Le lycée Lafayette est un établissement discret, malgré la taille de son emprise. Il est constitué d'un ensemble de barres reliées orthogonalement, formant une sorte de "J" isolé au centre de sa parcelle, s'adaptant en quelque sorte à sa forme oblongue et évasée. Cette parcelle de plus de cinq hectares est située sur un plateau qui domine le centre ancien de la ville. Les façades principales de l'établissement (bâtiment longiligne de l'externat, prolongé au nord et au sud des deux internats) s'en trouvent orientées à l'est, vers le riche panorama dont bénéficient les usagers du lycée : au premier plan, la ville ancienne, au second la plaine de l'Allier et enfin, à l'arrière-plan, les monts du Livradois. Cette vue peut d'ailleurs être présentée comme un élément de continuité avec la situation qu'occupait le collège municipal à l'origine.
Voici comment le sculpteur chargé d'une des oeuvres commandées au titre du 1% artistique décrivait le lycée le 20 août 1968 : "Le nouveau lycée de Brioude est construit sur un petit plateau en bordure de la ville. On y accède par une route montante, et on découvre, en premier lieu, le long mur de soutènement que l'on aborde perpendiculairement. Sur la droite on atteint le portail d'entrée ; ce portail franchi, on longe le mur qui se continue en diminuant de hauteur jusqu'à la cour principale surélevée. La cour occupe la majeure partie de cette vaste terrasse ; l'autre partie est une pelouse en forme de croissant qui borde la première sur sa périphérie et s'étend tout au long du mur de soutènement." En effet, l'entrée principale du lycée se trouve au débouché de l'avenue Paul-Chambriard qui relie le plateau au boulevard de contournement du centre ancien. Elle est indiquée par un mur de soutènement en demi-cercle et traité en appareil de revêtement irrégulier et en galets, d'où émergent une sculpture métallique et un arbre monumental. L'arbre fait pendant à un autre arbre à droite du portail, tous deux hérités probablement de la propriété de Morangies sur laquelle le lycée a été en partie implanté (sur un plan datant de 1964, pour une "nouvelle entrée", l'arbre en question est désigné par la mention "arbre existant"). Le plan-masse présentant une composition centripète, une clôture délimite le fonds. C'est ainsi que le mur de galets se poursuit sous forme d'un grillage léger fixé sur muret. Un simple alignement de sapins le double, au sud et à l'ouest, de manière probablement à protéger du soleil, du côté du stade au moins, plutôt qu'à arrêter la vue.
Pour la suite de ce cette description, comme pour les légendes des illustrations, on désignera, comme sur les plans d'origine, les bâtiments avec leurs lettres : bâtiments A (administration), B (externat), C (gymnases), D1 et D2 (internats filles et garçons), E (cantine des élèves et cuisines) et F (logements de fonction).
Les barres s'élèvent sur rez-de-chaussée et quatre étages-carrés (autrement dit : R+4) (bât F), R + 3 (bâtiment D1), R+2 surélevé (bâtiment ppal B), R+2 (bât D2), R+1 (bâtiment A). L'ensemble cantine-cuisine, le logement du gardien, de même que le bâtiment du hall des filles (devenu foyer) -à l'articulation de D1, B et des gymnases- de même que ces deux derniers (de 30 m par 20 m chacun), accolés, sont en rez-de-chaussée.
L'ossature des bâtiments en béton armé vient en avant des façades traitées en mur-rideau. Georges Noël a aussi adopté ce principe constructif pour le bâtiment long de la faculté des lettres et sciences humaines de Clermont-Ferrand (1966), puis au Centre régional de documentation pédagogique (CRDP) de Clermont (1969-1970). Avec une différence : l'ossature est disposé en porte-à-faux au CRDP sur un soubassement en pierre de Volvic, alors qu'à la faculté de lettres et au lycée de Brioude, hormis pour le bâtiment des logements de fonction, ce n'est pas le cas : elle part du sol. Le porte-à-faux, pour le CRDP et, ici, les logements de fonction, était une solution plus onéreuse, que l'étroitesse de la parcelle a pu justifier dans le premier cas.
Pour respecter une circulaire du ministère de l'Éducation nationale datée de 1952, tous les bâtiments sont tramés. Sur le plan masse de Georges Noël de 1957, c'est-à-dire dès la première esquisse liée à ce projet, on peut lire "Note importante : la trame figurant sur ces plans est établie tous les 3 m 50, soit 2 fois la trame de 1 m 75." Suivant la même circulaire, les préaux correspondent à des trames évidées.
Les toits sont prévus à pente douce (6%), ils sont en zinc, et à ressauts (tous les 1, 87 mètres). Sinon, ils s'agit de terrasses percées de lanternons (coiffés, sur le plan primitif, de coupoles en plexiglass). Les gymnases, la cantine et la cuisine présentent des couvertures plus complexes supportées par des charpentes en lamellé collé aux profils originaux (la société berrichonne Rousseau S.A. en était responsable).
Les bâtiments B, D1 et D2 sont élevés sur des soubassements, rattrapés, aux différentes entrées, par une série de degrés de trois à cinq, voire dix marches. Le sous-sol est accessible par une cour anglaise aménagée au-devant du bâtiment B. Les façades sont tramées : les poteaux sont disposés tous les 5,25 mètres soit trois fois 1,75 mètre, et des panneaux colorés de ciment-amiante nervuré viennent en essentage au droit des "séparations de classes" (le ciment-amiante devait au départ, sur les plans de 1962, constituer les allèges). Le béton était prévu brut de décoffrage pour les bâtiments principaux et un effet de béton désactivé a été observé pour les élévations de la cuisine et des gymnases.
À l'intérieur de B, D1 et D2, huit escaliers rampe-sur-rampe (chacune des volées étant large d'1,75 mètre) distribuent les étages doubles en profondeur (le couloir, large d'1,75 mètre, est central). Des cloisons préfabriquées délimitent les classes.
Les deux salles hypostyles faisant office de halls d'entrée ont été destinées à accueillir deux panneaux muraux qui correspondent à une commande des architectes Georges Noël et Jean-Louis Douat au titre du 1% artistique.
(Lors de notre visite, l'analyse des intérieurs est restée succincte.)
Dans l'oeuvre auvergnate de Georges Noël, le lycée de Brioude partage avec le lycée Ambroise-Brugière de Clermont-Ferrand (1963) le jeu des baies d'éclairement des cages d'escalier (jours carrés et longs jours étroits, disposés verticalement et horizontalement), de même que les toits spécifiques des cuisines (le dessin en étoile des panneaux de zinc couvre les cuisines de plan carré). Par ailleurs, le couvrement en charpente lamellée-collée des gymnases de Brioude semble être exactement le même que celui que Georges Noël a choisi pour une salle polyvalente d'un centre social situé à Onet-le-Château (Aveyron) en 1967.
À dix ans de distance, les lycées Blaise-Pascal de Clermont-Ferrand et Lafayette de Brioude ont été conçus par cet architecte (secondé de J-L. Douat à Brioude). Dans la circulaire ministérielle de 1952, Blaise-Pascal était donné comme le prototype du point de vue de l'application de la trame d'1, 75 m. À Brioude, G. Noël y est resté fidèle alors qu'entretemps des souplesses avaient été introduites la concernant. Quant aux contextes urbains, ils sont opposés et donc les choix de partis de plan de masse ne sont pas directement comparables. Les modes et les préconisations ont aussi changé : les lycées ne doivent plus se présenter comme introvertis mais ouverts sur de vastes terrains plantés. On se bornera à constater qu'en 1952, en tissu dense, Georges Noël, investi de sa mission par le ministère de l'Éducation nationale, a fait le choix d'une composition centrifuge, une relation forte à la voirie s'imposant alors, et a fait le choix de bâtiments monumentaux, alors qu'à Brioude, en 1962 et dans un secteur d'extension presque rural, le choix a été celui d'une composition centripète, simplement délimitée par un grillage léger, témoignant d'une relation plus floue avec l'espace environnant.
Conservatrice du patrimoine, chercheuse de 1994 à 2023 au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel (Clermont-Ferrand).