A l'époque de la mappe sarde, en 1732, le pré est déjà dessiné ; quatre petits bâtiments sont représentés aux alentours. Sur le premier cadastre français, en 1880, il n'y a pas de bâtiment.
Le chalet aurait été construit vers 1885. Son plan en forme de C (avec un corps central et deux retours aux extrémités) est unique dans les Bauges et serait inspiré des bâtiments d'estive du Jura suisse. Le retour nord-ouest (cuisine et chambre) était utilisé comme relais de chasse par les propriétaires (chasse au lièvre, chevreuil, sanglier). Les alpagistes (un berger et un fromager, personnel exclusivement masculin) dormaient dans le foin au-dessus de la salle de fabrication, avant que la partie relais de chasse ne leur soit cédée. Le toit était en tavaillon, il a été remplacé par de la tôle entre 1946 et 1962. Une source a été captée pour apporter l'eau au chalet dans les années d'après guerre (avec le concours d'un prisonnier allemand).
L'alpage des Turres (ou Thurroz) a été acheté par la famille de l'actuel propriétaire en 1946 (pour 1,5 millions d'ancien francs, en partie remboursés par la coupe du bois). Il appartenait alors à une propriétaire demeurant à Aix-les-Bains, qui possédait une vaste zone d'alpage au nord-ouest du Revard : alpages de la Clusaz et de Crolles (Le Montcel), alpage de de Peysse-Bernard (voir IA73003231). L'alpage des Turres s’étend sur 89 ha, dont 16 à 18 ha de pâturage. Le cheptel comptait 20 vaches, 10 génisses, une quarantaine de chèvres, 10 cochons. Les chèvres montaient les premières, vers le 20 mai, et descendaient les dernières, fin octobre ; les vaches étaient en alpage de fin mai à début octobre. Les vaches étaient rentrées à l'étable tôt le matin pour la première traite, puis remises au pré entre midi et la traite du soir, puis de nouveau sorties pour la nuit. Il faut 2h30 à une personne pour traire vingt vaches.
Le père de famille faisait un aller-retour entre le chalet et le chef-lieu le dimanche, dans un traineau attelé à un cheval (avec un tronc accroché derrière pour freiner la descente, ce qui permettait aussi de descendre du bois) : il descendait le beurre, fabriqué tous les deux jours, et les fromages (après un mois d'affinage) et remontait de la nourriture. Le beurre était vendu dans la commune, les fromages achetés par un marchand.
La fabrication de fromage au chalet des Turres a été arrêtée en 1968 : le pré a été clos et on y montait les génisses. Dans les années 1970, le propriétaire louait les alpages de la Clusaz et Crolles, où il avait jusqu'à 120 vaches (l'alpage de la Clusaz comptait six étables de 20 vaches), ce qui nécessitait six personnes à la traite et permettait de faire deux gruyères de 60 kg par jour (ou un gruyère et des tomes lorsqu'il y avait moins de lait) ; il y avait également des chèvres.
Les alpages de cette zone du Revard étaient traditionnellement exploités par des habitants du Coeur des Bauges, de Doucy (les Turres, la Clusaz, Crolles), des Déserts (Chalet Regairaz) ou la Compôte (Chalets Mermet), plus que par les exploitants des communes du Montcel ou des Saint-Offenge.
(Historique établi à partir des informations données par le propriétaire).
Chercheur au service de l'Inventaire Rhône-Alpes puis Auvergne-Rhône-Alpes (1999- )