Un pont franchissant la Saône à la hauteur de la Mulatière, jonction de la chaussée Perrache vers la route royale du Languedoc, est prévu dès le 1er projet d´Antoine-Michel Perrache de 1766 (cf. DOSSIER Aménagement urbain dit Entreprise Perrache ; SAROCCHI, p. 42-51 ; RIVET, p. 16-17). Dans son projet de 1770, Perrache propose un pont en chêne sur des culées de maçonnerie (AC Lyon : BB 338, fol. 9 ; annexe 1) ; les échevins insistent pour que le pont soit entièrement en pierre : A.-M. Perrache fait la construction à ses frais, reçoit le péage du pont et s´engage à le maintenir en état tant qu´il jouira de ce péage ; la Ville lui verse une indemnité de 250 000 livres, à raison de 10 000 livres par an (AC Lyon : BB 339, fol. 110-112 ; annexe 2).
Les fondements du pont (dit un moment de Bellevue) sont jetés en 1776. Le 16 août 1781, par acte notarié signifié à Mlle Perrache, Chabert, employé à la construction du pont, abandonne les travaux « engagés selon des procédés réprouvés par les règles de l´art ». Ses avis sont négligés (BM Lyon : Fds Coste ms 113 079). Le pont, à 5 arches, long de 120m, est mis en service en décembre 1782 (SAROCCHI, p. 41). Il est emporté par une crue de la Saône en janvier 1783 (BM Lyon : Fds Coste ms 113 079).
P. Sarocchi présente une reconstitution de ce pont : il présente trois grandes arches en anse de panier du côté de la Mulatière, et deux plus petites du côté de la presqu´île ; les arches en pierre, dont les culées reposent sur des rochers, sont appareillées en bossage et de fausses ouïes placées au droit de chaque pile accentue l´effet décoratif.
Le pont, reconstruit en 1792 par Jean-Michel et Jean-Marie Lallier (père et fils) à un emplacement légèrement plus au nord, reste en fonction jusqu´en 1830 (cf DOSSIER Pont de la Mulatière).
L´ordonnance royale de 1826 fixe le cahier des charges de la Compagnie Seguin et Biot chargée de construire le chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon. La construction des ouvrages d´art est soumise à l´approbation du conseil supérieur des Ponts et Chaussées.
Le 4 juillet 1827, le projet de pont suspendu présenté par Marc Seguin est approuvé par le conseil : pont de chemin de fer, il double le pont routier de Lallier, s´appuie sur les 2 piles occidentales subsistantes du pont de Perrache et présente une travée suspendue de 90 m.
En décembre 1827, Seguin propose de remplacer le pont suspendu par un pont fixe à 4 travées de charpente, plus sûr. L´ingénieur départemental Favier rédige un rapport s´opposant à ce changement et rappelant les problèmes causés par l´angle d´implantation d´un pont à arches. Malgré cela, et sans attendre l´avis du conseil supérieur, Seguin commence la construction de son pont et en 1828 propose de fusionner le pont routier et le pont de chemin de fer. Le 13 décembre 1829, une ordonnance royale autorise Seguin à construire un pont fixe à usage de pont routier et de pont de chemin de fer, et à démolir le pont de la Mulatière alors en service ; elle lui accorde la perception du péage pour 50 ans. Le nouveau pont est ouvert en septembre 1830 : c'est un pont en charpente de 8 travées ; chaque travée, de 18m 80 d'ouverture, est composée de 7 fermes en arbalétriers courbes, suivant le système du pont de Serin ; les piles sont terminées par des avants et arrières becs circulaires avec parements en pierre de taille de Villebois ; la largeur du pont entre les garde-corps est de 10m 82, 2m 26 pour le trottoir piéton, 6m 12 pour la voie charretière et 2m 43 pour la voie de chemin de fer (AD Rhône : S 2034). Il reprend les inconvénients du pont Perrache : étroitesse des arches rendant la navigation difficile et réduisant le débouché des eaux. En 1832, le Nouvel indicateur des habitants de la ville de Lyon... indique : " ...On traverse encore la Saône , à l´extrémité de Perrache, au confluent des deux fleuves, sur un nouveau pont en pierre et charpente, qui a remplacé un pont appelé de la Mulatière en bois peu solide. Ce nouveau pont est destiné au passage du chemin de fer de Saint-Etienne à Lyon..." Une partie du pont (une pile et deux arches) est emportée par la crue de 1840.
Marc Seguin installe immédiatement 2 ponts suspendus provisoires, l´un pour le trafic ferroviaire, l´autre pour le trafic routier.
Le 25 février 1841, un rapport de la chambre de commerce demande la reconstruction du pont de la Mulatière selon les exigences nouvelles de la navigation. Seguin présente une reconstruction à l´identique, refusée par les ingénieurs des Ponts et Chaussées.
L´ingénieur Garella propose de supprimer une pile sur deux du pont de 1830 et d´ériger 4 arches métalliques plus élevées. Le 26 mai 1842, la chambre de commerce réitère sa demande de reconstruction du pont. Seguin accepte de reprendre le projet Garella et fait appel à l´ingénieur Antoine Polonceau, spécialiste du pont métallique en fonte depuis la construction du pont du Carroussel en 1834 : système d´arcs de fonte surbaissés, composés de cylindres creux assemblés par boulonnage. Le pont est mis en service en juin 1845. Le Guide de l´étranger à Lyon, de 1847, en donne une description assez précise (annexe 3). En 1854, le pont est élargi à une 2e voie de chemin de fer (AD Rhône. S 2034).
Les exigences de la navigation fluviale impose la surélévation de tous les ponts de Lyon en 1858. Les arcs de Polonceau sont remplacées par une simple superstructure métallique.
Jusqu´en 1914 le pont reste mixte, avec une simple barrière entre la voie ferrée et la voie empruntée par les voitures et les piétons ; à cette date on décide de le doubler : pont routier et viaduc ferroviaire. Après la construction du viaduc ferroviaire (cf. DOSSIER pont dit viaduc ferroviaire de la Mulatière), le pont reste utilisé pour le trafic routier jusqu´à sa reconstruction en 1936. Sa travée centrale, détruite en septembre 1944, est remplacée par une passerelle métallique.
Enfin, après la construction du tunnel de Fourvière et le passage de l´autoroute nord-sud le long de la rive droite du Rhône, la transformation du pont était indispensable : les ponts et chaussées ont choisi de le reconstruire en 1966 et de le doubler en 1972.