, bien que leur ouverture étroite et discrète soit bien plus modeste que les portes d'entrée, j'ai eu certain jour la mortification de voir une famille se tromper et entrer gravement à la queue-leu-leu dans le petit local en question pour en sortir précipitamment et en moins bon ordre, après avoir reconnu son erreur.
A droite et à gauche du vestibule se trouvent deux pièces. Dans la plus étroite, où les diacres de service comptent la collecte, se trouve une petite pharmacie, et l'on y peut recevoir les personnes indisposées.
Un vaste placard placé au fond de cette pièce reçoit les échelles, marchepieds, etc., qu'il faut bien loger quelque part. Ce sont là de méchants détails ; mais il faut y penser à temps si on ne veut pas retrouver plus tard ces objets traînant dans les couloirs et les vestibules.
Dans la plus grande de ces deux pièces, servant de petite sacristie, les pasteurs (le prédicateur du jour excepté), les membres du Consistoire et les diacres peuvent, avant le service, s'entretenir des choses de l'Eglise, répondre à qui s'adresse à eux, donner des renseignements et recevoir des demandes.
Ces deux locaux ne sont utilisés que pendant les services religieux. Ils semblent, par suite, bien placés près de l'entrée principale du temple ouverte seulement pour les cérémonies publiques. On peut les séparer de la grande sacristie qui, avec ses annexes (salle d'attente, cabinet du pasteur, vestiaire), forme un groupe à part, dont les locaux occupés presque constamment pendant le dimanche et pendant la semaine doivent être chauffés par un calorifère spécial et doivent se trouver à proximité de la chaire à prêcher et de la petite porte d'entrée qui s'ouvre près de la porte du concierge.
Les deux escaliers, dont les cages s'ouvrent sur le vestibule, desservent à leur troisième volée les tribunes latérales, et à la quatrième le haut de la tribune de face.
L'un donne accès à deux pièces placées au-dessus de la petite sacristie, l'une au premier, l'autre au deuxième étage et contenant les archives consistoriales et une bibliothèque circulante ouverte seulement le dimanche au public. (Un petit escalier à vis dessert la toiture et établit entre ces deux pièces une communication indépendante ; c'est par lui qu'on s'introduit entre les deux vitrages de la triple ouverture du pignon, pour nettoyer les verres-dalles au travers desquels les W.-C. prennent jour.)
L'autre escalier conduit à deux petites pièces faisant pendant aux précédentes. Dans l'une se trouvent les tentures murales dont on se sert pour les cérémonies mortuaires et la marquise qui, lors des mariages, se place au-devant de l'entrée du temple; dans l'autre, aux fenêtres constamment ouvertes, sont étendues les draperies, quelquefois souillées, dont on recouvre les cercueils pendant qu'on les porte à bras du domicile du défunt au temple, et du temple au cimetière.
Sous la première volée de ces escaliers ont été ménagées deux cavités : l'une reçoit les bois du catafalque et les brancards ; dans l'autre, faute d'un local plus convenable, on dépose les cercueils des personnes décédées en dehors de Lyon. On évite ainsi le séjour des cercueils dans la salle de culte et la tristesse que leur présence jetterait sur les baptêmes ou les mariages qu'on aurait à y célébrer avant leur départ.
J'ai déjà dit que la grande sacristie se trouvait sur la façade postérieure. C'est dans cette sacristie que se signent les mariages et se tiennent diverses réunions. C'est là que se font les élections du Conseil presbytéral et du Consistoire, et pour cela il faut que la grande sacristie puisse être facilement abordée par les électeurs qui viennent soit de la salle de culte soit du dehors. Il faut aussi que le courant s'établisse aisément et sans confusion entre les entrées et les sorties.
Deux petits escaliers elliptiques sont placés à côté de cette sacristie. Par l'un d'eux le prédicateur, sortant du choeur à mi-hauteur d'étage, entre le cabinet des pasteurs situé au rez-de-chaussée et leur vestiaire placé avec des W.-C. à l'entresol, se rend facilement à l'un ou l'autre des locaux de ces deux étages sans être dérangé sur son trajet. L'autre escalier met en communication la salle de culte et la loge du concierge ; il descend au calorifère et conduit le concierge à sa chambre et à ses W.-C. placés en entresol.
Le cabinet des pasteurs et la loge du concierge sont indiqués symétriquement dans le plan et couverts par des plafonds avec ciel vitré. Au-dessus d'eux se trouvent des cours sur lesquelles s'éclairent les W.-C. de la salle de catéchisme et des écoles.
Une petite salle fait pendant à l'entrée de la loge du concierge. Elle sert de vestiaire pour le public des grandes réunions qui se tiennent dans la grande sacristie. C'est dans cette petite salle, garnie de bancs, qu'à des heures fixes les indigents attendent avant d'entrer dans le cabinet des pasteurs. Une porte s'ouvrant entre ce cabinet et l'escalier des écoles permet au pasteur de service d'éviter au pauvre qu'il vient de recevoir de passer de nouveau clans la petite salle d'attente.
Ce même escalier conduit au vestiaire des indigents.
Voici cette longue et fastidieuse revue des services nécessaires terminée ; j'allais, en pensant aux pauvres lecteurs qui auront bien voulu m'accompagner jusqu'ici, pousser un soupir sympathique de soulagement, lorsque je m'aperçois que je n'ai pas dit un mot de l'acoustique du temple. Or, vous m'accorderez que c'est là un de ces chapitres qu'on ne peut esquiver.
Si, avant l'inauguration, beaucoup de personnes m'ont demandé : « Dans quel style avez-vous conçu votre temple ? » j'en ai rencontré plus encore qui ont voulu savoir comment j'avais combiné son acoustique.
Le vrai, c'est que je n'avais rien combiné du tout, ne croyant pas, avec presque tous mes confrères, qu'on puisse disposer à volonté de la sonorité d'une construction et juger sur un projet de l'acoustique future d'une salle.
Comment ! - aurais-je pu répondre - voici une construction légère dont les formes, les dimensions, les matériaux, le mode de fabrication ont à peine changé depuis des siècles, sur laquelle, en la répétant des milliers et des milliers de fois, des générations de fabricants, artistes amoureux de leur travail, ont épuisé leurs efforts (c'est d'un violon que je parle) et lorsque, ne consultant que votre oeil, vous risquez de laisser de coté un stradivarius pour choisir un vil crin-crin, vous voudriez que l'architecte, variant à l'infini les formes, les proportions, les matériaux employés dans des édifices de tous genres, réponde à l'avance de la sonorité de son oeuvre ? Et vous admettriez qu'il doit se gêner, au détriment de besoins réels et difficiles à concilier et à satisfaire, pour obéir non pas à des lois connues, mais à je ne sais quelles recettes incohérentes et contradictoires dont son bon sens lui dit la vanité et dont la valeur ne se trouve prouvée nulle part ???
Pour tout dire j'étais fort inquiet, n'ayant pu, au milieu des échafaudages, me rendre aucun compte de la sonorité de la salle et me déliant instinctivement de l'effet que pouvaient produire mes verrières de la coupole et surtout celles établies, malgré moi, dans le mur de façade, bien eu face du prédicateur.
La veille de l'inauguration arriva.
Il y eut dans le temple une répétition des cantiques du lendemain à laquelle assistèrent quelques curieux, disséminés dans le bas de là salle.
Tant que le choeur, placé dans une tribune latérale, chanta, cela alla très bien ; mais lorsque la personne qui dirigeait ce choeur et se trouvait dans la tribune de l'orgue voulut faire quelques observations à ses chanteurs, ce fut en pure perte : les échos, les redondances mangeaient les syllabes, les consonnes disparaissaient noyées dans un bourdonnement confus, quelques lambeaux de phrases se distinguaient seuls ça et là. Impossible de rien comprendre !
Aussitôt, et suivant un procédé empirique assez connu, je fis tendre quelques fils de soie imperceptibles contre les deux verrières que je suspectais et j'allai me coucher dans des transes cruelles.
Songez-y : un temple protestant où l'on n'entend pas!!!..... Les petits écus de mes pauvres souscripteurs semblaient se dresser devant moi et m'accabler de reproches.
Aussi quel soulagement, le lendemain, lorsqu'au milieu des dix-sept cents personnes qui se pressaient dans le temple j'entendis retentir merveilleusement nette et sonore la voix du pasteur prenant possession de l'édifice !
Depuis, les fils légers sont tombés peu à peu et la salle, qui est bonne lorsque l'assistance est peu nombreuse, redevient excellente dès que la tribune de face se garnit.
Les murs se sont-ils faits, comme disent certains musiciens?... S'est-il passé à leur surface quelque phénomène inexpliqué?... Quelques poussières impalpables, en tapissant les parois d'une certaine façon, ont-elles opéré le changement ?... Je ne sais et ne me chargerais pas plus d'expliquer le pourquoi du fait que je signale que nos vieux romanciers n'eussent expliqué pourquoi les pas de leurs héros résonnaient si lugubres dans les salles obscures des manoirs inhabités.
J'avoue que certains sont plus affirmatifs et je me remémore une administration municipale d'un pays voisin du nôtre qui, il y a une quinzaine d'années, rejeta gravement un projet de théâtre - commandé par elle - parce que la salle n'en était pas acoustique. Mais cela ne prouve pas suffisamment que les lois qui régissent l'acoustique des salles soient connues, et j'estime, qu'en attendant de nouveaux progrès de la science, il est prudent de se méfier du savoir des gens qui sur ces matières délicates crient trop haut leur compétence.
Malheureusement il n'eu est pas toujours ainsi et, entre Pierre affirmant qu'il construira une salle sonore et Paul avouant qu'il espère dans la sonorité de la salle qu'il construira, le plus grand nombre ne choisira-t-il pas Pierre et cela par un raisonnement analogue à celui de Henri IV.
Ainsi vous affirmez, messieurs les curés, que si je rente huguenot je suis damné, et vous, messieurs les pasteurs, vous me dites qu'un catholique peut faire sou salut? ma foi! vive la messe et Paris la vaut bien!
Or, il faut remarquer qu'avec Pierre (s'il est de bonne foi), on court un danger réel, car il est bien capable, pour vous faire une salle acoustique, de sacrifices inutiles et de complications bizarres qui l'amèneront à faire une vilaine salle, tandis que rien n'aura gêné Paul pour en faire une belle, et je ne pense pas que personne ose prétendre, a priori, qu'un vaisseau, parce que ses proportions sont belles, sera moins acoustique qu'un vaisseau dont les proportions sont désagréables ?... Dans l'ignorance où je suis, je me sentirais plutôt quelque propension à croire le contraire.
Pour terminer, je vous demande, Monsieur le Directeur, la permission de citer quelques-uns de mes collaborateurs :
M. Grimonet, un excellent menuisier lyonnais, auquel j'avais été heureux de pouvoir remettre l'exécution du mobilier et qui vient de recevoir l'une des médailles que la Société centrale des architectes a décernées, cette année, au personnel du bâtiment ;
MM. Tatou frères, chargés de la maçonnerie, de la pierre de taille et de la charpente en bois,, et qui ont mis beaucoup de soins à leurs travaux; chose rare dans la bonne ville de Lyon, où la maçonnerie est bonne parce que sable, chaux et moellons y sont excellents; mais où l'on taille et pose la pierre, j'imagine, plus mal que partout ailleurs ;
Enfin, M. Camou, plâtrier, chargé des enduits et des voûtes et qui les a exécutées avec une précision mathématique et une grande habileté, en ne se servant que de cordeaux tendus entre les murs de fond des tribunes et les arcs sous la coupole. (La portée entre les murs est de douze mètres, et il y a neuf mètres environ entre le mur delà tribune de l'ace et l'axe de la coupole le plus voisin.)
Ces voûtes, imitées de voûtes analogues existant dans nos vieilles constructions lyonnaises, sont à trois épaisseurs de briques, superposées à plat, et avec joints chevauchés.
J'ai fait reposer ces voûtes sur une assise engagée dans les murs au-dessus de la rangée de niches dont j'ai parlé à propos des inscriptions de la salle de culte. Cette assise est formée de grands blocs en pierre de Villebois, appareillés horizontalement, avec joints rayonnants. Les extrémités de l'assise sont prises dans le mur de façade et dans les murs des tribunes latérales voisines des grands escaliers.
G. ANDRE, arch.
Atelier de ferronerie Guer et Blanc : réalise la serrurerie et ferronnerie du Grand Temple du quai Augangneur à Lyon, achevé en 1884.