Du cloître des Augustins à la Martinière
Le 2 avril 1791, le couvent des Augustins et ses dépendances furent vendus par le Directoire du District de Lyon, à M. Brosse père (AC Lyon. 321 WP 142-2). Les biens concernés englobent l´ensemble des bâtiments claustraux : cour et corps de bâtiments s´élevant tout autour, jardin au nord, église et bâtiments mitoyens au sud. Tous les bâtiments mitoyens du cloître ne sont toutefois pas inclus dans cette cession, car ne faisant pas partie des biens des Augustins : c´est le cas particulièrement des immeubles se dressant sur l´actuelle rue des Augustins, dont la percée fut faite par ces derniers sur autorisation du 11 avril 1658 (AC Lyon. 454 WP 002). Les Augustins ouvrent à travers leur ancien cloître la rue des Augustins et la rue Sainte-Monique (aujourd´hui rue Grobon), puis ils vendent les emplacements riverains de ces deux rues. L´entrée du couvent est pratiquée à hauteur de l´actuel numéro 7 de la rue des Augustins.
Après la Révolution, le cloître des Augustins est occupé par la gendarmerie qui y demeure jusqu´en 1826. Afin d´y installer les élèves de la Martinière, provisoirement logés au Palais Saint-Pierre, la Ville de Lyon acquiert auprès du département du Rhône le couvent des Augustins, par échange avec son manège à chevaux situé dans l´ancien clos des Dames de Bellecour (AC Lyon. 454 WP 001). L´échange est entériné par l´ordonnance royale du 29 novembre 1830. Si les jardins sont mis à disposition de la Ville dès le 1er janvier 1827, les bâtiments ne seront libérés qu´au 1er janvier 1830 et leur remise officielle surviendra le 13 août 1830. Les élèves ne peuvent cependant pas intégrer immédiatement les lieux, un certain nombre d´aménagements étant nécessaires, qui s´échelonnent de 1832 à 1834. L´école est officiellement inaugurée le 2 décembre 1833 (Fondation Martin, Registre des délibérations n°1, du 20 août 1832 au juillet 1841, p. 36).
Les extensions se succèderont jusqu´au 1er quart du 20e siècle. Des classes sont agrandies dès 1844 ; l´entrepreneur Delaye fournit de la pierre de taille de Villebois pour les escaliers, corbeaux, portes et croisées, de la pierre de Tonnerre pour cercles et divisions de sections. De grosses réparations sont menées en 1873, sous la direction de l´architecte Barqui (AC Lyon. 454 WP 001). Le 20 juillet 1875 est décidée la reconstruction de la toiture de la salle de dessin. Cette dernière était établie au 2e et dernier niveau du bâtiment nord, ouvrant d´un côté sur la cour intérieure, de l´autre sur l´ancien jardin des Augustins. Les croisées des salles de cours au rez-de-chaussée du même bâtiment nord sont exhaussées en 1884, sous la direction de l´architecte Joseph-François Dubuisson, qui conduit de nombreux travaux d´agrandissement et de rénovation à la Martinière Augustins.
Le 4 août 1875, la Martinière, par le biais de sa commission administrative, fait une demande de concession auprès de la Ville de la "jouissance d´une bande de terrain à prendre le long de la façade nord de l´école sur la place du Marché de la Martinière", pour y établir une salle de gymnastique (AC Lyon. 454 WP 002).
Les immeubles de la rue Hippolyte-Flandrin
Le premier agrandissement a lieu entre 1881 et 1887, par la construction d´un immeuble à l´angle de la rue Hippolyte-Flandrin et de la rue des Augustins, nouvellement redessinée. Joseph-François Dubuisson est chargé du suivi des travaux, assurés par l´entrepreneur Talon (AC Lyon. 454 WP 004).
La construction a pu être entreprise après l´achat de l´immeuble du 24, rue Hippolyte-Flandrin, alors propriété de M. J.-P. Marie Isnard (AC Lyon. 454 WP 004). C´est un immeuble de trois étages sur rez-de-chaussée et caves ; il sert d´entrée principale de la Martinière et accueille au premier étage les bureaux administratifs et au deuxième étage les appartements du directeur et du régisseur.
Le décor de la façade sur la rue Hippolyte-Flandrin est due au sculpteur Georges Bador, qui l´exécute en 1885 (AC Lyon. 454 WP 004). Dubuisson a pris le parti d´une entrée à pans coupés afin de donner un espace suffisant à l'entrée de l'institution, inscrite dans un tissu urbain dense. Un large portail flanqué de deux antes doriques supportant un entablement supporte un premier niveau souligné par une fenêtre à fronton triangulaire flanquée de deux pots à feu ; la verticalité des deux niveaux au-dessus est accentuée par le chaînage d'angle, couronné par un fronton en demi-lune dont le linteau est inscrit de la devise de Claude Martin : "Labore et Constantia". Au rez-de-chaussée, le plein cintre de la porte est marqué par une imposte ornée d'un large médaillon à l'effigie de Claude Martin, dont les dates de naissance et de décès sont rappelées dans les écoinçons. Sur le linteau figure la titulature de l'institution. Au-dessus, le linteau est orné du titre générique "La Martinière", traité en mosaïque.
L´accès au hall d´honneur s´effectue par une porte à deux vantaux, surmontée d'un tympan ajouré. Le pan coupé génère à l'intérieur un volume à six côtés inégaux mais réguliers. Sur le côté gauche ouvrent deux portes latérales, la première menant à une pièce éclairée par deux baies (initialement la loge du concierge), la seconde à un escalier. Face à la porte d'entrée, l'escalier dessert les étages supérieurs. De part et d'autre de l'escalier central ouvert par un large porche en plein cintre, sont ménagées deux larges portes à imposte ajourée en plein cintre. Celle de droite mène à l'appartement du concierge (aujourd´hui vestiaires du personnel de service) ; celle de gauche à une pièce intermédiaire menant au cloître : c'était la salle à manger du concierge, qui donnait sur le cloître par une porte-fenêtre.
Le mur de l'escalier est orné de deux plaques commémoratives surmontées de deux médaillons à cadre de cuir comportant les inscriptions "Louis Gaspard Dupasquier 1800-1870" pour l'un et "Charles-Henri Tabareau 1790-1866" pour l'autre. Ces médaillons et leur décor sont en stuc imitant la pierre et le marbre rouge. La plaque de gauche reprend les donations et prix délivrés depuis 1866 jusqu'à 1918. Celle de droite les donations et legs de 1800 à 1923, avec les noms des donateurs et le montant donné.
L´escalier comprend une première volée droite de 20 marches et deux mains courantes en bois ; après un palier, une deuxième volée de 15 marches mène à un palier autour du noyau de l'escalier rectangulaire protégé par une rampe en fer forgé à main courante en bois ; le deuxième palier mène à droite dans les corps de logis bâtis au-dessus du cloître, à gauche aux salles administratives, abritant aujourd´hui la Fondation Martin. L´escalier est éclairé par une verrière zénithale ajourée, couverte par 149 tuiles en verre ; le plafond de la cage est vitré. La construction et les aménagements sont supervisés par Pierre Bourdeix, architecte des bâtiments civils et palais nationaux (AC Lyon. 523 W 2). La pierre de Villebois est abondamment utilisée. Les toitures sont couvertes en tuiles plates de Bourgogne.
Quelques années plus tard, en 1896, l´immeuble se dressant entre l´entrée du 7, rue des Augustins et celle du 24, rue Hippolyte-Flandrin est racheté par la Ville de Lyon pour sa dévolution à la Martinière, démoli puis reconstruit sur les projets de Dubuisson (AC Lyon. 454 WP 005 et AC Lyon. 923 WP 348 3). Il aligne le futur édifice sur le tracé de la rue, respectant le recul de façade et la hauteur ; il raccorde le nouveau bâtiment à celui de la rue Hippolyte-Flandrin récemment bâti par une ligne de cordons au 1er et 3e étage. L´immeuble, qui va accueillir des salles de classes supplémentaires, comprend 4 niveaux : un rez-de-chaussée sur cave et 3 étages ; il est couronné par un toit à double pente. Le projet s´éternise jusqu´en 1902, à cause d´un dépassement de budget assez important (AC Lyon. 176 WP 073).
Outre les agrandissements, des améliorations sont apportées à l´établissement : un calorifère est installé en 1876, un projet d´installation de chauffage à vapeur à basse pression est accepté en 1911.
Les agrandissements de Heinzelmann
C´est au cours du deuxième quart du 20e siècle, entre 1927 et 1930 que d´importants travaux d´agrandissement vont donner à l´édifice l´allure qu´on lui connaît encore aujourd´hui. Le 10 octobre 1923, le directeur de l´établissement indique, dans son rapport annuel au maire de Lyon, que le nombre important d´élèves (plus de 550) oblige à créer des sections de 80 élèves, ce qui rend l´enseignement inefficace. Il demande donc que les locaux puissent être agrandis. Les projets de travaux, présentés par l´architecte Heinzelmann, sont approuvés par le Conseil d´administration le 9 juillet 1924. Comme l´extension des bâtiments n´est pas possible en largeur, pour cause d´un tissu urbain dense, Heinzelmann propose une augmentation des surfaces par le haut. Les ateliers, laboratoires de chimie et autres salles de cours verront leurs surfaces doublées. Des terrasses aménagées sur les corps de bâtiments ouest, est et sud proposeront des aires récréatives et sportives.
Pour appuyer son projet, Heinzelmann fait le relevé des bâtiments existants ; on lui doit donc l´état des façades et des aménagements intérieurs (distribution des aires de communication, implantation des salles de cours) en 1924, avant les travaux d´agrandissements projetés. Par ailleurs, un cliché datant des années 20 montre la façade sur la place de la Martinière avant l´intervention de Heinzelmann (Coll. Association des Anciens Martins).
Le projet prévoit l´agrandissement de l´établissement par l´ajout de deux niveaux supplémentaires sur la façade côté place Gabriel-Rambaud, soit la façade nord. Jusqu´en 1924, la façade respectait, semble-t-il, celle du couvent des Augustins : deux niveaux de fenêtres hautes sur rez-de-chaussée sur sous-sol et couverture en combles. La façade est rythmée par 14 travées, dont celle de l´entrée principale à degrés magnifiée par deux antes supportant un fronton en arc de cercle timbré d´un médaillon portant la mention "Constance". Plus loin à gauche, s´observe une disposition identique, le médaillon comportant la mention "La bonne". Au-dessus du portail de l´entrée, linteau avec le titre "La Martinière".
Dans son projet d´agrandissement, Heinzelmann conserve le rythme des 14 travées marquées par une ouverture. Les fenêtres du sous-sol sont plus marquées, ouvertes sur la place pour laisser entrer la lumière. Le rez-de-chaussée aux fenêtres protégées de grilles est souligné par des lignes horizontales marquant les lits de construction, qui se prolongent sur le retour du bâtiment. Les niveaux supérieurs (1er, 2ème et 3ème étage) sont identiques, chaque étage et travée marqués par une fenêtre à double vantaux avec appui et linteau encastré. Le 4ème niveau est ouvert par de larges baies à 16 carreaux, laissant largement pénétrer la lumière dans les salles de cours. De la toiture ont disparu les multiples cheminées.
L´entrée principale est valorisée par deux doubles antes s´élevant jusqu´aux combles et se terminant par un pignon triangulaire. Ce dispositif, répété quelques travées plus loin sur la façade, donne un rythme élégant à cette dernière et accentue sa verticalité.
La façade sur cour, au nord, est également surhaussée de deux niveaux, le 3ème étant identique aux deux inférieurs ; les ouvertures du 4ème sont identiques à celles sur la façade extérieure. Là encore, les cheminées ont disparu. La façade occidentale est surhaussée d´un niveau identique aux deux existants.
Les autres corps de bâtiment, qui comprennent 3 étages sur rez-de-chaussée, sont couverts d´un toit terrasse destiné à accueillir des aires de gymnastique et de récréation. L´une de ces terrasses servira pendant plusieurs décennies de cour de récréation pour les Martins filles, avant la mixité totale de l´établissement dans les années 70 (Témoignage oral d´anciennes "Martines", février 2010). L´accès ménagé sur la place, qui correspond à celui utilisé par les Augustins pour se rendre dans leur jardin, était destiné aux filles qui suivaient quelques cours dans ces locaux (AC Lyon. 95 WP 031-1). Il ne deviendra l´entrée principale de l´établissement qu´après 1979, l´entrée de la rue Hippolyte-Flandrin étant désormais réservée à la seule Fondation Martin.
Chercheuse indépendante depuis 2003 auprès des services régionaux de l'Inventaire et de collectivités. A réalisé ou participé en tant que prestataire aux opérations suivantes : " Patrimoine des lycées " (avec la collaboration de Frederike Mulot), 2010-2015, " 1% artistiques ", 2019-2020 (avec la collaboration de Valérie Pamart), " Inventaire topographique de deux communes de l'ancien canton de Trévoux " (Pays d'Art et d'Histoire Dombes Saône Vallée, pour la communauté de communes Dombes Saône Vallée), 2019.