HISTORIQUE
(d´après l´étude de Vital de Valous, sauf mention particulière)
Le 15 novembre 1424, le consulat, qui tenait ses assemblées dans la chapelle Saint-Jacquême (cf. dossier), acquiert la maison de Charnay et deux petites maisons ou étables contiguës, consistant " en caves, beneries, cour, gallerie, chambres, salles et autres membres et estages ". Mais il ne peut les utiliser car l´archevêque, seigneur direct de ces propriétés, refuse de lui donner l´investiture. Le procès-verbal des actes consulaires du 13 juillet 1451 signale que la demeure " va en ruyne ". Finalement une transaction est signée entre les deux parties le 23 février 1462, puis approuvée par l´archevêque et le chapitre de Saint-Jean les 28 juillet et 4 août suivants. Dès le 5 décembre, le consulat y tient ses assemblées ordinaires. Le 2 octobre 1463, il rend une ordonnance pour y faire transporter les " titres et documens de la ville estans en la chapelle Saint-Jacquesme ". Les 19 et 28 février 1464, il paye 18 livres à Pietre, menuisier, et 5 livres 15 sous à Nicolas Morin, serrurier pour la réparation des portes et fenêtres de la grande salle basse. A cours d´argent, le consulat vend le 13 mars 1492 l´hôtel de ville à Barthélemy Bellièvre, clerc, notaire et tabellion, et à sa femme Françoise Fournier. Il devient ainsi locataire de l´édifice jusqu´au 23 février 1501, date où il le rachète. L´édifice brûle dans la nuit du 18 au 19 mars 1513. Le feu a ravagé " la grant salle [qui renfermait une partie des archives] et chambres hautes ", mais a épargné les parties basses où se trouvaient " la salle du consulat " et la " petite chambre des papiers ", ainsi que les boutiques au-dessous. Un mois plus tard, le 14 avril 1513, le consulat rentre dans son hôtel entièrement réparé. Les actes consulaires mentionnent alors la nouvelle " chambre haulte voultée " des archives, ouvrant par deux croisées garnies de " treillis " en fer. La cheminée de pierre de la salle du consulat a coûté 20 livres. L´un des conseillers, Pierre Renouard, se plaint du luxe de cette cheminée et de la " trop grant sumptuosité et coust des archives ". En mars 1529, le consulat achète deux inscriptions antiques, dites Tables de Claude, qu´un propriétaire vient de découvrir en minant une vigne sise dans l´actuelle rue René-Leynaud. L´hiver suivant, en décembre et janvier, elles sont installées contre le mur mitoyen de la grande cour, dans une sorte de renfoncement, " fenestre ", réalisée à cet effet et surmonté des armes de la ville sculptées par Laurent Saint-Priest (GRISARD, p. 39-56). En 1560, l´édifice est trop étroit pour contenir l´ensemble des services de la ville et le consulat songe à trouver un autre lieu. Interrompues par la prise de la ville par les protestants, les négociations reprennent ensuite et le 16 décembre 1569, un contrat d´échange est passé avec Claude de Bourges, celui-ci délaissant à la ville une vaste maison rue Grenette, dite hôtel des Générales et hôtel de Milan, près de la place des Cordeliers, en échange de tous les biens patrimoniaux du consulat. Ce dernier s´y installe, mais à cause d´une pension trop lourde résultant de l´échange, la transaction de 1569 est annulée le 8 avril 1576. Le consulat revient dans l´ancien hôtel de ville, et fait faire quelques travaux cette même année : Pierre Fontanel, maître maçon, reçoit 240 livres " pour avoir recouppé et retranché partie de la gallerie de pierre qui est au-devant de l´ostel commun, et en dessoubz fait et fourny cinq grands larmiers de pierre de taille, replombé les happes de fer, carronné la salle destinée pour tenir la police, fourny les carrons ensemble ung fourneau de pierre de taille et plombé un treillis de fer (...), remué les degrez de pierre de taille qui estoient du costé de l´église Sainct-Nizier, du costé de la cour dudit hostel ". En 1599, les deux maisons situées à l´angle des actuels rues Pléney et Fromagerie menaçant ruine, le consulat demande aux propriétaires leur démolition et reconstruction en recul pour s´aligner sur l´hôtel de ville. Les propriétaires préfèrent les vendre à la ville, le contrat étant passé le 5 mars 1604. En achetant ces maisons, le consulat avait le projet de réédifier entièrement l´hôtel de ville. Mais, par un revirement inexpliqué, le consulat acquiert le 25 juin 1604 la maison de la Couronne rue de la Poulaillerie dans laquelle il s´installe le 7 décembre suivant. Il conserve néanmoins les locaux de la rue Longue comme bien locatif, et le 28 juin 1605, il passe un contrat devant François Flachier, notaire, avec les entrepreneurs Jaille, Chaignon et Perrin, pour la reconstruction de l´ensemble des bâtiments donnant sur la rue de la Fromagerie et le percement d´arcades boutiquières au rez-de-chaussée des élévations conservées rue Pléney et rue Longue (GRISARD, p. 58). En 1611, les Tables de Claude sont transférées dans le nouvel Hôtel de Ville (GRISARD, p. 56).
Le 3 janvier 1740, l´édifice est vendu par le consulat à l´administration de l´Hôtel-Dieu qui, devenue Hospices civils de Lyon après la Révolution, le possède encore (A HCL : BHD 153).
Avant 1831, date du premier cadastre, une fontaine à pompe et une loge de concierge sont établies dans la grande cour (I). Le grand escalier desservant uniquement le premier étage a été ajouté au détriment de la cour III avant 1850 (A HCL : BHD 153). En 1861, la reconstruction de l´immeuble mitoyen (2) a fait disparaître les vestiges de la partie orientale de l´ancien hôtel de ville.
CONCLUSIONS
Grâce au sous-sol, à l´examen des élévations et à la description donnée dans la vente du 5 mars 1604, il est possible de restituer l´emprise au sol des deux maisons acquises alors par le consulat. Les deux gros murs de refend perpendiculaires à la façade sur la rue de la Fromagerie, bien visibles sur le plan du sous-sol, marquaient la séparation des parcelles. La première maison, à l´enseigne de la Pomme de pin, consistait " en deux corps de logis, une cour entre deux, ayant issue sur la rue tendant de la place Saint-Nizier à Saint-Pierre, laquelle maison fait le coin et joint ladite rue, de soir, ladite place, de vent [sud], la maison de ville de bise [nord] " (vente du 5 mars 1604). Il en subsiste le sous-sol et l´élévation sur cour du 1er corps à l´angle des deux rues, la cour ouvrant sur la rue Pléney avec son portail, le 2e corps de bâtiment avec deux travées sur la rue Pléney et la tour d´escalier reliant les deux corps. La modénature des parties conservées permet de dater cette demeure du milieu du XVIe siècle.
La deuxième maison, ayant pour enseigne le Chien vert, comprenait " un corps de maison et cour sur le dernier [derrière], joignant la première [maison], du côté du soir, ladite maison de ville, de bise et matin [nord et est], la place de St-Nizier, de vent [sud] " (vente du 5 mars 1604). Il en subsiste le sous-sol et la cour, aujourd´hui en grande partie occupée par le grand escalier d´une boutique.
Tout le reste de la parcelle correspondait à l´hôtel de ville. Le bâtiment principal, encore debout, présente deux corps en équerre à l´angle de la rue Longue et de la rue Pléney (1). Il y a tout lieu de penser que ce corps se poursuivait sur l´emplacement d´une partie de l´immeuble mitoyen reconstruit au 19e siècle. En effet, avant la réédification de ce dernier, son mur sur la grande cour de l´hôtel de ville présentait toute une série d´ouvertures (2). Cependant, la partie méridionale de ce mur était réellement mitoyenne, puisque c´est là que fut aménagé le monument des Tables de Claude en 1529, obstruant partiellement un jour et provocant ainsi la protestation du propriétaire voisin. Il y avait, dans la portion jouxtant le corps sur la rue Longue, une grande porte murée surmontée d´un arc en accolade, une réalisation typique du tournant du 15e et du 16e siècle. Outre le prolongement de l´aile sur la rue Longue, cette porte témoigne également de la présence d´un corps en retour sur la cour, à moins que celui-ci n´est été limité à une seule travée donnant sur des galeries doublant la façade sur cour de l´aile bordant la rue Longue. Par son décor et son ampleur, cette porte devait jouer un rôle important, constituant peut-être l´accès principal aux salles par l´intermédiaire d´un escalier aujourd´hui disparu.
Les deux ailes conservées présentent deux étages carrés et un ancien comble à surcroît. Le nombre d´étages concorde avec la description des dégâts de l´incendie de 1512 : un rez-de-chaussée occupé par des boutiques, un premier étage contenant entre autre la salle basse, un deuxième la salle haute et diverses chambres. C´est l´une des deux salles que représente l´enluminure de 1519. Après les réparations, l´une des chambres du deuxième étage est décrite voûtée et occupée par les archives. Les façades conservées présentent de nombreuses reprises, et rien dans les modénatures visibles ne paraît antérieur au 15e siècle. Seule une baie trilobée de l´aile disparue à l´est de la cour pouvait être antérieure. L´allée, datant du 17e siècle et aujourd´hui condamnée, débouchait sur la cour en coupant un grand arc du 16e siècle, qui est peut-être la trace d´un ancien passage cocher. S´il est possible que cette aile ait été doublée de galeries, il en de même pour celle en retour dont la suite de pièces étroites doublant la série des principales pourrait être la trace. Ces galeries correspondent peut-être à celles fermées en 1569 par le maçon Pierre Fontanel pour gagner de la place.
Du côté de la rue de la Fromagerie s´élevait un corps secondaire (3) contenant une galerie ouverte sur la rue, puisqu´en 1514 on avait jeté des lettres anonymes « sur la gallerie de l´hôtel commun ayant regard en la rue publique, estant entre l´hostel commun et l´église Saint-Nizier ». Le sous-sol subsiste, montrant un corps moins profond que l´actuel : la cour principale était donc plus grande ; les traces de l´ancien accès depuis cette cour sont encore visibles. Ce corps présentait également un escalier dont on récupère les marches en 1569 pour le remonter du côté de la cour : il s´agit probablement du grand escalier de plan semi-circulaire. En suite du prix-fait du 28 juin 1605, un grand bâtiment sur la rue de la Fromagerie est reconstruit avec courette intérieure, occupant l´emplacement du 1er corps de la maison à l´angle des deux rues, de celui de la maison suivante en préservant la cour et enfin de celui dépendant de l´hôtel de ville, l´étirant en profondeur au détriment de la grande cour et empiétant sur la façade du grand escalier. Le rez-de-chaussée des autres bâtiments est également remanié et une nouvelle allée est créée du côté de la rue Longue. C´est sans doute après l´achèvement de ces travaux qu´une enseigne a été apposée au-dessus de l´entrée sur la rue de la Fromagerie : l´inscription " Le vieil hostel de ville " encadre les armes de la ville aujourd´hui bûchées. On ne sait pas à quel moment la partie orientale de l´aile sur la rue Longue a été retranchée de l´ensemble.
Chercheur au service régional de l'Inventaire Rhône-Alpes jusqu'en 2006.