Dossier d’œuvre architecture IA07000241 | Réalisé par
Dandel Elisabeth
Dandel Elisabeth

Chercheuse indépendante depuis 2003 auprès des services régionaux de l'Inventaire et de collectivités. A réalisé ou participé en tant que prestataire aux opérations suivantes : " Patrimoine des lycées " (avec la collaboration de Frederike Mulot), 2010-2015, " 1% artistiques ", 2019-2020 (avec la collaboration de Valérie Pamart), " Inventaire topographique de deux communes de l'ancien canton de Trévoux " (Pays d'Art et d'Histoire Dombes Saône Vallée, pour la communauté de communes Dombes Saône Vallée), 2019.

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Guégan Catherine
Guégan Catherine

Chercheuse au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel d'Auvergne-Rhône-Alpes (2006-...)

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  • enquête thématique régionale, Patrimoine des lycées
Collège de Tournon, puis école royale militaire, école centrale, collège communal, collège royal, lycée impérial, lycée de garçons, actuellement lycée Gabriel-Faure
Œuvre monographiée
Copyright
  • © Région Rhône-Alpes, Inventaire général du patrimoine culturel

Dossier non géolocalisé

Localisation
  • Aire d'étude et canton Rhône-Alpes
  • Hydrographies le Rhône
  • Commune Tournon-sur-Rhône
  • Adresse place Stéphane-Mallarmé
  • Cadastre 2007 AM 1
  • Dénominations
    collège, école, lycée
  • Précision dénomination
    collège royal, école militaire, école centrale
  • Appellations
    de Tournon
  • Parties constituantes étudiées
  • Parties constituantes non étudiées
    pensionnat, parc, cour, édifice sportif

HISTORIQUE

1. Introduction

Dès sa fondation, le collège a connu plusieurs implantations au sein de la ville de Tournon.

La tradition veut que, dans l'attente de sa construction, les cours se soient déroulés dans des maisons de la ville aussi bien que dans les locaux du couvent des Carmes, non loin du bâtiment actuel.

Plusieurs annexes étaient nécessaires au fonctionnement de l'institution : écuries, pressoir, menuiserie, forge, sans parler des cuisines et des dortoirs du personnel et des élève. Des jardins destinés à satisfaire les besoins de la communauté des enseignants, élèves, administrateurs et l'ensemble du personnel de service, s'étendaient au sud, au-delà des fortifications (en 1714, cette communauté ne comptait pas moins d'une soixantaine de religieux et presque autant d'élèves. AD Ardèche, C 1538).

2. Au temps du cardinal de Tournon (1548-1562)

François de Tournon (1489-1562) a 47 ans lorsqu'il décide la fondation du collège. Cardinal en 1530, archevêque de Lyon l'année suivante, il s'était distingué lors de la négociation de la paix de Madrid en 1526, marquant une trêve des conflits entre François 1er et Charles Quint, ainsi que sur ses positions marquées contre la religion réformée. Habile homme politique et fin diplomate, il oeuvre aux côtés de François 1er jusqu'à la mort de celui-ci en 1547. Attaché à sa ville natale, le cardinal de Tournon la dote d'un collège dans lequel l'enseignement serait dispensé gratuitement.

Dès l'origine de sa fondation, le cardinal de Tournon place le collège sous l'appartenance de sa famille, ainsi que de celle de ses successeurs, les seigneurs de Tournon auxquels appartint le prince de Soubise (A.D. Ardèche, D14), dont le nom apparaît dans la dédicace rapportée sur la façade principale du collège. Fondé en 1536, reconnu officiellement par François Ier en 1542, ce qui en fait le deuxième collège royal de France après celui de Paris, institué en 1530, le collège est bâti à partir de 1548 (date portée sur le soffite de l'entablement du registre supérieur du portail d'entrée ; voir IM07001412, fig.9). Le plan et les élévations sont sans doute l'oeuvre de l'architecte italien Sebastiano Serlio (Bologne, vers 1480 - Fontainebleau, vers 1554), qui a auparavant travaillé pour François 1er à Fontainebleau (voir Frommel, S., 2002). Il est probable que François de Tournon l'a rencontré lors de l'inauguration de l'hôtel particulier d'Hippolyte d´Este à Fontainebleau, le Grand Ferrare, en 1546.

A l'avènement de Henri II en 1547, François de Tournon est pour un temps exilé de la cour et revient à Tournon. C'est à cette date que se décide la construction du collège et qu'il fait appel à Serlio, lequel séjournait alors à Lyon où il avait suivi Hippolyte d'Este. Serlio travaillera également pour le cardinal au château de Roussillon, et organisera son entrée solennelle à Lyon en 1552.

Le chantier démarre probablement en 1548 (date portée sur le portail du collège) et les travaux sont en grande partie achevés en 1554. Entre temps, le collège avait été érigé en Université de philosophie et des sept arts par bulles papales de Jules III et par lettres patentes de Henri II en 1552. C'est à cette date de 1552 que l'architecte Jean Vallet est qualifié de "maître de la fabrique" du collège de Tournon dans un acte passé à Roussillon, où le cardinal fait ériger son château. Il ne portera cependant le titre d'architecte du cardinal qu'à partir de 1561, et il semble peu probable que puissent lui être attribuées " les nouveautés en matière de distribution, de techniques de construction de composition et de décor " que l'on retrouve dans ces deux édifices (N. Mathian in Revue du Vivarais, CVII n°1, 2003). Il ne faut donc sans doute voir en lui qu'un exécutant du projet de Serlio, sans que l'on puisse préciser à partir de quand il intervient sur le chantier du collège. Le cardinal séjournant en Italie de 1549 à 1552, il est fort possible que Vallet n'ait été sollicité qu'à compter de son retour.

Le plan de Serlio est connu par un plan d'état des lieux du rez-de-chaussée réalisé vers 1570 par les jésuites, qui avaient pris la direction du collège (voir ci-dessous), conservé dans le Recueil ... contenant tous les Plans originaux des Maisons, Eglises qui appartenoient à la Société des Jésuites avant leur abolition de la Bibliothèque nationale de France (t. XVI ; Vallery-Radot n°736). On y distingue, au sud des bâtiments, le rempart de la ville ainsi que son fossé dont les eaux rejoignent celles du Rhône.

Plan du collège au 16e siècle, v. 1570 (B.n.F., Est.FT4-HD-4(16))Plan du collège au 16e siècle, v. 1570 (B.n.F., Est.FT4-HD-4(16))

De plan rectangulaire, il est constitué de quatre corps de bâtiments organisés autour d'une cour bordée sur ses largeurs (côtés est et ouest) de galeries à portiques, deux escaliers rampe sur rampe étant situés aux angles sud-ouest et nord-est.

Bâtiment A. Cour d´honneur, élévation nord.Bâtiment A. Cour d´honneur, élévation nord.

L'entrée principale est positionnée au centre de l'aile ouest ; une entrée secondaire, côté Rhône, assure la communication avec un petit corps de bâtiment abritant l'écurie. Au nord, un jardin potager longe le bâtiment et est clos de murs. Juste derrière est mentionné l'emplacement d'une chapelle, dite "chapelle de Madame", qui sera emportée lors d'une crue du Rhône, en 1577. A l'est enfin, jouxtant les écuries, un galerie relie l'aile est à une tour surplombant le fleuve, dans laquelle sont aménagées les latrines (voir annotations sur le plan de 1577 ci-dessous). On remarque également dans l'angle supérieur gauche du dessin deux petites maisons dépendant du collège dont l'une porte la mention "cellier du collège" et l'autre "l'estable du collège ".

Ce plan est complété par un plan à main levé daté de 1577, dont les annotations permettent de connaître la distribution et l'organisation fonctionnelle du collège (voir ci-dessous).

3. Au temps des jésuites (1560-1763)

Devant la montée en puissance de la religion réformée, le cardinal de Tournon fait appel à la Compagnie de Jésus pour prendre la tête de son collège et assurer un bastion efficace contre les idées luthériennes.

Par contrat du 6 janvier 1560, le cardinal fait ainsi don aux jésuites des bâtiments du collège et des revenus qui lui sont affectés. La donation entérinée par un arrêt du Parlement de Toulouse du 14 février 1561 (AD Ardèche, D 13) et par lettres patentes du roi Charles IX le 15 juillet 1561 ; elle est renouvelée et complétée en 1562, quelques mois avant le décès de ce dernier (AD Ardèche, D 14).

Les jésuites vont opérer des transformations dès leur arrivée, dans un premiers temps dans les locaux existant, ce dont témoignent deux plans conservés à la Bibliothèque nationale de France, puis en construisant de nouveaux bâtiments vers le sud au cours du 17e siècle.

3.1. Réaménagement du collège

La cour est pavée de larges dalles en pierre de mollasse organisées autour d'une aire centrale plus restreinte couverte de petits cailloux de rivière : " L´aire de cette cour est sablée tout autour, en cadette de pierre dure, et le milieu en petits cailloux de rivière " (AD Ardèche, D 72, article 5). Le campanile de l'entrée reçoit en 1583 une nouvelle cloche destinée à sonner les heures, tant pour les élèves que pour les habitants du quartier, installée grâce à la contribution de plusieurs habitants de Tournon (AD Ardèche, D 37).

Un plan établi avant les travaux d'extension vers le sud, en 1577, permet de connaître la distribution des quatre corps de bâtiments. Les annotations portées sur le plan décrivent essentiellement la distribution des étages.

Collège de Tournon : plan d'état des lieux, coté, v. 1575. B.n.F., Est., FOL-HD-4 (9))Collège de Tournon : plan d'état des lieux, coté, v. 1575. B.n.F., Est., FOL-HD-4 (9))

L'aile ouest comprend, à gauche du grand portail : la conciergerie et le four (étonnemment positionné à et emplacement), puis la salle de classe de troisième, à droite du grand portail : deux salles de classe : la quatrième et la cinquième ; au premier étage se trouvent des chambres et la salle de récréation (au-dessus de la classe de quatrième) ; les deuxième et troisième étages comprennent essentiellement des chambres, dont deux au troisième sont pourvues de deux cabinets d'étude ; le pavillon de l'horloge avec sa cloche surmonte le tout. Au total, ce sont 18 chambres qui occupent ce corps de bâtiment.

L'aile est est essentiellement occupée au rez-de-chaussée par des salles de classes, au nombre de quatre : une classe seconde et de première, une classe de de physique, et une regroupant la théologie, la logique, et la physique mathématique. Celles-ci ouvrent directement sur la cour, et occupent une surface supérieure à celle des étages, car la galerie a été supprimée. La disposition est ainsi comparable à celle de nombreux collèges jésuites, dans lesquels les salles de classes ouvrent directement sur la cour qui leur est dédiée. Les trois étages sont occupés chacun par quatre chambres, soit 12 en tout.

L'aile sud est occupée au rez-de-chaussée par la cuisine et le réfectoire, un grand escalier occupant l'extrémité ouest ; un petit couloir a été créé sur la longueur de la cuisine afin de ménager au accès direct au réfectoire depuis une porte ouverte au niveau du départ de l'escalier : en effet, aucun accès au réfectoire n'est possible depuis l'extérieur ; une seconde porte assure la communication entre cuisine et réfectoire. Jouxtant le réfectoire, dans l'aile est, la crédence (ou garde-manger) précède la galerie conduisant aux latrines. Au premier étage se trouvent une "sartorie" (atelier du tailleur) et l'infirmerie avec une chambre attenante, qui peuvent servir à loger des étrangers de passage en l'absence de malades. Au deuxième, la bibliothèque occupe la même surface que la cuisine, le reste est affecté à deux chambres ; au troisième se trouvent une chambre et un grand galetas, à l'aplomb du réfectoire.

L'église ferme la cour du collège au nord et s'élève sur une hauteur de deux niveaux. Au-dessus de l'église se trouvent des chambres.

Les circulations sont assurées par des galeries (ou couloirs dans les étages) qui longent le pourtour de la cour, sur trois côtés au rez-de-chaussée, sur quatre dans les étages ; des portes les ferment à chaque extrémités, sauf au dernier étage.

En 1606, en vertu d'un contrat passé entre les jésuites et Just-Louis de Tournon, neveu du cardinal (AD Ardèche, D 14), le collège est érigé en "grand collège" et le nombre de ses enseignements augmentés de " la Langue hébraïque, de mathématique et Philolosophie entière et parfaite et des autres sciences " (Ibid., fol. 2), augmentant ipso facto le nombre des régents chargés de ces enseignement. Par ce contrat, Just-Louis de Tournon s'engage à verser une rente annuelle de 4000 livres au collège.

3.2. Extension des bâtiments et construction d'une nouvelle église

Entre 1673 et 1714, les jésuites font édifier l'actuelle chapelle et agrandissent l'établissement par la création d'une seconde cour au sud, autour de laquelle s'organisent trois ailes à un étage. L'aile occidentale est entièrement dédiée à la desserte de la nouvelle église, tant au rez-de-chaussée qu'au premier étage ; elle bute contre la façade sud du bâtiment de Serlio. L'aile orientale, qui s'appuie sur la façade sud du bâtiment en équerre abritant les latrines, accueille au rez-de-chaussée la cuisine, l'office et au 1er étage, l'infirmerie ; elle court le long du Rhône ; c'est elle que l'on observe sur l'aquarelle de 1706, à gauche de la tour circulaire.

Vue générale en 1706 (B.n.F., Est., 1032 Va 7T2)Vue générale en 1706 (B.n.F., Est., 1032 Va 7T2)

Enfin l'aile sud, qui ferme la cour, est occupée au rez-de-chaussée par la sacristie, la pharmacie, reliée au jardin du collège où sont cultivées des plantes médicinales (AD Ardèche, D 32), la boulangerie et le 1er étage par des chambres destinées aux personnes étrangères au collège. A lire le plan conservé aux archives départementales de l'Ardèche, daté de 1776 (voir ill. ci-dessous), il semblerait que les classes aient été transférées par les jésuites dans ces nouveaux bâtiments, puisque les plus anciens sont désignés sous le terme "logement des jésuites" et que la nouvelle cour ait été occupée par un "jardin des plantes" ; un jardin potager jouxte le collège au sud, à l'emplacement des anciens murs de la ville, abattus à une date inconnue (probablement lors de la construction de l'église, dont les fondations s'appuient en partie dessus) et une terrasse a été construite au bord du Rhône, dans le prolongement de la nouvelle aile est.

Plan des bâtiments, cours et jardins du collège, 1er octobre 1776 (AD Ardèche, D 121)Plan des bâtiments, cours et jardins du collège, 1er octobre 1776 (AD Ardèche, D 121)

Les travaux entrepris entre 1673 et 1714 concernent aussi bien l'église que ces corps de bâtiments, même si l'on n'a que des bribes d'archives à propos de ces derniers.

La salle des déclamations, où sont organisées des cérémonies publiques (joutes oratoires, distributions de prix, représentations théâtrales) n'est pas localisée. Son existence ne fait cependant pas de doute, car elle est de règle dans tout collège jésuite. Un spectacle y est donné en 1662 dans le cadre des réjouissances organisées au collège pour la naissance du Dauphin (AD Ardèche, 1 Mi 242).

3.3. L'incendie de Pâques 1714

En 1714, le collège est frappé par un incendie qui en détruit une grande partie.

C'est le 3 avril, veille de Pâques, que le feu éclate dans l'une des chambres des combles du logis construit le long du Rhône. Ce soir-là, à 21 heures, les témoins voient les flammes s'élever de la toiture et très vite se propager à cause du vent qui soufflait fort. Le sens du vent devait être sud-nord, car il embrase la toiture de l'ancienne église, construite au nord à l'extérieur de l´enceinte du collège, sur une place. L'église est proche de celle du couvent des Carmes, c'est dans celle-ci que les instruments du culte et autres objets précieux sont rapidement transférés, à défaut de pouvoir sauver les combles du bâtiment en flammes.

Nous avons vu que ce toit à croupes, dit 'à la française', abritait directement des chambres éclairées par des lucarnes. C'est de ces lucarnes que les flammes ont dû s'échapper, avant de venir à bout des tuiles et des poutres qui s'écrasaient dans la cour intérieure et sur la place à l'ouest. L'incendie saute´ de toit en toit ; les étages inférieurs résistent, permettant aux sauveteurs de s'aventurer dans les pièces du rez-de-chaussée et du 1er étage pour jeter par les fenêtres ce qui peut être sauvé. En effet, l'incendie gagnant en puissance et en rapidité (selon les témoignages, il lui fallut moins d'une heure pour embraser toutes les toitures, y compris celle de l'ancienne église), des coupe-feux furent impossibles à ménager dans la toiture, qui s'avéra - du fait de sa conception - inaccessible.

Las, croyant sauver meubles et ouvrages insignes de la bibliothèque cardinalice, les bénévoles constatèrent impuissants la débâcle. Ce temps de Pâques était le temps de foire du Vivarais ; nombreux étaient les forains et marchands venus installer leurs étals à proximité du collège, puisqu'il semble, d'après un témoignage, que la foire devait se dérouler le lendemain 4 avril 1714, sur la place toute proche (actuelle place Stéphane-Mallarmé). Toutes sortes d´individus étaient attirés par ces manifestations tant commerciales que festives, aussi quelques-uns virent comme une aubaine tous ces 'trésors' jetés à bas du bâtiment sans ménagement ; ils prirent ce qu'il y avait à prendre, sans autre forme de procès. Ce que voyant, les jésuites publièrent quelques jours plus tard un monitoire afin de récupérer autant que faire se peut quelques biens ainsi dérobés.

Si l'ancienne église brûla, la nouvelle en cours de construction et pratiquement terminée, dressée au sud ouest du bâtiment, fut épargnée. On peut supposer qu'il en fut de même de tous les bâtiments entourant la seconde cour, ainsi qu'une bonne partie du bâtiment 16e, particulièrement son logis sud-est. Touchés par la toiture (qui était 'd´une hauteur prodigieuse', comme en témoigne le père Benoît de Saint Joseph, provincial du couvent des Carmes, AD Ardèche, C 1538), les bâtiments semblent avoir résisté par les plafonds intermédiaires. En effet, les témoins indiquent que neuf planchers (soit plafonds) étaient encore en place à l'extinction des flammes, mais qu'il fallut les mettre à bas pour éviter leur pourrissement par la pluie. On peut supposer qu'avec ces planchers, dont on ignore l'implantation, subsistèrent une bonne hauteur de murs, peut-être au-dessus du 1er étage, voire du 2e. Toujours est-il que les murs furent remontés sur près de 6 mètres de hauteur (AD Ardèche, D121, pièce 53/627).

Une gravure du 19e siècle montre le parti pris pour son couvrement. Au-dessus du 3e étage, la partie supérieure des murs correspondant aux combles ouvre sur des œils-de-bœuf ; le toit offre une pente plus douce, permettant un meilleur accès. La chapelle au nord n'a pas été remontée, seul subsiste la partie basse de ses murs. Une autre gravure d´avant 1840 (d´après le dessin de Max Monier de la Sizeranne, Médiathèque de Valence), montre une vue du collège prise le long de la berge du fleuve, depuis l'abreuvoir, au sud du collège. On y voit clairement le bâtiment sud fermant la seconde cour, au fond le haut mur sud du bâtiment 16e reconstruit après 1714 avec ses œils-de-bœuf sous la toiture, éclairant les combles. A l'ouest, se dresse le clocher de l´église, terminé en octobre 1714 et un peu plus loin la toiture du beffroi de l'entrée monumentale, reconstruit après 1714.

Le lycée en 1860 [sic]. Reprod. photogr. du dessin de Max Monier de la Sizeranne (salle des actes du lycée)Le lycée en 1860 [sic]. Reprod. photogr. du dessin de Max Monier de la Sizeranne (salle des actes du lycée)

4. Au temps des oratoriens (1776-1819)

La lutte menée contre les jésuites tout au long du 18e siècle aboutit à leur expulsion du royaume en vertu de l'arrêté pris par le Parlement de Paris le 23 avril 1762. Le Parlement de Toulouse, dont Tournon dépend, ordonne la même année la saisie de leurs biens (un inventaire en est alors dressé, AD Ardèche, D 32) : ils cessent d'administrer le collège en février 1763 et quittent la ville deux mois plus tard.

Pendant une quinzaine d'années, le collège est géré par un bureau d'administration nommé par le Parlement de Toulouse. Mais son organisation administrative est loin d'être adaptée aux besoins de l'institution ; les enseignants, sous la houlette d'un principal aux pouvoirs restreints et à l'influence relative, ne donnent pas entière satisfaction, même si l'établissement entame une période de redressement à partir des années 1767, avec le renouvellement de la quasi-totalité des enseignants (Julia, 2005, p.150). Lorsque le père Laurent d'Anglade, oratorien, est nommé supérieur du collège, la nouvelle est accueillie avec soulagement (AD Ardèche, D118, Mémoire).

Outre l'accueil des élèves traditionnels, le collège reçoit à partir de 1777 une section de l'Ecole royale militaire 1, décidée par lettres patentes de Louis XVI (AD Ardèche, C 1538). Les oratoriens héritent donc d'un établissement qui a connu de grandes heures, réputé pour la grande qualité de son enseignement. Ils prennent cependant possession d'un ensemble patrimonial dans un état médiocre, comme le montrent les procès-verbaux d'installation dressés en 1776.

Sous la direction du père d'Anglade, les oratoriens projettent un grand aménagement immobilier pour doter l'établissement des bâtiments utiles à l'accueil de plus d´une centaine d´élèves. En effet, les jésuites logeaient leurs pensionnaires en dehors du collège (Dufaud, 1980, p.46), et les bâtiments avaient été vendus en même temps que le reste de leurs biens. Les oratoriens vont faire dresser deux plans, l'un présentant l´état actuel du collège, l'autre les extensions souhaitées (AD Ardèche, D 121). Ce projet fait l'objet d'études et de contrôles avant d'être accepté et financé par les Etats du Vivarais. Les dépenses sont estimées à la somme de 100 000 livres (AD Ardèche, D 118). Toutefois, la communauté est autorisée à emprunter le double (AD Ardèche, D 72, Pièce 141).

Une série d'échanges et d'acquisition de terrains est décidée par lettres patentes, afin de libérer les tènements nécessaires aux extensions désirées (AD Ardèche, D 118, pièce 78), qui s'étendront sur le terrain appelé alors "le champ des Carmes" et appartenant à la communauté du même nom. Elles sont pensées pour pouvoir accueillir 200 élèves. Le projet, ambitieux, est rapidement considéré avec méfiance par les oratoriens eux-mêmes (AD Ardèche, D 72, pièce 141. Voir en annexe).

Plan des bâtiments, cours et jardins du collège de Tournon, 2e feuille, 1776 (AD Ardèche, D 121)Plan des bâtiments, cours et jardins du collège de Tournon, 2e feuille, 1776 (AD Ardèche, D 121)

A la veille de la Révolution, seul le grand bâtiment à deux ailes perpendiculaires, destiné au pensionnat, s'élève au sud de la chapelle, bien visible sur le plan projeté de 1776, lettres E et F. Les travaux sont réalisés entre 1777 et 1783 ; une convention passée avec le marquis d'Uzès autorise les oratoriens à extraire des pierres des carrières de Crussol et Chateaubourd (AD Ardèche, D 126 et 127). Les extensions prévues plus au sud ne seront jamais construites. Ces embellissements sont ainsi décrit dans la réponse à l'enquête de 1792 du Comité d'Instruction publique sur les établissements d'instruction : " Sa position sur la rive droite du Rhône, l'étendue de ses bâtiments, ses terrasses, ses promenades couvertes d'arbres et ses jardins immenses attenant à l'édifice et clos de murs en font le lieu le plus avantageux pour l'éducation et les exercices en tout genre des élèves qui sans même sortir jouissent des avantages de la campagne et de l'air le plus pur et le plus salubre " (AN, F/17/1311, dossier 7 pièce 47).

La colonnade classique qui orne la façade sud, ouvrant sur le parc, est élevée dans les premières années du 19e siècle ; ses fondations reposent sur des pilotis, en raison de la nature sablonneuse du terrain (Dufaud, 1980, p.47). La bibliothèque historique et le corps de bâtiment est du quadrilatère d'origine, sur le Rhône, conservent des aménagements que l'on peut sans doute dater des premières années du 19e siècle.

Faisant figure d'exception, le collège est l'un des rares établissements d'enseignement à s'être maintenu ouvert pendant la Révolution. Devenu en l'an IV un pensionnat privé, il accède au statut d'école centrale du département le 26 germinal an VII / 15 avril 1799 (JULIA, D., 2002, p. 3). Tenus en haute estime dans les milieux patriotes, les oratoriens ne sont guère inquiétés pendant la période révolutionnaire. Leurs succès pédagogiques et leur sympathie envers les idées nouvelles leur assurent une certaine sécurité et leur permettent de continuer leur enseignement, tout en ayant toutefois renoncé à leur statut et prêté serment à la Constitution. Ils demeurent à la tête du collège jusqu'en 1819, date à laquelle le collège-pensionnat devient un collège royal.

5. Du collège royal au lycée Gabriel-Faure (1819 à nos jours)

En juin 1819, le Père Verdet, directeur, démissionne, le roi Louis XVIII "adopte" le collège. L'histoire institutionnelle du collège s'inscrit par la suite dans celle des établissements d'enseignement de la République : l'établissement prend définitivement le nom de lycée en 1848. En 1855, il est rattaché à l'Académie de Grenoble. Enfin, en 1885, suite à la création du lycée de jeunes filles (actuel collège Marie Curie), le lycée prend le nom de lycée de garçons.

Il connaît encore une succession de travaux : l'actuel bâtiment B, bâti le long du Rhône en prolongement du bâtiment A de Serlio, est érigée vers 1866, et probablement par l'architecte du collège impérial de Tournon, Louis Besset ; cette construction intervient vraisemblablement en même temps que l'aménagement du quai Gambetta (actuel quai Charles-de-Gaulle).

Bâtiment B. Façade sur cour intérieure sud, 19e siècle.Bâtiment B. Façade sur cour intérieure sud, 19e siècle.

Une carte postale du début du 20e siècle sans doute (Givors, maison du Fleuve Rhône, Fonds Dürenmatt n°1454) le montre couvert d'un toit à longs pans brisés avec lucarnes à fronton ; il a été remplacé ultérieurement par un toit à deux pans). Ce n´est qu´en 1848 qu'est bâti un pont suspendu, grâce à la technologie de l'ingénieur tournonais Seguin. L'emprise de ce pont, décidé à l´emplacement de l'ancien bac à traille qui relia durant des siècles les villes de Tain et de Tournon, arrive au droit des bâtiments construits au nord du bâtiment du 16e siècle. On a vu qu'en cet endroit se dressaient dès le 16e siècle chapelle et édicules ; au 19e siècle, s'élèvent proche de la rive le bâtiment de l´économe (qui n´est autre que le bâtiment visible sur l´estampe de 1706) et une chapelle protestante, qui occupe le rez-de-chaussée de l'ancienne chapelle du collège, ou du moins son emplacement primitif. Ces deux édicules doivent être rasés pour laisser passer la route et faciliter l´accès au pont (A.D. Ardèche, 2 S 30_12 : projet de pont suspendu : affaire du collège de Tournon, 1846-1848, descriptif avec plans). La route, alors Route nationale No 86 allant de Lyon à Beaucaire, passe à l'ouest du bâtiment ; c´est l'actuelle rue Thiers.

La destruction de ces édicules entraîne la révision de la façade nord, qui depuis la construction du collège dans le 2ème quart du 16e siècle avait été constamment masquée par des bâtiments accolés. Le devis des ouvrages à faire pour régulariser la façade nord-ouest du bâtiment principal ainsi que la description des travaux à faire et mode de construction sont dressés par l´architecte du lycée, Tevenet, le 12 juin 1849, qui constate : avant la construction du nouveau pont suspendu sur le Rhône, la façade nord-ouest du bâtiment principal du lycée était masquée en partie par l'oratoire protestant et par le bâtiment comprenant le logement de M. l'économe et en partie par un haut mur de clôture, depuis la suppression de ces constructions cette façade est devenue la partie la plus apparente des bâtiments, soit que l'on descende par le Rhône, soit que l'on passe sur la route nationale de Lyon à Beaucaire qui se présente perpendiculairement à cette face au pied de laquelle elle tourne en s'inclinant à l'ouest, soit enfin que l'on arrive par le nouveau pont suspendu. L'irrégularité de cette façade, l'état de dégradation qu'elle présente (dont peut donner une idée le dessin ci-joint) frappent péniblement la vue : aussi a-t-on reconnu la nécessité de faire disparaître ces inconvénients qui ne doivent pas paraître sans importance pour un établissement du genre de celui dont il s'agit ici. Les travaux sont confiés par adjudication à l´entrepreneur Enard (A.D. Ardèche, T 4195, travaux 1849-1924).

L'aménagement du quai entre le pont suspendu et celui construit plus au sud entraîne de nouvelles destructions le long des façades orientales du collège. Sur les plans de 1847 s'observait clairement un mur de clôture bâti le long du fleuve, conforme aux aménagements d'origine. Toutes les constructions subsistantes le long du Rhône sont rasées après 1861 pour laisser place au quai architecturé (quai Gambetta puis quai Charles-de-Gaulle) et faciliter l'accès au pont routier. Ce dernier est l'actuel pont Gustave-Toursier, pont à câble suspendu inauguré en 1958.

Quelques modifications intérieures sont également réalisées dans les années 1840, afin de mettre les locaux d'enseignement en conformité avec les nouveaux programmes. Des cabinets d'histoire naturelle, de physique et de chimie, ainsi qu'un laboratoire et amphithéâtre, sont installés au 1er étage de l'aile ouest de la cour d'honneur, perpendiculairement à l'actuelle bibliothèque historique (AD Ardèche, T 3497 ; voir ill. IVR84_20160700019NUCA).

En 1894-1895, un petit théâtre est construit par le personnel du lycée pour les élèves, dans le fond du réfectoire (AD Isère, 21 T 792), dont une carte postale ancienne conserve le souvenir (ill. IVR84_20220700168NUC).

Côté parc, deux nouveaux bâtiments (bâtiment D et E) s'ajoutent au lycée en 1963-65 : construits en béton armé par Georges Bovet (1903-1980, Premier Second Grand Prix de Rome en 1931, nommé architecte en chef du lycée de Tournon en 1954), peints de blanc et de bleu ciel, ils accueillent l'un l'internat, l'autre les laboratoires de sciences. Ce sont, avec le gymnase, les dernières constructions. L'établissement aura connu près de quatre siècles de constructions, tout en conservant et maintenant au gré des bouleversements de l'Histoire, sa vocation d´enseignement.

Un projet est en cours pour la construction d'un nouveau bâtiment, plus adapté à l'enseignement technique, en lieu et place du bâtiment D et qui fera une meilleure liaison avec le bâtiment B.

Ce n'est qu'en 1967 que le lycée de garçons prend sa dénomination actuelle : lycée Gabriel-Faure, en hommage à l'homme de lettres tournonais, lui-même ancien élève. Bien que résidant à Paris, passionné de l´Italie, Gabriel Faure (1877-1962) ne manque pas une occasion de servir le lycée. Ses interventions facilitent la protection de certaines parties de l´établissement au titre des Monuments historiques : classement le 23 mars 1925 du portail d'entrée avec fronton et façade de la chapelle ; inscription du lycée le 27 septembre 1937. Gabriel Faure obtient que le projet du troisième pont sur le Rhône soit décalé un peu plus au sud, épargnant ainsi le parc d'une amputation drastique : le pont Gustave-Toursier sera bâti en 1958 à l'emplacement actuel. C'est encore Gabriel Faure qui demande l'érection d'un monument en l'honneur du Cardinal de Tournon. La statue sera inaugurée en 1924 (A.D. Ardèche, T 4195).

DESCRIPTION

1. Situation

François de Tournon fait construire son collège sur l'emplacement d'un ancien marché situé dans l'enceinte de la ville, au sud, au bord du Rhône et à proximité immédiate du couvent des Carmes ainsi que du bac à traille permettant la traversée du Rhône pour se rendre à Tain.

2. Inscriptions, plaques commémoratives et monument aux morts

Sur le portail, trois inscriptions :

Devise de François de Tournon : NON QUAE SUPER TERRAM (non aux biens de ce monde)

Armoiries de François de Tournon : parti, d´argent semé de fleurs-de-lys, de gueules au lion d´argent.

Dédicace latine apposée par le prince de Soubise en 1767 : COLLEGIUM TURONENSE / FRANC. TURNO CO RE CAR. / CONFIRM. AN. MDCCLXVII / SUBAUSBIDII ET STUDELA / CAROLI DE ROHAN / FUN AN MDXLVIII / SERENISSIMI PRINCIPIS / SOUBISE TURNON. COMITIS

Appellation du lycée posée en 1967 : LYCEE GABRIEL FAURE

Dans la cour d'honneur :

- sur le mur est : Monument aux morts des guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945

- dans la galerie nord : plaque commémorative de Josué de Clervaux

3. Les bâtiments

L'imposant bâtiment est constitué d'un vaste rectangle de 174 pieds sur 111 (56,51 m sur 36,05). Les caractéristiques italiennes se révèlent dans la disposition de la cour et l'aménagement du portail triomphal. Quatre ailes entourent une grande cour rectangulaire aux petits côtés rythmés par un portique voûté en arêtes reposant sur de puissants piliers. Un vestibule d'entrée conduit à un long couloir étroit ouvrant sur les pièces de l'aile d'entrée ; l'aile surplombant le Rhône est distribuée de même (cette disposition a totalement disparu, le rez-de-chaussée des deux ailes ayant subi un fort remaniement ; par contre à l'étage on retrouve le principe du couloir éclairé sur la cour desservant les pièces donnant sur la rue ou sur le Rhône). Les deux escaliers à rampe droite sont dans une disposition typiquement italienne, car situés aux angles de l'édifice.

Le portail d'entrée révèle la main de Serlio, particulièrement dans le mélange des ordres dorique et rustique du registre inférieur, avec des colonnes en bossage un-sur-deux, qui se manifeste également dans la composition impeccable et un art consommé du détail.

Bâtiment A. Façade occidentale, 16e et 18e s.Bâtiment A. Façade occidentale, 16e et 18e s.

L'arc en plein cintre repose sur des piédroits massifs traités à la rustique ; il s'inscrit entre deux colonnes engagées au quart portant un entablement à corniche saillante, au-dessus de laquelle s'élèvent le registre supérieur, d'ordre ionique, et le fronton. L'arc lui-même est traité en puissant bossage rustique dont la surface se caractérise par un relief accusé. Un tambour sur deux des colonnes est traité en bague de bossage. Les éléments se succèdent dans un rythme important, induit par la hauteur relativement modeste du portail. Le chapiteau dorique est coincé entre le dernier tambour rustique et l'entablement ; les claveaux de l'arc soulignent les lignes horizontales de la composition. Un entablement dorique couronne le premier registre du portail.

Les chapiteaux doriques sont rehaussés d'un gorgerin à feuilles d'acanthe et une échine garnie d'oves en fort relief ; le tailloir est sculpté de fins méandres et sur les angles de sa face inférieure éclosent des fleurs circulaires. Dans son Ottavio Libro, Serlio décore les échines et les gorgerins de petites cannelures, d'oves et dards et de motifs végétaux. Les modèles antiques sont largement cités, dans une grande liberté.

Piédroits et colonnes s'élèvent à partir d'un socle lisse, indice révélant encore la main de Serlio. La clef et la contreclef de l´arc sont prolongées par trois claveaux qui interrompent l'architrave de la frise pour monter jusqu´au niveau de la corniche. Les claveaux, plus décoratifs que fonctionnels, forment un motif en éventail qui équilibre les ressauts des côtés, au-dessus des colonnes.

Sur l'architrave ornée de deux fasces, Serlio est fidèle au vocabulaire de l'ordre dorique : frises et métopes ornées de bucranes et de patères à rosette centrale. Le soffite est divisé en compartiments carrés, décorés de gouttes, de pointes de diamant et de roses. Au centre, le carré est timbré de la date 1548.

Le portail du collège de Tournon est l'exemple le plus précoce connu du style tardif de Serlio, dont les modèles sont publiés dans le Libro Straordinario en 1551.

Au-dessus, se dresse sur une haute plinthe un édicule architecturé constitué d'un fronton supporté par deux colonnes ioniques. (Sur la face de la corniche a été fixée l'inscription en lettres capitales portant le titre du lycée.) L'espace entre les colonnes présente un rythme ternaire marqué par deux niches étroites dont le cul-de-four est orné d'une coquille peinte en trompe l'oeil accueillant autrefois une statue flanquant une plaque rectangulaire ornée d'un bas-relief sculpté et polychrome. De nuées desquelles dardent des rayons tombe une manne célébrée par deux mains ; un phylactère rouge porte la devise de François de Tournon avec en dessous le chapeau de cardinal partiellement bûché au niveau des pompons surmonte un cuir découpé timbré des armoiries du fondateur du collège.

Ni les proportions ni les détails ne sont compatibles avec le style de Serlio, laissant supposer que cette partie du portail est l'oeuvre d'une autre main.

Il est fort possible que Serlio ait livré le plan général et le dessin des élévations du collège au cardinal de Tournon, qui l'a approuvé, puis ait présidé au lancement de la construction, la supervisant au moins jusqu´à l'élévation complète de la partie inférieure du portail. Il est possible qu'il ait ensuite laissé le chantier sous la direction d'un maître d´oeuvre, avec ordre de suivre ses plan et recommandations à la lettre, se fondant sur des maquettes à grande échelle et des dessins de détail (Frommel, S., 2002, p. 310 et svtes).

Selon le plan du 16e siècle, le bâtiment de Serlio était unique (c'est l'actuel bâtiment A), et accompagné sur sa façade nord de jardins qui faisaient la liaison avec une chapelle ; la façade le long du Rhône, sur laquelle ouvre un portail au nord-ouest, donne sur une cour intérieure fermée d'un haut mur et par un bâtiment à 5 pièces ; s'ensuit plus au sud la tour des latrines donnant sur l'eau, et un peu plus au sud un fort éperon construit sur l'eau pour contrer les crues du fleuve. Les deux galeries situées au nord et au sud de la cour (plus exactement orientées nord-ouest et sud-est) sont voûtées d'arêtes, les voûtains portant la trace d'un décor peint (trompe l'oeil d'un appareil de briques), tout comme les encadrements en pierre des portes, soulignés par une polychromie (traces d'ocre rouge et d'ocre jaune sur les surfaces en relief et dans les creux des moulures).

Bâtiment A, galerie nord : détail de l'encadrement de la porte ouest : traces de polychromie sur la pierreBâtiment A, galerie nord : détail de l'encadrement de la porte ouest : traces de polychromie sur la pierre

On retrouve ces bâtiments en élévation sur l'estampe de 1706 : le long bâtiment qui se dresse en forte saillie sur la face orientale de la cour desservie par le portail oriental est à un niveau, éclairé par cinq fenêtres à l'est et une fenêtre sur la façade nord et butte contre une tour circulaire (tour des latrines), reliée à un retour du bâtiment en équerre au sud. Les bâtiments visibles sur 'estampe, au nord et à l'est, sont couverts d'un toit à croupes, éclairé par des lucarnes en pavillon, cinq à l'est, deux au nord, deux au sud sur le bâtiment en retour à l'arrière de la tour. Trois cheminées coupent l'arrête faîtière du toit occidental. Noues et pignons sont surmontés d'épis de faîtage.

Au nord se trouve un bâtiment à deux étages immédiatement accolé à la façade nord du collège. Il est adossé à une chapelle identifiable par la croix en épi de faîtage couronnant son toit à deux versants au-dessus du pignon oriental.

Le bâtiment en retour d'équerre, terminé par une tour semi-circulaire bâtie à fleur d´eau, contenait les latrines. Un peu plus en aval existait un édicule doté d´un limnimètre permettant de mesurer les crues du fleuve.

Le bâtiment de Serlio était couvert par une haute toiture faisant l'admiration de nombre de ses contemporain, notamment d'anciens élèves qui avaient pu la visiter : on en devine un aperçu dans le témoignage de Joseph Lermet, maire de Tournon, et Antoine Rivoire, de 1714, qui décrivent une charpente foisonnante, faite de bois anciennement coupé et bien sec, ce qui a favorisé son embrasement rapide et irrémédiable (A.D. Ardèche, C1538). Cette charpente supportait un toit à croupes, éclairé par des lucarnes en pavillon.

Les jésuites construisent au sud du collège de Serlio une cour carrée cernée par trois corps de bâtiments à un étage, celui à l'ouest longeant et desservant la chapelle nouvellement bâtie, unique structure existante de cette période.

Les oratoriens engagent, à partir de 1777-1778 des agrandissements vers le sud. Une première tranche est construite, achevée dans les premières années du 19e siècle par une façade en portique dorique ouvrant sur le parc. Le projet prévoyait deux autres corps de bâtiments disposés en U avec celui existant, mais par mesure de prudence les oratoriens eux-mêmes décidèrent de ne pas aller au-delà du bâtiment visible aujourd´hui. Construit en prolongement du corridor longeant la chapelle au rez-de-chaussée comme à l'étage, ce bâtiment comprend un long corps rectangulaire articulé à l'ouest par une extension quadrangulaire et buttant au sud sur la colonnade dorique reliant deux édicules jumeaux en rez-de-chaussée couverts en terrasse. Au-dessus de la terrasse s'élèvent encore deux niveaux ; les plans relevés avant les transformations de 2002 montrent un accès au premier étage par un escalier noble et n´allant pas au-delà de ce niveau. Le second et dernier étage, abritant des appartements de fonction, n´était accessible que par un escalier dérobé construit à l´arrière de l´escalier principal. Les rénovations ont constitué dans la création de l´administration au second étage, du prolongement de l´escalier principal par la construction de nouvelles volées de marches et l´installation d'un ascenseur ; au premier étage, la réorganisation complète des espaces par la création de 'plateaux' pour accueillir de nouvelles salles de cours et la documentation du lycée.

Le long bâtiment quadrangulaire construit le long du Rhône en 1866 par Louis Besset, architecte du lycée impérial, est scandé par des murs de refends régulièrement disposés, garantissant une isolation phonique et une stabilité efficiente au bâtiment. Elevé sur un vide sanitaire voûté, il comprend un seul niveau de salles de cours ; on accède aux combles par deux escaliers à noyau central ; la toiture est à deux pentes et à croupe. Un escalier de secours en hélice a été disposé dans les années 60 sur la façade sud. Une longue marquise habille la façade côté cour tout en garantissant façade, élèves et professeurs des intempéries.

1L'établissement fondé par Louis XV, qui se dresse à Paris à l'extrémité est du Champ-de-Mars, est bâti entre 1751 et 1780 par Jacques-Ange Gabriel.

Principales dates de construction : 1548-1562 : grand bâtiment rectangulaire autour de la cour d'honneur, annexes nord et est, chapelle au nord ; 1673-1714 : bâtiments au sud et à l'est (détruits hormis le bâtiment (rez-de-chaussée et 1er étage) longeant la chapelle) ; 1776-1819 : bâtiment au sud-ouest abritant cuisines, réfectoires, administration ; 1866 : salles de classe au sud-est, le long du Rhône ; 1958 : trois bâtiments dans le parc (classes scientifiques, internat, gymnase Georges Bovet architecte). Le collège de Tournon a de nombreuses fois changé d'appellation au fil du temps : Collège de Tournon (1536-1819), puis collège royal (1819-1848), puis lycée impérial (1848-1885), puis lycée de garçons (1885-1967), actuellement lycée Gabriel-Faure.

  • Période(s)
    • Principale : milieu 16e siècle
    • Principale : 17e siècle
    • Principale : 4e quart 18e siècle
    • Principale : 3e quart 19e siècle
    • Principale : 3e quart 20e siècle
    • Secondaire : 1er quart 18e siècle
    • Secondaire : 4e quart 20e siècle
  • Dates
    • 1548, daté par source, porte la date
    • 1767, daté par source
    • 1866, daté par source
    • 1958, daté par source
  • Auteur(s)

Bâtiment A : 4 corps de logis rectangulaires, 2 grands et 2 petits organisés autour d'une cour centrale rectangulaire sur sous-sol voûté en berceau. Accès côté rue par un portail monumental d'époque Renaissance. Dans la cour, sur les petits corps, au rez-de-chaussée, deux galeries de 4 arcades en plein cintre voûtées d'arête ; au-dessus élévation sur 2 niveaux, toit à double pente à couverture de tuile. En retrait, élévation d'un troisième niveau correspondant aux façades extérieures du bâtiment. Au-dessus des baies de ce niveau, oculi en œil-de-bœuf. Chaque niveau est marqué par un bandeau saillant, mouluré à l'étage noble. Aux premier et deuxième niveaux court un couloir tout autour du bâtiment, de 4 mètres de large sur les petits côtés (longueur 19 m) et de 3 mètres de large sur les grands côtés (longueur 26 m). Les salles se distribuent sur les façades. Desserte par deux escaliers à noyau central, l'un à l'angle sud-est, l'autre à l'angle nord-ouest. La bibliothèque historique est située dans l'angle nord est du bâtiment A, au premier étage. Elle est éclairée par deux baies, l'une ouvrant sur la cour intérieure côté sud, l'autre ouvrant sur le quai du Rhône. Longue de 14 mètres et large de 9, la pièce a son plafond consolidé par quatre fins tirants forgés supportant les quatre poutres en leur centre. Sur les murs ouest et est, de grands meubles architecturés, en bois et portes vitrées accueillent les ouvrages placés sur cinq étagères aménagées sur une double épaisseur. Anciens bureaux des oratoriens (?) : bâtiment A, 1er étage : installés dans l'aile longeant le Rhône, ils occupent trois pièces en enfilade le long du couloir longeant le côté cour d'honneur. L'accès à ces pièces se fait à la fois par le couloir et à l'intérieur de chaque pièce par une double porte. Chacune est munie d'une cheminée ; la pièce centrale est voûtée (voûte à double arête). Des placards sont aménagés dans le mur de séparation avec le couloir et se prolongent dans les angles par deux tambours à mi-hauteur ménageant une desserte. Bâtiment B : Long bâtiment rectangulaire construit en bordure du Rhône, comprenant un rez-de-chaussée et une élévation sur un niveau, toit à double pente et croupe à couverture de tuile mécanique. Sur le Rhône, la façade est rythmée par des travées marquées par des chaînages de calcaire blanc. Une marquise courant tout le long de la façade sur cour protège l'entrée des élèves par le rez-de-chaussée. Bâtiment C : Bâtiment constitué d´un premier corps, rectangulaire, construit le long du flanc est de la chapelle en prolongement sud du bâtiment A pour la desservir au rez-de-chaussée (sacristie) et conduire aux tribunes par le premier étage. Le long couloir du rez-de-chaussée se poursuit jusqu'à la façade sud. Ouvert sur le parc, le bâtiment au sud est structuré autour de deux pavillons en terrasse, reliés entre eux par une colonnade dorique. Les deux niveaux s'élèvent au-dessus de la terrasse et du rez-de-chaussée et sommés d'un toit à double pente à couverture de tuile mécanique. A l'ouest, le bâtiment contenant escalier menant à l'étage, salle des commensaux et réfectoire s'attache perpendiculairement au long couloir de desserte. Il forme avec l'arrière du bâtiment à colonnade une cour carrée semi fermée, autour de laquelle les façades s'organisent en rez-de-chaussée et 2 étages d'inégale hauteur. Bâtiment D : construit en 1963 en même temps que l´internat, il s'élève au sud est du parc, sur rez-de-chaussée et deux niveaux ; il abrite les sections scientifiques et techniques. Bâtiment E : construit en 1963, il comprend un rez-de-chaussée et 4 niveaux ; il est couvert en terrasse. Il s'élève à la limite sud est de la parcelle. Il reçoit au rez-de-chaussée des salles de cours, l'internat et appartements de fonction dans les étages. sur le portail principal : LYCEE GABRIEL FAURE ; devise ; dédicace

  • Murs
    • molasse
    • calcaire pierre de taille
    • calcaire moellon enduit
    • béton
  • Toits
    tuile plate mécanique, tuile plate plombifère, ciment en couverture, béton en couverture
  • Plans
    plan rectangulaire régulier
  • Étages
    sous-sol, 3 étages carrés, comble à surcroît
  • Couvrements
    • voûte à arêtes doubles
    • voûte d'arêtes
    • voûte en berceau
  • Élévations extérieures
    élévation ordonnancée
  • Couvertures
    • terrasse
    • toit à deux pans
    • appentis
    • toit à l'impériale
  • Escaliers
    • escalier dans-oeuvre : escalier tournant à retours sans jour en maçonnerie
    • escalier dans-oeuvre : suspendu, en maçonnerie
  • Autres organes de circulation
    ascenseur
  • État de conservation
    inégal suivant les parties
  • Techniques
    • ferronnerie
    • sculpture
    • peinture
  • Représentations
    • ordre composite
  • Statut de la propriété
    propriété de la région
  • Intérêt de l'œuvre
    à signaler
  • Éléments remarquables
    réfectoire, escalier, colonnade, fronton, portail, parc
  • Protections
    classé MH partiellement, 1925/06/25
    classé MH partiellement, 1932/12/06
    inscrit MH partiellement, 1937/09/17
  • Précisions sur la protection

    Le portail d'entrée avec fronton : classement par arrêté du 25 juin 1925

    Le parc : classement par arrêté du 6 décembre 1932

    Le lycée (à l'exception des parties classées) : inscription par arrêté du 17 septembre 1937

  • Référence MH

Edifice remarquable ayant conservé d'importantes parties du 16e siècle (particulièrement le portail monumental marquant l'entrée principale), ainsi que sa fonction d'établissement d'enseignement depuis sa création. L'ensemble des bâtiments construits par les oratoriens dans la seconde moitié du 18e siècle, actuellement bâtiment C, particulièrement la façade est sur cour et la façade sud à colonnade et terrasse ouvrant sur le parc ; les deux bâtiments D et E des années 60.