L'ancienne église
Sur la mappe sarde, l'église et le cimetière de Trévignin occupent le n°1758, propriété du chapitre de Notre-Dame d'Aix. Le procès-verbal de la visite pastorale de François de Sales, le 1er juillet 1606, rappelle en effet que l'église Saint-Laurent de Trevignin est "unie à perpétuité au vénérable chapître d'Aix, qui la font servir par messire François Curtilliet, prêtre", avec pour revenu une maison et un jardin.
Le "village de l'église", qui comprend également le presbytère et quelques maisons, est alors situé plus près de la route de Montcel via Saint-Victor (D 913, D 211), qui le traverse. Le rapport sur l'opportunité d'acheter l'immeuble de François Marin Laflèche pour y déplacer l'église et le presbytère, établi par le capitaine ingénieur de 1ère classe du Génie civil Ernest Melano le 18 octobre 1831 (AD Savoie. 11FS : 629), donne un plan de cette église composée d'une nef rectangulaire dans laquelle donne une chapelle située au nord et le choeur de plan à peu près carré, les deux à chevet plat. Selon la description du rapport, le niveau du plancher est au-dessous du niveau du sol (il faut descendre quelques marches) et la hauteur maximale est de 4,13 m. L'église semble totalement voûtée (dans l'optique d'un agrandissement latéral, le rapport indique qu'il faudrait reconstruire les murs et les voûtes), la toiture est partie en chaume, partie en ardoise et partie en tuile, avec un clocher en charpente au-dessus du mur ouest. Elle est globalement en mauvais état (planchers endommagés par l'humidité, charpente de la partie en tuile à refaire, murs "caducs"...).
Le 20 janvier 1818, la commune de Trévignin décide la reconstruction du clocher de l’église. Un devis est demandé le 15 mai 1818 à Anne Dubois, maçon, et Claude Gorgu, charpentier, tous deux de la ville d’Aix-les-Bains : le nouveau clocher sera établi comme précédemment à l’extrémité ouest de l’église, en charpente, et portant à l’ouest sur le mur de l’église et à l’est sur "une forte pièce de bois qui sera placée en sommier sur les murs de l’église. La naissance du clocher sera garnie d’un petit toit à quatre pans sur ses quatre faces. Au-dessus de ce toit sera placée la charpente destinée au support de la cloche, surmontée d’une flèche d’à peu près 16 pieds de hauteur. Le premier toit du dessous sera couvert en ardoise (on se servira pour cela des ardoises d’un des pans de l’église en les remplaçant par de la paille comme sont les [autres] à côté) et la flèche sera couverte en tavaillon de bois de châtaigner". Une croix en fer, d’un poids de 30 £, doit être placée sur la flèche "avec sa garniture en fer blanc et le coq" (AD Savoie. 11FS : 627).
A l’été 1818, l’intendant demande à l’architecte Trivelli de donner un autre projet pour ce clocher (qui reste fait à l’économie, en charpente, pour 687,94 livres neuves, la commune fournissant le bois). François Marin dit Laflèche, de Trévignin, est adjudicataire des travaux, qui sont réceptionnés le 6 juillet 1820 (après avoir été démolis et reconstruits suivant l’avis de l’architecte). Le plancher de l’église est réparé en octobre 1820 par Jean Clerc-Crozet.
En février 1828, l'apparition d'une fente à la voûte du chœur provoque un projet de reconstruction avec agrandissement ; cependant il est difficile d'allonger l'église à l'est car elle est au bord du chemin, et l'agrandir à l'ouest entraînerait la reconstruction du clocher. La reconstruction sur un autre emplacement est finalement décidée à la faveur du testament du curé Jean Antoine Marie Dupuy, en 1830.
La construction de l'église actuelle
Jean Antoine Marie Dupuy, recteur de Trévignin, décédé le 2 avril 1830, lègue par son testament du 27 mars 1830 (reçu François Mugnier, notaire au Montcel) 10 130 £ à la fabrique pour "réparer et au besoin reconstruire" l’église Sain-Laurent (le testament affecte également 100 livres neuves et un lit garni à sa domestique Françoise Méraud et 360 livres neuves au curé de Trévignin pour dire des messes basses de requiem pendant deux ans.
Suite au legs Dupuy, la commune fait dresser un plan de reconstruction de l’église par l’architecte Joseph Tournier, pour 15 191,18 livres, approuvé par le conseil municipal le 2 mars 1831. Le rapport de l’architecte établit que l’église « trop petite de moitié », ne peut être agrandie à son emplacement. Le site choisi pour la construction de la nouvelle église et la translocation du presbytère (voir IA73004310) et du cimetière (IA73004311) est un immeuble appartenant à François Marin Laflèche, conseiller municipal, sur la colline de Verlioz au sud du village de l'église, comprenant une maison de maître, des bâtiments rustiques, une cour, un jardin clos de murs et une partie de verger (vendus 5000 livres) : l’église serait édifiée à l’emplacement de la grange ou bâtiment rustique.
Le Devis et détail estimatif décrit précisément l’église et son décor : l’épaisseur prévue pour les maçonneries est de 1,80 m pour les fondations, 1 m pour les murs (réduit à 1,10 m et 70 cm pour la sacristie). Les murs sont crépis et badigeonnés, avec de la pierre de taille pour les angles, piqués à la grosse pointe, l’encadrement et le perron de la grande porte, les deux marches à l’entrée du chœur ; les encadrements de la petite porte de la nef, de la porte du clocher et de la sacristie sont en molasse. Les autres baies seront "formées avec du tuf ou des briques et quelques pierres plates". L’église et la sacristie seront voutées en tuf (voûtes de 20 cm d’épaisseur à la clef) : la nef est divisée en trois voûtes d’arêtes séparées par des arcs doubleaux, la travée droite du chœur est voûtée d’arêtes, l’abside "divisée en trois lunettes par les portions d’un doubleau qui aboutiront tous au même point", les chapelles sont voûtées en berceau. L’intérieur est orné de pilastres et d’une corniche (saillie de 45 cm, composée de sept membres) d’ordre dorique. La charpente est en châtaignier (avec indication des sections des pièces), les chevrons en sapin ; la couverture est en ardoise de Cevins de 4e équerre (angles couverts à aile de pigeon). Une avancée de toit fermée, de 1,50 m, est prévue devant la façade principale. Une croix est prévue au sommet du clocher, en fer plat de 6 cm de largeur et 8 mm d’épaisseur, 3 m de haut, avec extrémités tréflées, et coq girouette en fer blanc au bout. Le beffroi est prévu pour deux cloches. La porte d’entrée est en noyer, à deux vantaux, "à table saillante soit panneaux recouverts", divisé en trois sur la hauteur, avec une serrure de maître de 8 pouces, deux arcs boutants soit valets et un loquet à bascule. Les fenêtres sont garnies de châssis en chêne à deux vantaux, à petits carreaux, avec partie circulaire fixe et un grillage à cinq barreaux (20 mm) et deux traverses (20 x 30 mm).
Le chantier est mis en oeuvre par l'entrepreneur Georges Vuillermet, de Chambéry, adjudicataire le 10 mars 1832 (le bâtiment à démolir lui est rétrocédé pour le prix de 1200 livres). Les travaux ont du retard : un contentieux s'élève entre l'entrepreneur et la commune, qui l'accuse d'utiliser un tuf de mauvaise qualité pour les voûtes et d'avoir laissé le clocher sans couverture ; de plus les fondations de la façade ont révélé un sol fangeux, qui a entraîné la mise en place d'un grillage de 19 poutres sur lequel la façade a été élevée (avec un surcoût). Les travaux sont réceptionnés le 6 janvier 1833.
Les travaux ultérieurs
L'église a par la suite fait l'objet de travaux d'entretien régulier.
L'Etat estimatif des travaux de restauration à faire l’église paroissiale et pour la maison presbytérale de la commune de Trévignin établi le 26 juin 1871 par l'architecte H. Lubini, à Aix-les-Bains, mentionne la reconstruction d’une partie de la corniche de couronnement de la façade, en ciment, et la pose d’enduit et de badigeon au lait de chaux à la colle ; le masticage et rebouchage des joints du perron en ciment Vicat.
Un projet de réparation à l’église est dressé par l'architecte A. Bertin en 1898 (8700 F), pour des réparation urgentes : planchers, portes et fenêtres, façade principale, peinture et badigeons intérieurs. Bertin donne un second projet de travaux d’appropriation et de grosses réparations un an plus tard, en novembre 1899 (6000 F) : réfection de plancher, en châtaignier, dallage en ciment artificiel Vicat (passage central et latéral de la nef, sacristie), badigeon avec filets, reprise et raccord de peinture faux marbre vers les autels ou autre, réfection du perron (avec remploi des marches), suivi des toitures, pose de vitraux en verre blanc montés sur plomb sur 10 fenêtres, avec grillage extérieur.
Ces devis ne semblent pas avoir été exécutés, mais ont sans doute inspiré le curé Thomassier pour les travaux qu'il commandite les années suivantes.
Le 23 avril 1903, il rédige un projet de convention avec Jean-Baptiste Grosso, artiste-peintre pour des travaux de peinture décorative sur tous les murs et voûtes intérieurs du chœur, de la nef et des chapelles, non compris les autels, y compris la retouche et remise en état du tableau (peinture à fresque) représentant le martyre de saint Laurent, de la figure de saint Laurent et des ornementations qui l’accompagnent (peinture à fresque), et la réfection des lettres et chiffres sur la façade extérieure ; le travail doit être "dans le genre de celui fait l’hiver dernier à l’église de Mouxy". Ce devis comprend également la réalisation de badigeons en plusieurs teintes et filets de la façade extérieure, la peinture des portes (au moins une face), la réfection de la façade et de l'avant-toit, l'enlèvement des deux chaires, avec transport et pose de la grande à l’endroit indiqué, l'établissement d’un béton-dallage au passage central et au passage latéral à l’intérieur de l’église, la fourniture et pose de vitraux aux neuf fenêtres qui donnent dans l’église. Cependant un addendum du 1er juin 1903 précise que finalement M. Grosso se chargerait seulement de la peinture artistique.
Le 7 juin 1903, le curé Thomassier rédige un autre projet de convention pour travaux à exécuter à l’église de Trévignin, avec Basile Bedony, entrepreneur à Pugny-Chatenod. C'est lui qui est chargé de faire le béton-dallage en béton à la chaux lourde, "enduit au ciment de portland passé à la boucharde avec joints variés... compris coupe et affleurement du plancher et des lambourdes..., rejointoiement des marches escalier table de communion, porte d’entrée et porte latérale", ainsi que la garniture extérieure de neuf fenêtres, comprenant la réfection de six tablettes au ciment, la restauration de la façade et badigeon de plusieurs teintes, la restauration de l’avant-toit, la consolidation de la croix en fer et le suivi de la toiture.
Les toitures ont été refaits en 1934. L'avant-toit de la façade a été modifié, la croix sommitale ne correspond pas à la description du devis d'origine (extrémités à renflement et pointe, pas de girouette). Une girouette a été posée en 2002.
Les décors peints ont été très restaurés au 20e siècle, en façade comme à l'intérieur. Des travaux de peinture ont été effectués das les chapelles par des prisonniers allemands dans les années 1947-1948, mais on ne sait pas s'ils ont porté sur les décors figurés. L'extérieur a été refait à la fin des années 1960 (La Vie nouvelle).
Chercheur au service de l'Inventaire Rhône-Alpes puis Auvergne-Rhône-Alpes (1999- )