HISTORIQUE
La plus ancienne mention de l´église remonte au 6e siècle : Grégoire de Tours rapporte que son oncle, Nizier, grand évêque de Lyon mort en 573, y a été inhumé, que des miracles se produisent auprès de son tombeau et que son culte y a été organisé (REYNAUD, p. 6-11 ; MARTIN, t. 1, p. 350). Au début du 9e siècle, l´église paraît dans un grand état de délabrement, puisque l´évêque Leidrade déclare, dans sa lettre à Charlemagne, avoir reconstruit l´édifice (Précis chronologique, p. 431). Ce document ainsi que la liste de confraternité de Reichenau attestent l´existence d´un chapitre canonial à l´époque carolingienne (COTTIN, 1994, p. 82 ; REVEYRON, p. 271). A la fin du 12e siècle, Saint-Nizier est devenue la paroisse du consulat où est proclamée l´élection des consuls et des échevins municipaux (COTTIN, 1994, p. 5). En 1253, les Vaudois incendient l'église pour protester contre les richesses accumulées par les chanoines (Précis chronologique, p. 434). Le 25 mars 1306, Louis de Villars, archevêque de Lyon, créé un nouveau chapitre de seize chanoines, fondation confirmée en 1308 (HOURS, p. 8).
Le 15 octobre 1434, une délibération consulaire autorise la construction, aux frais de la commune, d´un nouveau clocher (l´actuelle tour nord), l´ancien tombant de vétusté. En 1452, le chapitre de la cathédrale permet aux chanoines d´extraire des sites de Collia des « choins », blocs de calcaire blanc de grandes dimensions, pour les fondations (Rapport de fouille, 1994, p. 5). En 1458, les travaux sont achevés. On ne sait pas quand a commencé la réédification de la partie orientale de l´église, mais en 1480, celle-ci est élevée jusqu´à la travée IV de la nef qui butte contre le vieux clocher. Celui-ci est démoli l´année suivante, et les travées III à I sont construites dans les dernières décennies du siècle (COTTIN, 1994, p. 9-10). La chapelle latérale de la Trinité (non localisée) est bâtie en 1486 (GRAND, p. 462). Les voûtes de l´église sont montées dans un deuxième temps, celles du choeur en 1502 et celles des trois travées VI, V, IV de la nef entre 1505 et 1517. En 1537, le chapitre décide de voûter la travée III sur les conseils des maîtres maçons. Le couvrement des premières travées s´étirera jusqu´à la fin du 16e siècle (COTTIN, 1994, p. 9-10).
Le 14 novembre 1526, le chapitre évoque la construction du « portail », autrement dit de la façade ouest. En 1538, les chanoines et les fabriciens consacrent une assemblée relative au financement des travaux (CHARVET, p. 87-144 ; COTTIN, 1994, p. 11). Le chapitre nomme le 17 octobre 1549 une commission pro visitatione plateforme existentis supra magnum portalle dicte ecclesie (COTTIN, 1993, p. 85, note 14). Le 1er novembre 1550, une visite rend compte de l´état de décrépitude de cette protection en bois (Rapport de fouille, 1996, p. 10), les chanoines demandant au charpentier Louis Pitry de « retenir la plateforme et le couvert dessus ladite plateforme dessus le grand portail», de " fournir le bois nécessaire " et d´enlever " les ceintres vieux qui sont sus ladicte plateforme et tout aultre vieulx bois " (COTTIN, 1994, p. 11et Rapport de fouille, 1996, p. 10). Le 7 novembre 1578, les chanoines décident de faire appel à l´architecte Jean Vallet pour l´achèvement de la façade (COTTIN, 1993, p. 85, note 10). La démolition en grande partie d´une maison canoniale est alors décidée pour permettre l´édification du clocher sud. Le 9 mai 1579 a lieu la pose solennelle de la première pierre. Le 28 mai 1580, une autre cérémonie marque la mise en place du linteau de la grande porte. En 1590, le grand portail et les bas-côtés étant achevés, la fabrique peut entreprendre le voûtement de la première travée du vaisseau central de la nef (COTTIN, 1994, p. 12-13). Le 12 septembre 1612, les fabriciens rétrocèdent au chapitre la boutique sous le clocher nord, moyennant 700 livres, " pour aider au parachèvement du portail " (AD Rhône : 15 G 141). Le clocher sud restera inachevé : le plan de 1654 mentionne le " second clocher imparfait basti en la place de la Manillerie concédée par le chapitre pour la construction dudit clocher ".
Le 17 août 1609, le chapitre consent à faire " construire édifier une chambre au dessus de la porte du petit cloistre qui entre dans l´église ". Puis le 21 janvier 1611, le chapitre prévoit " la destination d´un lieu pour y retirer des dangers du feu les habits et ornements de l´église dans lequel il se voit qu´il a esté fait marché pour faire deux coultés l´une sur l´autre et que lesdicttes coultés doivent estre au dessus de la petite porte des chaises come sortant pour aller au cloistre et en la maison de la sacristye que ladicte chambre neufve sera de largeur de la chappelle des tixerandz et jusquez au coin d´icelle du costé dudict cloistre " (AD Rhône : 15 G 142, actes capitulaires mentionnés dans l´Inventaire de 1657). Cette construction correspond au porche sud, élevé dans l´alignement des chapelles de la nef et surmonté d´une pièce prenant jour par une serlienne.
A une date inconnue dans le courant du 17e ou du 18e siècle, un sous-sol est creusé sous la nef occasionnant la pose d´un nouveau dallage dans celle-ci (COTTIN, 1994, p. 13). Le mobilier de l´église est inventorié le 28 novembre 1790, à la suite du décret de nationalisation des biens de l´Eglise voté le 2 novembre 1789 et du décret Talleyrand du 13 octobre 1790 relatif à l´inventaire des biens du territoire (MATHIAN, 1995, p. 18, note 2 ; POMMIER, p. 32). Très endommagée par la suite, l´église est transformée en 1796 en dépôt de farine (MATHIAN, 1995, p. 4, 18, note 6).
En 1800, l´évêque constitutionnel du Rhône, Primat, établit provisoirement son siège dans l´ancienne collégiale (HOURS, p. 12). La même année, l´architecte Forobert dresse un état des églises de Lyon et estime que Saint-Nizier mérite à double titre d´être conservée pour l´exercice du culte et pour la beauté de son architecture (MATHIAN, 1995, p. 18 note 5). L´édifice, en piteux état, est rendu au culte catholique en 1802 (Dossier bibliothèque Arts et Lettres Lyon 2, p. 2).
La suppression du cimetière et des annexes bâties au chevet de l´église en 1797-1798 (Plan général de la ci-devant église paroissiale de Saint-Nizier) libère un vaste emplacement qui permet la création d´une place publique (cf. dossier). En 1801, on projette de reconstruire les sacristies contre le chevet (Dossier bibliothèque Arts et Lettres Lyon 2, p. 9). Le 28 août 1804, la Ville fait l´acquisition du terrain nécessaire. En 1812, la fabrique en demande la concession gratuite pour faire construire les sacristies et des boutiques. Le 1er octobre 1816, le maire autorise leur construction et les plans sont établis par Louis-Cécile Flachéron, architecte de la Ville. Le 30 mai 1817, la Ville cède le terrain à la fabrique, et les deux partenaires établissent un traité stipulant que " la sacristie et les boutiques seraient construites en pierre de taille, qu´on formerait deux pans coupés de cinq mètres, qu´on ferait une fontaine au pan coupée du nord " conformément aux dessins de l´architecte. Les sacristies sont achevées en mars 1819, à l´exception des boutiques qui ne seront réalisées qu´en 1824 sous la direction de Sébastien Bernard Seitz, architecte de la ville, mais en respectant le projet d´origine qualifié de " gothique lombard ". (En revanche, l´intérieur des sacristies, à éclairage zénithal, est entièrement néoclassique). (AM Lyon : 475 WP 13).
Entre 1824 et 1837, l´architecte Jean Pollet entreprend la restauration intérieure de l´église, en particulier des chapelles latérales, avec une interruption entre 1829 et 1834, faute de moyens financiers. En 1835, il ajoute à la crypte s´étendant sous le choeur de l´église une communication par deux escaliers débouchant de part et d´autre du maître-autel (MATHIAN, 1995, p. 17), ainsi qu´une porte en style roman décorée d´une archivolte à colonnes (BIROT, p. 298). Un projet de restauration de la façade est soumis en 1837 au Conseil des Bâtiments civils (MATHIAN, 1995, p. 5-12). L´architecte décède en 1839, et Claude Anthelme Benoît lui succède. En décembre 1846, la décision de percer la rue Centrale et de créer une place plus grande devant l´église implique l´achèvement de la façade (cf. dossiers place Saint-Nizier et rue Centrale ; MATHIAN, 1995, p. 10, 12-17). En dépit du classement de l´édifice sur la liste de 1840, la commission des travaux historiques s´abstient le 15 septembre 1848 de participer à sa restauration, considérant qu´il s´agit " d´un monument fort médiocre, remarquable seulement par la façade commencée par Philibert Delorme " (BERCE, p. 393). Les travaux, financés par le conseil municipal, commencent par la réfection du sommet de la flèche du clocher nord. En 1852, Benoît procède à l´harmonisation du triforium. La façade est refaite, à l´exception du grand portail et de la travée correspondant au clocher nord : la tour sud est achevée le 15 août 1856 ; en 1859, l´architecte fait construire un pignon identique à celui de la primatiale Saint-Jean en remplacement de celui de la Renaissance (MATHIAN, 1995, p. 13-16).
En 1883, on unit les deux cryptes afin de former une vaste église souterraine (BIROT, p. 298) : la vieille crypte de plan quadrilobé ne conserve que sont abside orientale et adopte le partie à deux vaisseaux de l´ancienne salle sous la nef afin d´en former le choeur. Les mosaïques ornant celui-ci sont réalisés par Ennemond Mora d´après des cartons du peintre Gaspard Poncet. L´inauguration est célébrée le 15 août 1884 (MATHIAN, 1995, p. 17).
Des réparations à la flèche neuve sont réalisées en avril 1893, puis à l´ancienne l´année suivante (Dossier bibliothèque Arts et Lettres Lyon 2, p. 3). A la fin de 1991, les Monuments historiques interviennent sur la façade, réalisant un gommage minutieux à la fine de verrerie. Les sculptures altérées sont remplacées par des ragréages effectués avec des mortiers spéciaux. La flèche sud est remise en état ( Lyon. Eglise Saint-Nizier, p. 5-8 ; MORTAMET, p. 4-10).
CONCLUSIONS
La partie la plus ancienne de l´église était, jusqu´à sa quasi-démolition en 1883-1884, la crypte creusée sous le choeur. Elle est connue par des relevés et par une description précise de l´abbé Boué, curé d´Ainay, en 1841 (BOUE, p. 386) : " La crypte est de petite dimension et sans aucune communication avec le jour extérieur ; elle est située exactement sous le maître-autel et est établie sur le plan d´une croix grecque formée par quatre absides en cul-de-four de 2,50 m d´ouverture sur 1,75 m de profondeur, contrebutant un édicule central de 4 m carrés voûté avec voûtes d´arêtes à 3 m sous clé ".
L´origine de cette crypte a donné lieu à bien des interprétations. Un texte rapporte que saint Pothin, premier évêque de Lyon, établit un modeste oratoire dans un lieu souterrain abrité par l´église. Cependant il s´agit d´une tradition tardive, remontant à 1251-1252, époque où les chanoines de Saint-Nizier obtiennent d´Innocent IV une bulle qui fait de leur église le premier lieu de culte dédié à la Vierge par Pothin (MARTIN, t. 1, p. 350 ; POWELL, p. 9). Une autre tradition raconte que le vocable primitif était celui des Apôtres et que la basilique commémorant les premiers martyrs de Lyon avait été construite à cet emplacement. Mais si le culte des premiers martyrs est attesté, le site exact ne l´est pas (Histoire de Lyon des origines à nos jours, t. 1, p. 276 ; REYNAUD, p. 9-10).
D´après le procès-verbal de visite du 23 août 1308 relevant les épitaphes, la crypte contenait les tombes de plusieurs évêques de Lyon dont les plus anciennes dataient du 6e siècle (BEAUJARD et al., p. 32). Ce texte a été confirmé lors des travaux de 1883-1884 par la découverte d´urnes, de tombeaux en pierre, de fragments de marbre, de restes de pilotis ainsi que de morceaux de l´épitaphe de l´évêque Sacerdos (BIROT, p. 298). La crypte aurait été reconstruite à l´identique en 1528. En 1663, " la crypte à laquelle on n´avait pas touché fut blanchie à la chaux et mise en état décent " (MARTIN-DAUSSIGNY, p. 436). Le 8 novembre 1695, la sénéchaussée de Lyon y constate l´existence d´un tombeau (AD Rhône : 15 G 100, Procès-Verbal de visite de la Sénéchausssé de Lyon le 8 novembre 1695) : " Nous sommes descendus dans une cave qui est sous le grand autel, où nous avons comme un cercueil de pierre dans la muraille du costé de l´orient, que l´on nous a dit estre celuy de saint Nizier ". Placé dans l´abside à la hauteur de la naissance des voûtes, au-dessus du petit autel de pierre, il était aussi appelé " cuve de saint Ennemond " (BEAUJARD et al., p. 32). Il est actuellement posé dans la nef de la nouvelle crypte.
On ignore quand ont commencé les travaux de l´église actuelle. L'hypothèse courante selon laquelle ils auraient débuté peu après la création du chapitre en 1306 (CLAPASSON, p. 106 ; KLEINCLAUSZ, t 1, p. 18), ne repose sur aucun document historique (REVEYRON, p. 273). Plusieurs opérations d´archéologie du bâti menées entre 1994 et 1999 ont permis de révéler l´existence d´un chantier remontant plutôt au début du 15e siècle (Rapports de fouille, 1994, 1996, 1997 et 1999). La première date connue est celle de la décision de reconstruire le clocher en 1434.
La façade Renaissance était restée inachevée par l´arrêt de la construction de la tour sud. Les restaurations du 19e siècle n´ont laissé en place que le grand portail, longtemps attribué à Philibert de l´Orme, alors qu´il est en réalité l´oeuvre de Jean Vallet ainsi que l´ont établies les recherches de Léon Charvet et Georges Guigue (CHARVET, p. 87-144). Le fait que les chanoines confient l´ " achèvement " de la façade en 1578 à Jean Vallet, a conduit Charvet a donné une interprétation sur la forme donnée au projet primitif du 2e quart du 16e siècle. La présence d´une colonnade inachevée de plan semi-circulaire sur le plan scénographique de 1550 (qui sera confirmée en 1903 par la découverte d´une fondation de même forme) l´amène à restituer une rotonde engagée dans la façade et surmontée d´une coupole avec lanternon (CHARVET, p. 132 ; CHARLETY, p. 39-41). Les travaux menés depuis une dizaine d´années réfutent cette interprétation. La campagne d´archéologie du bâti réalisée en 1994 sur la façade a permis de montrer que le plan de Louis Charvet est irréalisable : l´analyse des tracés régulateurs associée à une modélisation en trois dimensions des hypothèses de tholos prouvent que cette forme n´a pas été à l´origine du portail (REVEYRON, p. 281-288, 307). Par ailleurs, les sondages archéologiques réalisés en 1996 aux abords de l´édifice ont révélé la présence d´un important massif maçonné composé de galets et de pierres non taillées, liés par un mortier blanc très dur. Il s´agit d´une structure qui s´étale devant tout le portail et peut-être même devant toute la façade (Rapport de fouille, 1996, p. 6, 10). La découverte d´un plan de l´église réalisé aux alentours de 1654 permet de proposer une autre hypothèse concernant la réalisation du portail initial. Le document représente un mur délimitant un espace semi-circulaire au-devant de l´église. On peut alors supposer que le dispositif illustré sur le plan scénographique de 1550 et sur celui de Le Beau en 1600 était une clôture de parvis en avant de la façade, composée d´une colonnade sur un mur bahut. Elle pouvait constituer avant les travaux de Vallet le support d´un porche semi-circulaire, ce qui expliquerait la couverture provisoire mentionnée dans les archives en 1549-1550.
Le flanc nord de l´église qui bordait un espace de marché, la rue et la place de la Fromagerie, semble avoir été de tout temps bordé d´échoppes. Le 21 mai 1567, trois d´entre elles, que le chapitre " avoit fait bastir " sont mentionnées " au devant de l´aigle d´or " (7, rue de la Fromagerie) (AD Rhône : 15 G 141). Le 18 août 1646, le chapitre de Saint-Nizier donne son accord pour que la Fabrique y construise douze boutiques supplémentaires, et le 18 février 1648, le consulat autorise le chapitre à faire bâtir en pierre de taille les deux boutiques sous le clocher (AD Rhône : 15 G 141). En 1834, la fabrique obtient une permission d´alignement pour restaurer les boutiques de la rue, consistant " à remplacer de vieux ais grossièrement construits et tombants de vétusté, par des fermetures ou devantures de boutiques d´un genre et d´un travail moderne et à substituer à d´anciens toits couverts en tuiles, forts irréguliers, (...) une couverture horizontale en bitume ou en zinc, entièrement masqué par des fermetures nouvelles. " (AM Lyon : 475 WP 13, Rapport de la fabrique du 9 octobre 1834). Elles ont été démolies dans le courant 20e siècle.
Chercheur au service régional de l'Inventaire Rhône-Alpes jusqu'en 2006.