Sur la mappe sarde (vers 1730), le site correspond au mas de Champ Quartier : une grande maison isolée, avec cour, appartenant à Charles de Grenery [Graneri], marquis de La Roche, qui est également propriétaire du château de Pierre Charve. La vaste propriété Graneri de La Roche, puis Simond, qui s'étendait du Sierroz au chef-lieu, comprenait une autre ferme (en plus du château), dite mas de Pierrecharve (n°573, 575 et four 574, puis domaine de Grand Champ/la Grangerie sur le cadastre de 1887, C2 97 et 98, actuellement C2 870 à 872, non repéré). L'ensemble passe en 1839 à la Congrégation de Charité (ou hospice) de Rumilly (pour l'historique détaillé, voir IA74002780) puis est revendu par lots dès 1840 : un domaine de 100 journaux (environ 33 ha), qui devait comprendre les deux fermes du château de Pierre Charve, est acheté par Jacques Ducret (1790-1847), originaire de Champfromier, dans l'Ain (Passerelle, n°4, et voir IA74002779). Ce dernier lègue ses biens à son neveu François Marie Ducret.
François Marie Ducret est né en 1818, et comme son oncle à Champfromier, donc en France alors que la Savoie est redevenue sarde (entre 1815 et 1860) d'où le surnom de "Français" qui lui est donné ainsi qu'à la propriété, dite "plaine du Français". Il est titulaire d'une formation de compagnon en charpenterie (Passerelle, n°20) et s'installe à Mûres avant 1857 (il est conseiller municipal à cette date), où il est maire de 1870 à 1884. Les recensements le localisent au lieu-dit la Grangerie : en 1861 il est recensé comme cultivateur, marié, avec une maisonnée de huit enfants et quatre domestiques. Jusqu'en 1872 il n'y a qu'une seule famille (et donc sans doute un seul bâtiment) sur ce lieu. Une seconde maison est construite ensuite (voir IA74002781) ; François Marie Ducret possédait également la maison de Grand Champ (non repérée), et une fois ses fils devenus chefs de ménage, a pu habiter l'une ou l'autre.
La première fruitière de Mûres aurait été installée dans cette ferme dès 1864. La fruitière de la Grangerie est mentionnée dans une délibération de 1888 (AD 74, E Dépôt 194. 1D : 4, délibération du 2 décembre 1888). Un fruitier est signalé à la Grangerie au recensement de 1891. Les traces de cette activité, qui aurait occupé des espaces du rez-de-chaussée (cave médiane) ont disparu et la fabrication s'est sans doute intégralement reportée sur la fruitière de Faraudet (voir Présentation de la commune ; détruite) entre la fin du 19e et le début du 20e siècle.
L'édifice actuel est majoritairement datable du milieu 19e siècle, avec des remplois d'encadrements anciens (un jour chanfreiné sur la grange-étable) et des remaniements postérieurs (réfection de la façade, avec reprise d'ouvertures et de l'escalier en ciment ; les façades nord et ouest conservent leurs encadrements en molasse) : la partie ouest (habitation) est antérieure (chaîne d'angle) à la grange-étable. L'étage de la partie ouest a été aménagé en habitation sans doute vers la fin du 19e siècle, lorsque le nombre de familles s'accroît à la Grangerie. Un corps de bâtiment est ensuite bâti en retour au sud-est ; il figure sur le cadastre rénové (à jour pour 1941). La partie nord de ce corps de bâtiment aurait été aménagée en cave pendant la Première Guerre (renseignement oral, Mme Quemper-Ducret) ; la partie sud est aménagée en étable dans la 2e moitié du 20e siècle. Une petite dépendance (poulailler, chaudière) est édifiée dans la cour après 1887 et remaniée (en parpaing de béton artisanal) dans le 2e quart du 20e siècle devant un bassin en béton datable du début du 20e siècle. La ferme a été en activité jusqu'aux années 1980.
François Marie Ducret est né à Champfromier, dans l'Ain, et émigre en France à l'époque où la Savoie est redevenue sarde (entre 1815 et 1860) d'où son surnom de "Français". Compagnon du Devoir en charpenterie, il vient s'établir à Mûres où son oncle "bienfaiteur" Jacques Ducret lui lègue la propriété qu'il avait acquise de la Congrégation de Charité de Rumilly, et qui provenait de la famille Simond (Philibert Simond, prêtre originaire de Rumilly puis député à la Convention, mort guillotiné en 1794, puis sa soeur) et auparavant de Charles de Graneri, marquis de La Roche. François Marie Ducret est conseiller municipal à Mûres (74), puis maire de 1870 à 1884. Il est l'auteur du projet de la 1ère mairie-école de Mûres (IA74002771) en 1857, construit une maison d'architecture remarquable (IA74002781) et plusieurs édicules dans la commune : un puits IA74002782, son monument funéraire IA74002779 et un calvaire en béton moulé, sur la route du chef-lieu (détruit accidentellement dans le 4e quart du 20e siècle).