DRAC Rhône-Alpes, CRMH. 69 - Lyon 2e. Hôtel de l'Europe, 1 I 11 MHAAA 99-464
Rhône - LYON 2ème, Hôtel de l´Europe
Note de synthèse, Bernard GAUTHERON, chargé d'étude documentaire, avril 1995
I- Historique :
En face de la Primatiale Saint-Jean, sur la rive gauche de la Saône, au débouché du pont Bonaparte, cette maison, appelée autrefois «Maison-forte de Bellecour», est située dans un quartier prestigieux. Son histoire témoigne de l´évolution urbaine depuis le XVIe siècle.
Sur le plan scénographique de 1550, à l´emplacement de cet immeuble, on remarque seulement quelques baraques qui longent le chemin tendant du port du Temple à Ainay. Au nord se trouvent les célestins, à l´est les jardins de Pomey où est installée la «Douane». Le passage de Charles X en 1560, puis celui d´Henri III en 1574 provoque l´arrangement de la rue Bellecour (actuelle rue Colonel Chambonnet) car les rois, résidant à l´Archevêché, s´embarquaient port du Roy.
En 1600, le tènement (qui appartient alors aux FAYE) est vendu aux POMEY, qui possèdent une importante maison figurant sur le plan de Maupin de 1635. Elle est mentionnée comme Douane. Un acte notarial de 1635 décrit cette maison et le magasin donnant sur le port du Roy où demeure l´intendant Jacques Prévot d´Herbelaz, à qui le Consulat fournissait un logement.
En 1644, Pierre PERRACHON de Saint-Maurice succède aux POMEY. Il envisage de consacrer sa fortune à des investissements immobiliers. En plusieurs années et successivement, il construira des maisons de l´angle du port-du-Roy (actuelle place Antonin Gourju) jusqu´au 5 de la place Bellecour, sorte de «lotissement» dans la lignée des places royales du début du siècle. Il s´oppose alors à son puissant voisin, les Célestins.
En 1653, M. de PERRACHON obtient l´autorisation de construire sa maison. Il passe prix fait avec Claude CHANA, entrepreneur, «pour un édifice, ayant façade sur le port du Roy et place Bellecour...» Tout ne se passe pas sans difficultés et désaccords avec le sieur CHANA. PERRACHON lui verse 8000 livres en 1658 pour «solde de comptes». En 1657, on note que PERRACHON est assisté par Paul de la VALFENIERE, architecte du Palais Saint-Pierre. En 1659, la transaction a lieu entre PERRACHON et les Célestins. PERRACHON explique qu´il veut bâtir à neuf une maison lui appartenant au coin de Bellecour, et qu´il veut l´avancer sur la place Port du roy.
En 1665, lors de l´alignement définitif, on sait que la décoration de son hôtel est luxueuse. Certains documents d´archives parlent comme architecte de DESARGUES (assistant de Simon MAUPIN lors de la construction de l´Hôtel de Ville de Lyon).
En 1669, PERRACHON passe un prix-fait avec Lacombe pour la construction de six maisons dans le jardin dépendant de son hôtel (ce sont les maisons actuelles jusqu´au n° 5 de la place Bellecour).
PERRACHON de Saint-Maurice meurt en 1688. Son fils, Alexandre-Louis de PERRACHON, vend l´Hôtel en 1695 à Humbert PIARRON, marchand à Lyon.
PIARRON obtient, en 1704, l´autorisation de rabaisser d´un pied et demi, onze demi-croisées de pierres de taille sur toute la longueur du 1er étage au devant de sa maison (c´est pourquoi nous avons actuellement un dénivellement entre les fenêtres du 3ème étage de la façade occidentale et celles de la façade méridionale).
En 1707, PIARRON, devenu écuyer du roi, vend à Noble David Olivier de SENOZAN «une grande maison appellée la maison forte de Bellecour, qui consiste en deux corps de bâtiments..., avec tous les boisages, tableaux et parquets qui y sont». David Olivier de SENOZAN est originaire du Languedoc. Banquier à Lyon, il édifia une fortune considérable. Les SENOZAN firent embellir la maison de Bellecour en la faisant décorer notamment par le peintre Daniel SARRABAT. David Olivier de Senozan meurt en 1722.
Son fils, François-Olivier, vend la maison en 1734 à PIERRE NICOLAU, son beau père, banquier, qui meurt en 1766. Son fils, François NICOLAU de Montribloud, hérite de l´hôtel mais fait faillite en 1778. Ses biens furent inventoriés et un plan de son appartement levé. La disposition intérieure est étonnante et rappelle que Nicolau de MONTRIBLOUD avait constitué un cabinet de collections scientifiques, très à la mode à la fin du 18e siècle. Celui qu'il avait constitué dans son hôtel de Lyon comptait parmi les plus riches de France. En 1781, commença la longue liquidation qui ne trouva sa conclusion qu´à la mort de MONTRIBLOUD, en 1786.
La maison est alors attribuée à la famille DELHORME. C´est à cette époque qu´elle est transformée en hôtel de voyageurs, l´un des tout premiers de la ville, sous le nom de l´hôtel de l´Europe, nom qui apparaît pour la première fois en 1809. L'hôtel appartient, tout au long du XIXe siècle à différents propriétaires (1805 : ROCHE DES ESCURES; 1824 : GOURD-GAVINET; 1838 : L´EMPEREUR ; fin XIXe : LAPORTE). L´hôtel, très prestigieux et de grande réputation, accueillit des voyageurs illustres (Bonaparte, Talleyrand, Mme de Staël, Châteaubriand, Mme de Récamier, Mérimée, Napoléon III...). Il fit l'objet de travaux importants, notamment la surélévation de la façade sud (en 1853), au-dessus du porche d'entrée par les architectes BOUILHERES et TEYSSERE, et la couverture de la cour intérieure pour l'installation d'une salle de danse (installée entre 1873 et 1900).
En 1924, les héritiers LAPORTE vendent l´Hôtel de l'Europe à l´Union du Sud-Est des Syndicats Agricoles.
En 1952, d´importants travaux d'agrandissement sont réalisés (surélévation des toitures, transformation des magasins du rez-de-chaussée...).
Depuis 1976, l´édifice est loué au ministère de la Justice qui l'occupe pour les services annexes du Tribunal de Grande Instance de Lyon. Ceux-ci doivent cependant intégrer le nouveau Palais de Justice de la Part-Dieu à partir du 1er juillet 1995. L´immeuble sera donc désaffecté à cette date. Les propriétaires actuels (GROUPAMA) souhaitent entreprendre rapidement la réhabilitation de cet immeuble en logements et bureaux.
II- Description
- Vues anciennes :
- On ne connaît que peu de vues des premiers bâtiments. Le plan scénographique de 1550 montre une maison haute, moyenne et basse dont la façade orientale flanquée d'une tour est percée de trois fenêtres aux étages. Au devant sont des jardins, futurs terrains à bâtir. Le plan de Simon Maupin de 1635 montre une maison de deux étages percée au rez-de-chaussée à l'est de deux portes cintrées. Le plan de 1659 montre la même maison à la haute toiture, les terrains de la place Bellecour sont déjà lotis.
- De la maison construite par les PERRACHON, vendue en 1707 aux SENOZAN, on connaît l´architecture générale : des bâtiments en U disposés autour d´une cour à coursives fermée au sud par un portail que surmonte une terrasse (plan de 1750 du clos des célestins). Cet hôtel particulier était en fait constitué de deux maisons «consistant en deux membres et cours qui se confinent» (ce sont les actuelles maisons 1 et 3 rue Colonel Chambonnet). Le plan de 1783 de l´hôtel de Nicolau de MONTRIBLOUD nous restitue le détail du 1er étage de ces deux maisons (qui ont été vendues en deux lots séparés à la fin du XVIIIe siècle).
- Les gravures du début du XIXe siècle de l´hôtel de l´Europe nous restitue l´entrée côté rue avant les travaux de surélévation.
- État actuel :
- La façade Ouest (donnant sur la place A. Gourju) est la seule façade subsistante de la fin du XVIIe siècle, à l'exception du rez-de-chaussée, qui a perdu ses anciennes arcades (aujourd´hui banales ouvertures rectangulaires). Cette façade a trois étages, onze fenêtres, deux étages de fenêtres hautes et le dernier en attique de fenêtres carrées. Un écartement plus large sépare la fenêtre centrale des cinq autres réparties systématiquement de chaque côté. L´encadrement des fenêtres est constitué de pierres finement moulurées. Un bandeau souligne l´allège des fenêtres à chaque niveau.
- Le portail, vestige également de l´hôtel du XVIIe siècle consiste en deux colonnes à refends surmontées d´un entablement à triglyphes supportant une corniche très saillante (c'est le style du portail du Palais du Luxembourg). Il est encadré par deux chasse-roues. La porte a deux battants en bois, taillés en pointe de diamant dans sa partie basse.
Certains ont affirmé que ce grand portail serait un reste de l'hôtel des Douanes, démoli par Pierre PERRACHON de Saint -Maurice, signalé sur le plan de Simon Maupin. Il est dit en effet, dans le contrat avec l'entrepreneur Chana, que celui-ci prendra pour son compte les matériaux de démolition de l'hôtel des Douanes à l'exception du portail d'entrée. Le portail actuel serait donc antérieur à la construction de PERRACHON de Saint-Maurice.
Ce portail est maintenant «englué» et défiguré dans sa partie supérieure par les aménagements du XIXe siècle au-dessus du mur qui fermait la cour. Au-dessus du portail, deux fortes consoles cannelées supportent un balcon, elles prolongent les colonnes du portail, constituant une sorte de second entablement dans lequel s´inscrit le panneau : «Union du Sud-Est des syndicats Agricoles». De chaque côté, les fenêtres du 1er étage sont surmontées de fronton triangulaire. La partie centrale de la façade a reçu également un décor plus soutenu : la porte-fenêtre donnant sur le balcon du 1er étage est encadrée de pilastres cannelés que surmontent des chapiteaux ornés de guirlandes. La partie centrale, au 3ème étage, s´ouvre sur le balcon par une triple baie aux arcs cintrés surmonté d´un fronton triangulaire.
Le reste de la façade est plus banal. On remarque cependant les chaînages d´angle qui l´encadrent, qui correspondent aux angles des deux corps de bâtiment donnant sur l´ancienne cour.
L´angle Sud-Ouest est également fortement souligné par un chaînage continu. La façade sur la place se prolonge côté rue avec le même traitement architectural, composé de quatre travées (le bâtiment fait un retour d´angle qui n´est pas dans l´alignement du reste de l´édifice). La travée la plus proche de l´angle de la place est constituée de fenêtres murées (elles ne correspondent pas à des ouvertures dans les pièces intérieures). Les fenêtres des 3e et 4e travées sont celles qui éclairent la grande cage d´escalier).
Les façades sur cour :
- La cour est actuellement obstruée par la verrière métallique installée à la fin du XIXe siècle et qui abrite l´ancienne salle de bal de l´hôtel de l´Europe. Les rez-de-chaussée, premier et deuxième étages des façades sur cour sont en grande partie masqués par cette verrière.
Le rez-de-chaussée (sous la verrière) sert d´entrepôt, de chaufferie et de cave ; le 1er étage est à la hauteur de la salle de bal (on y accède à l´intérieur, au 1er étage, côté Ouest). Les fenêtres du 2ème étage sont la plupart «transpercées» par des tirants métalliques qui soutiennent la charpente de la verrière. La structure de la salle de bal est maintenue grâce à ces tirants ; le plancher de la salle repose sur des poteaux en fonte qui prennent appui sur le sol de la cour. Mais la verrière repose également sur l´ancien balcon qui courait tout le long des façades du 1er étage. Une visite du rez-de-chaussée sur cour (actuelles caves) a permis de constater que ces balcons, reposant sur des consoles, existaient toujours. La cour intérieure de l´immeuble 3, place Bellecour (construite par PERRACHON au XVIIe siècle) a conservé ces balcons et on peut facilement supposer que l´hôtel particulier de PERRACHON était conçu de la même façon.
Les façades sur cour possèdent 5 étages (en raison des surélévations effectuées du XXe siècle) sauf la façade Nord du bâtiment au-dessus du portail d´entrée, qui a conservé sur cour ses trois niveaux.
En raison de ces surélévations, les façades intérieures ont perdu leur unité et les bâtiments leur volumétrie propre à un hôtel particulier. Mais on distingue les fenêtres du XVIIe siècle avec leur mouluration, les bandeaux et les chaînages. Le dégagement de la cour permettrait de retrouver la lisibilité de ces façades.
- Intérieur :
- l´escalier : Le portail, rue Chambonnet, permet d´accéder à un corridor (ancien passage de communication de la rue à la cour). Une première volée d´escalier avec une rampe en fer forgé, précédée par deux colonnes cannelées, conduit au premier étage. C´est à ce niveau que prend naissance le vaste escalier dont la cage s´appuie en partie sur la façade sud, côté rue. C´est un escalier à trois volées droites : les deux premières reposent sur un mur d'échiffre, les autres sont portées par des voûtes en demi-berceau et des trompes ; la rampe est décorée de fins balustres en fer forgé.
Les murs de cage sont ornés de panneaux rectangulaires aux encadrements moulurés. Le plafond, ovale, entouré d´un cordon également mouluré s´inscrit dans un cadre rectangulaire. Dans les quatre angles du plafond figurent deux blasons aux armoiries de la famille de PERRACHON: «de gueules à une fasce d´argent accompagné de trois étoiles d´or» et «coupé d´or et d´azur à la grue marchant de l´un en l´autre». Les armoiries sont accompagnées d´un très riche décor en stuc : cuirs découpés, motifs floraux, volutes en forme de cornes d´abondance....
Deux autres escaliers, plus modestes, mais datant de l´hôtel du XVIIe siècle, subsistent dans l´angle Nord-Ouest et dans l´angle Nord-Est.
- La salle de bal : La charpente métallique compose une toiture à quatre versants reposant sur quatre poutres principales. Le décor très chargé de cette salle est entièrement constitué de moulures en stucs. Les murs sont scandés de colonnes cannelées supportant un entablement très composite. Au-dessus, des fenêtres demi-circulaires sont surmontées de motifs floraux, tous identiques, entourant un écusson ovale.
- La salle du 1er étage : Elle est au centre de l'étage côté Ouest. Elle possède un parquet à la Versailles. Les murs sont scandés par des pilastres aux chapiteaux corinthiens.
Elle possède six dessus-de-portes ovales peints en camaïeu ocre et représentant des enfants musiciens (la pièce était-elle un ancien salon de musique ?). Le plafond est constitué de neuf caissons aux encadrements fortement moulurés. Le fond de ces caissons est peint en bleu et représente des putti volant. Ce plafond, qui pourrait dater des années 1880, a peut-être remplacé une structure à caissons plus ancienne. Les peintures en camaïeu semblent antérieures (début du XVIIIe siècle?) et pourraient être attribuées à SARRABAT (qui en a composé de semblables à ALBIGNY et dans l´hôtel de Fleurieu, rue de Boissac, à LYON).
- Le «Salon de Minerve» : Il est situé au 2ème étage à l´Ouest au centre de la façade. Il est remarquable par son plafond composé de trois travées séparées par des poutres. Les travées sont recouvertes de toiles peintes marouflées consacrées à Minerve et dues au peintre lyonnais Daniel SARRABAT (1666 -1748). Elles représentent :
1) La toilette de Minerve ;
2) Minerve reçue par les Muses;
3) Minerve combattant les géants ;
Deux dessus-de-porte prés des fenêtres, aujourd´hui déposés au château de Pizay à St-Jean d´Ardières (Rhône), mais appartenant au même propriétaire, complétaient ce cycle de Minerve. Ils représentent l´un "Minerve et Vulcain", l´autre "La Naissance de Minerve". Il faut signaler que les peintures du plafond sont entourées par un riche décor d´arabesques et de grotesques. Le salon a conservé l´ensemble de ses boiseries et son parquet à la Versailles. On remarque également une très belle cheminée de marbre blanc. Son miroir est surmonté par un décor en bois doré (masque avec torche et carquois de flèches).
- Le Salon d´Hercule : Il occupe, au deuxième étage, l´angle Sud-Ouest de l´immeuble. Il a reçu un décor somptueux de toiles peintes par SARRABAT, que les photos du XIXe siècle nous restitue dans son ensemble. Il est demeuré intact, à l´exception des toiles qui étaient sur les murs et qui ont été également déposées au château de Pizay.
Le plafond est une vaste toile peinte de 6,80 m x 4,70 m. Sa partie centrale, ovale, représente le triomphe d´Hercule ou "Hercule reçu dans l´olympe" : on voit Hercule, que la faux du temps ne peut arrêter, monter dans les nuages de l´olympe, reçu par tous les dieux : Mercure, Minerve, Zeus, Bacchus, la Renommée... Cette scène est encadrée par un cordon où s´inscrivent dans deux cartouches les initiales O (Olivier) et S (Sénozan), entourées du même collier. Ce sont les armes de François Ollivier de SENOZAN, propriétaire de l´hôtel de 1722 à 1734. Les peintures ont donc dû être exécutées durant cette période.
La publication par P. ROSENBERG, dans son livre "Le Seicento Francese" (Milan, 1970), d'un dessin de SARRABAT conservé au musée de DARMSTADT, qui est l'esquisse de ce plafond, a levé les derniers doutes. Il s'agit bien d'une œuvre de SARRABAT, d'une grande qualité décorative et d'un dessin très ferme. Son caractère baroque éclate dans l'animation et la joie des figures de l'Olympe, qui s'opposent, de façon symbolique, "en contraperto", avec la grande faux du Temps brandit en vain contre le héros. (Un autre dessin de Sarrabat, présentant une légère variante a été offert au musée de Lyon en 1991).
Autour de la peinture centrale, on remarque toujours le même décor très riche d´arabesques, de guirlandes de fleurs, de flèches, et d´oiseaux.
Les murs sont scandés de pilastres cannelés aux chapiteaux ioniques dorés, et qui supportent un entablement où court une frise peinte représentant divers motifs (masques, flèches, rinceaux...). Les pilastres encadraient cinq tableaux qui complétaient le cycle d´Hercule. Déposées au château de Pizay, ils ont pu être inventoriés et représentent :
1) Naissance d´Hercule (le jeune Hercule allaite Alcmène) ;
2) Hercule à la cour du roi Créon de Thèbes reçoit les trophées et donne à Hercule sa fille Mégara ;
3) Hercule tue le centaure Nessus qui veut enlever Déjanire ;
4) Hercule offre sa massue en sacrifice au dieu Mercure ;
5) Hercule et Omphale.
Au-dessus et au-dessous de ces toiles, se trouvent des médaillons représentant les visages des différents empereurs romains (au début du 19e siècle, on y rajouta l´effigie de Bonaparte).
On remarque également des panneaux de boiserie et des portes peints d´arabesques, et la très belle cheminée de marbre blanc dont les piédroits représentent des consoles à griffes de lion. Le miroir est encadré de fines boiseries dorées et ajourées.
- Conclusion :
L'Hôtel de l'Europe est un ancien hôtel particulier du 17e siècle construit par PERRACHON de Saint-Maurice, à l'emplacement de bâtiments plus anciens. La décoration luxueuse qui subsiste est due principalement à des embellissements entrepris par la famille de SENOZAN au début du 18e siècle.
L'architecture extérieure de l'hôtel a subi de profondes modifications aux 19e et 20e siècles : surélévations des toitures, disparition des arcades, construction d'un bâtiment au-dessus du portail d'entrée, cour intérieure obstruée. L'immeuble s'est "fondu" dans le quartier de la place Bellecour et a perdu ses caractéristiques d'hôtel particulier.
L'Hôtel de l'Europe fut un hôtel de voyageurs parmi les plus prestigieux de la ville au XIXe siècle. Il accueillit des personnages illustres. A ce titre également, l'immeuble présente un intérêt historique certain.
Mais ce qui retient surtout l'attention aujourd'hui, ce sont l'architecture et les décors intérieurs qui subsistent des 17e et 18e siècles, et notamment les plafonds et toiles peints par Daniel SARRABAT, et représentant des scènes mythologiques
On connaît de SARRABAT plusieurs ensembles décoratifs dans la région lyonnaise, classés au titre des M.H. : les peintures murales décorant la maison de Melchior Philibert à Charly (Rhône) : "Assemblée de négociants et concert de musiciens" (classées MH 14 décembre 1962); Villa à Albigny (Rhône) : peintures de la salle à manger représentant des épisodes de l'histoire d'Esther et d'Assuérus (classées MH : 23 décembre 1958); ancien hôtel du Président de Fleurieu, 8, rue Boissac à Lyon 2e : peinture représentant "L'Amour et Psyché" au plafond de la cage d'escalier (classée MH 17 février 1965).
Les ensembles décoratifs consacrés à Minerve et à Hercule, dans l'ancien hôtel de SENOZAN complètent notre connaissance sur ce peintre et sur la peinture lyonnaise des 17e et 18e siècles. Leur bon état de conservation, in situ, avec les décors des pièces qui les accompagnaient et qui subsistent toujours (parquets, cheminées, boiseries) est un témoignage précieux des mentalités et des goûts artistiques de cette époque.
Pour toutes ces raisons, une protection au titre des Monuments historiques paraît s'imposer pour cet immeuble et pourrait s'établir comme suit :
- Classement parmi les monuments historiques du salon de Minerve et du salon d'Hercule (y compris les toiles et dessus-de-porte actuellement déposées mais qui devraient retrouver leur emplacement d'origine) ; la salle du premier étage; le grand escalier.
- Inscription sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques des façades et toitures sur rue, place et cour. Cette inscription semble nécessaire compte tenu de l'importance historique de l'édifice ; elle complèterait les protections déjà existantes (les façades de la place Bellecour, qui sont le prolongement, sont toutes inscrites sur l'inventaire supplémentaire des MH).
Il est difficile actuellement d'étudier complètement l'architecture intérieure de ce bâtiment, compte tenu de son occupation par les services du Tribunal de Grande Instance. Si d'autres décors importants venaient à être découverts lors des prochains travaux, il est évident qu'il faudrait les inclure (après étude) dans l'arrêté de protection.
Documentation
Iconographie :
Archives Départementales du Rhône
Archives Municipales de Lyon
Plan scénographique de la ville de LYON - 1550
Plan de Simon MAUPIN 1635, 1659
Plan du Clos des Célestins 1750
Plan de l'hôtel de Nicolau de Montribloud 1783 (dossier de l'affaire Montribloud ADR IC 226)
Plans de ville XIXe siècle
Fonds Pointet
Fonds Galle (ADR) pour les photographies anciennes des décors intérieurs
Bibliographie :
COTTIN (Bénédicte) - La maison du 18e siècle à Lyon, Thèse de doctorat de troisième cycle, Lyon, 1984.
GATEFOSSE-MOIROUD (F.) Lyon-Presqu'île : Inventaire monumental des maisons du 17e siècle, Mémoire de maîtrise, Lyon, 1972
AUDIN et VIAL - Dictionnaire des artistes Lyonnais (Sarrabat , page 201)
Histoire de la Maison-forte de Bellecour -Hôtel de l'Europe (document de l'union des syndicats agricoles du Sud-est, s.d.)
PEREZ (M.F.) - Amateurs d'Art et collectionneurs à Lyon au XVIIIe siècle , 1980
PEREZ (M.F.) - Les collections scientifiques de François-Christophe Nicolau de Montribloud (Lyon-Paris, 1786) - Actes des Assises des sociétés historiques du Rhône, Amplepuis, 27-28 octobre 1984.
ROSENBERG (Pierre) - Il Seicento Francese, Milan, 1970 (collection "I designi dei Maestri")
FLORENNE (Lise) - articles sur Daniel SARRABAT dans Bulletin des Musées et Monuments Lyonnais , n° 1, 2, 3, 1962.
BMML n°1, 1991 : Don au musée d'un dessin de Sarrabat : Hercule reçu dans l'Olympe. (pages 49-50).
Pierre Perrachon de Saint-Maurice fait construire l'hôtel de Montribloud (Lyon 2e, 1 rue du Colonel-Chambonnet) dans la décennie 1650. Il réalise quelques années après un lotissement de 6 maisons à l'emplacement du jardin de cet hôtel particulier.