La première fruitière de la commune, confrontée à l'individualisme des producteurs qui font "leur fruitière chacun chez eux" alors que les maires des Frasses et de Chainaz soutiennent la création d'une fruitière dès 1865 (cité par Viuz-la-Chiésaz, raconte-moi ton histoire !, p. 115), est fondée vers 1875. Il s'agit d'une fruitière "au tour" ; il y a alors environ 40 porteurs de lait, certains ayant leur tour (pour faire et vendre le fromage) tous les 15 jours et d'autre tous les quatre mois (registre de la fruitière au tour, archives privées ; cité par Gorrex, 2003).
Cette première organisation, dotée en 1886 de statuts sous seing privé, correspond sans doute à la fruitière établie vers 1875 dans une ferme au hameau du Goléron (voir IA74002623). Cette fruitière de hameau, qui rassemble des producteurs de Chainaz et d'Héry, exista sans doute jusqu'à la création de la fruitière du chef-lieu vers 1900.
La seconde fruitière est établie au hameau de Chez Dupassieux. En effet en 1880 les producteurs décident de passer à un système de fruitière avec fabrication et vente du formage par le fruitier : une salle de fabrication et une cave sont édifiées pour cela, sur un terrain cédé sans acte notarié par la famille Dupassieux (voir IA74002611). Ce premier édifice est agrandi en 1890 (date portée) : la salle de fabrication est désormais dotée d'un chaudron de 800 l sur foyer mobile et d'une écrémeuse à moteur thermique. En 1896, la fruitière des Frasses traite 600 kg de lait par jour (par comparaison, celle de Cusy en reçoit 780 et celle d'Héry-sur-Alby 385). Vers 1900, l'édifice est surélevé pour construire l'habitation du fruitier (qui jusque-là occupait des bâtiments loués) au-dessus de la salle de fabrication, desservie par un escalier extérieur en bois, et une porcherie pour 40 porcs est édifiée (non repérée, 2016 A7 814, 828).
Une troisième fruitière, la Société fruitière de Chainaz, ou du Crêt, est établie au chef-lieu en 1904. Elle recueille le lait produit par 31 sociétaires (ils sont 43 dès 1905) au chef-lieu et aux hameaux du Goléron, la Ravière et Gorsy. Le bâtiment est édifié en 1905, avec de la molasse des bords du Chéran ; une porcherie est édifiée vers 1933. En parallèle, de 1922 à 1930, le lait n'est plus transformé à la fruitière des Frasses mais envoyé à la condenserie Mont-Blanc à Rumilly qui organise des tournées de collecte. Dans les années 1930, la tendance s'inverse : la fabrication reprend à la fruitière des Frasses et certains coopérateurs qui livraient au chef-lieu reviennent à la fruitière des Frasses qui est désormais desservie par la nouvelle route des Tréjauds à Grécy, future RD 63 (dessinée vers 1935, élargie et goudronnée vers 1963). En 1932, la fruitière devient Société civile de la Croix Dupassieux, puis en 1938 Société civile fruitière de la Croix Dupassieux.
Après la Seconde Guerre, la fruitière est dotée de statuts de coopérative et la cession du terrain sur laquelle elle est implantée est régularisée devant notaire. En 1961, les deux fruitières (la Société laitière agricole de Chainaz-Chef-lieu et la Coopérative Croix Dupassieux) fusionnent, au profit de la fruitière de Croix Dupassieux, dont dépend dès lors la porcherie du chef-lieu.
En 1973, quatre gros sociétaires décident de quitter la coopérative pour livrer leur lait à celle de Sales, plus dynamique, qui leur propose entre autres l'installation d'un tank, Chez Dupassieux, où le lait porté par ces quatre producteurs est collecté chaque jour. Après 1975, ce sont 10 coopérateurs qui abandonnent la fruitière de Croix Dupassieux au profit de celle de Cusy-la Pallud, où ils sont producteurs "forains" (extérieurs) ; le lait est alors toujours pesé à Chainaz-les-Frasses mais travaillé à Cusy. Par la suite la fruitière de Croix Dupassieux fusionne avec celle de Cusy, qui devient donc propriétaire de tous ses biens meubles et immeubles.
En 1981, le bâtiment de la fruitière de Croix Dupassieux est mis en vente (un prix préférentiel est accordé aux sociétaires) par la fruitière de Cusy ; celle-ci se réserve le droit d'utiliser pendant cinq ans la "cave neuve [du bâtiment]... pour la réception du lait des sociétaires de Chainaz" (désigne peut-être l'actuel garage sous dalle édifié contre le soubassement au nord). L'édifice est réhabilité en deux logements. L'escalier extérieur d'accès au 1er étage, situé devant la façade principale, est supprimé ; un escalier extérieur en bois est ajouté pour l'accès aux combles aménagés en habitation. Les biens immobiliers de l'ancienne fruitière des Frasses comprenaient également l'ancienne porcherie (2016 A7 814, 828, dénaturée) et le terrain de la salle des fêtes, ainsi qu'un autre terrain plus au sud, cédés gracieusement à la commune ou achetés par elle entre la fin des années 1970 et le début des années 1980.
Au début des années 2000, il ne restait que trois producteurs de lait dans la commune, dont la production était achetée par la fruitière de Sales ou par celle de Gruffy (Chabert).
(Historique établi à partir de l'article de Pierre Gorrex pour le Bulletin municipal de Chainaz-les-Frasses, pour lequel ont été consultés plusieurs registres ou carnets de fruitière conservés en mains privées, et de l'ouvrage Viuz-la-Chiésaz, raconte-moi ton histoire !).