Inventaire général en Auvergne-Rhône-Alpes
Présentation

Le service de l’Inventaire général du patrimoine culturel a pour missions le recensement, l’étude et la valorisation du patrimoine régional, selon la politique lancée par André Malraux dès 1964. La compétence de l’Inventaire général, d’abord exercée par le ministère de la Culture, a été transférée à la Région en 2004.
Les études thématiques et topographiques couvrent tous les objets du champ patrimonial et sont restituées dans des bases de données normalisées. Les recherches, photographies, dessins, cartes, bases de données et documentation rassemblés ou produits par les membres du service participent à la connaissance et à la valorisation de ce patrimoine.

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Vue générale du dos de la chasuble
Lumière sur

Construite sous l’impulsion du maire Édouard Herriot, la ferme-école de Cibeins a été conçue comme un lieu d'instruction permettant d'acquérir des compétences professionnelles dans le domaine de l'agriculture. Cette exploitation a alors un double objectif : former les jeunes à l’agriculture moderne et contrer ainsi l’exode rural par la professionnalisation, et développer un pôle agricole susceptible d’approvisionner les crèches et hôpitaux de Lyon en denrées alimentaires, notamment en lait. A la fois école et centre de production, elle a donc vocation à devenir un établissement rémunérateur pour la Ville. Elle a également un objectif social : 30 % des élèves inscrits dans les années 1920 sont orphelins ou pupilles de la nation.

Les bâtiments et les équipements de l'exploitation sont résolument modernes, appliquant au monde rural les concepts du monde urbain et industriel, tels que les a élaborés Tony Garnier. Sobriété, association entre architecture et nature, hygiénisme, séparation des modules de production et de transformation caractérise l'organisation de l'ensemble, strictement géométrique dans sa disposition : corps de bâtiments alignés, parallèles et symétriques par rapport à l'axe central que constitue l'esplanade plantée. Par ses formes et ses matériaux, l'architecture s'inscrit par ailleurs dans le courant régionaliste : moellons rustiques en soubassement, charpentes en bois apparentes.

L’École d'agriculture de la Ville de Lyon à Cibeins, laboratoire de l'enseignement agricole moderne.

En 1918, la Ville de Lyon entre en possession du domaine de Cibeins, comprenant un château, des terres, fermes et dépendances, acheté sur les bonis de la Commission municipale du Ravitaillement, dont les sommes ne pouvaient être versées au budget de la Ville (AC Lyon, 110 WP 018 : Extrait du Registre des délibérations du Conseil municipal, séance du 10 avril 1922). Cette acquisition va permettre au maire Édouard Herriot de réaliser son projet de création d'une école d'agriculture municipale, dans lequel il s'implique fortement. Pour ce faire, la Ville contracte un emprunt de 31 000 000 de francs nécessaires au financement des travaux pour adapter le domaine à sa nouvelle fonction, dont la maîtrise d’œuvre est confiée à Charles Meysson, architecte en chef de la Ville. La première année, des prisonniers de guerre seront employés comme main d'oeuvre (AC Lyon, 22 W>P 319). L'école ouvre dès 1918 ; afin de démarrer au plus vite, la Ville acquiert une grande partie du mobilier et du matériel d'enseignement (outillage, machines, véhicules agricoles) à des particuliers ou à l'armée (AC Lyon, 111 WP 028/2). En décembre 1918, Meysson réalise le relevé de l'existant et établit dans la foulée les plans de l'avant-projet, qui portent la date du 17 janvier 1919 (Ibid. : ill. IVR84_20170100022NUCA et 00023NUCA)

Au printemps 1919, l'introduction de nouvelles matières d'enseignement (géologie agricole, zootechnie, chimie analytique et technologie) nécessite de recruter de nouveaux professeurs, d'acquérir du matériel pédagogique et d'agrandir l'école par la création de nouveaux bâtiments et la réaffectation des fermes faisant partie du domaine ; dans le même temps un plan d'aménagement du parc est élaboré, intégrant la création d'un verger et d'un potager (voir lien web : Programme d'enseignement d'aménagements et d'acquisitions de 1919.pdf, AC Lyon 111 WP 028/2).

Les travaux s'échelonnent de 1919 à 1925. Une partie du bâtiment des dépendances du château est réaménagée et surélevée pour y installer des salles de classe, des dortoirs et un réfectoire. Un pavillon est par ailleurs édifié à proximité pour y installer les douches, la buanderie et le " cercle des élèves " (actuel " musée "). L'administration et les logements de fonction sont installés dans le corps de logis du château.

La création de la ferme modèle

Du 26 au 30 août 1919, la Sous-commission chargée par le Conseil d'administration de l’École de Cibeins d'établir le projet d’aménagement d'une ferme-modèle, se déplace pour un voyage d'étude dans l'est de la France et en Suisse et visite des établissements similaires à la réputation bien établie (Le Rhône, jeudi 4 sept. 1919, p. 1) ; Édouard Herriot est du voyage (AC Lyon, 110 WP 018 : Extrait du registre des délibérations du Conseil municipal, séance du 6 oct. 1919). La commission fait notamment étape à Rouffach (près de Colmar), dont la ferme modèle, adossée à l'asile d'aliénés conçu sur le modèle germanique de l'asile-village (LAGET, P.-L., LAROCHE, C., 2012, p. 461), inspirera celle de Cibeins.

Un nouveau plan de la ferme est établi par Meysson " en tenant compte des desiderata exprimés par la Commission dans la séance du 9 septembre 1919 " (AC Lyon, 110 WP 018). Il propose une disposition générale des différents bâtiments en rectangle, en plaçant la maison du chef de culture en position isolée au centre de l'entrée principale. Les bâtiments doivent se répartir de la manière suivante : 1er bâtiment : maison du fermier, écurie, sellerie, salle d'alimentation, bouverie ; 2e bâtiment : porcherie, poulailler, clapier, magasin à outils ; 3e et 4e bâtiments : vacheries dos à dos, salles d'alimentation ; à droite de l'entrée : laiterie, buanderie ; à gauche de l'entrée : boulangerie et salle d'élevage de poussins (qui peuvent profiter de la chaleur du four). Derrière les bâtiments 1 et 2, 5e bâtiment perpendiculaire avec magasin d'engrais, infirmerie vétérinaire, atelier de préparation mécanique des aliments pour bétail. Un hangar ferme la cour. Un chemin de fer agricole à voies étroites (dit Decauville) doit desservir tous les bâtiments. Les travaux réalisés en plusieurs tranches, s'échelonnent sur les années 1921 à 1925 (AC Lyon, 22 WP 319) ; un plan levé en 1946 (AC Lyon, 2 S 514) témoigne d'une réalisation conforme au projet de Meysson.

L’École d'artisanat rural (1927-1950)

L'apprentissage des métiers du bois et du fer devait permettre aux élèves de l'école d'agriculture de maîtriser les techniques utiles à la fabrication ou la réparation des outils et machines agricoles ; trois sections sont créées : ferronnerie, mécanique, menuiserie. La maîtrise d’œuvre est confiée à l'agence d'architecture lyonnaise Roux-Spitz (voir dossier IA01000578). Dix-neuf promotions se succèdent entre 1932 et 1950, date à laquelle l'école est transférée à Châtillon-sur-Chalaronne (AC Lyon, 978 WP 98).

En 1936, Henri Marcaire, directeur de l'école, réaménage le parc et la roseraie avec la participation de la Société française des roses, dont il était le vice-président (Woss, 2000, p. 350). Une statue élevée dans le jardin de la ferme modèle, à proximité de l'entrée du château, lui en rend hommage (voir dossier IM01001086).

Ferme-école, vue partielle : la boulangerie, en 1987 (actuellement habitation)