1. Le lotissement, une séquence urbaine
Le projet de lotissement déposé en 1931 par M. Maradeix est accepté par délibération du Conseil municipal le 15 janvier 1932. Il comprend les actuelles parcelles HO 213 à 216. Le plan de lotissement propose un découpage en trois lots qualifiés d'approximatifs dans le cahier des charges reproduit en annexe. De fait, on observe un glissement du découpage afin que le lot b puisse être scindé en deux parcelles. L'actuelle parcelle HO 215 gagne deux mètres sur sa voisine orientale. La demande de permis de construire de l'immeuble n°11 qui l'occupe date du 11 mars 1931. L'immeuble du n°13 est édifié en 1933. On peut supposer que le terrain du lot b, en grande partie déjà occupé par le n°11, n'était pas suffisant. L'actuelle parcelle HO 214 s'est donc constituée en repoussant la limite occidentale du lot b au point que la ligne de partage orientée au sud-ouest rejoigne le bout de la ligne occidentale du lot a donnant ainsi à l'actuelle parcelle HO 213 une forme de triangle scalène. Il était alors à craindre que le lot a, ainsi déformé par l'élargissement de sa voisine, ne trouve pas preneur. Cependant, une maison y est édifiée en recul d'alignement en 1936 et, en 1948, l'ensemble de la surface est investi. Le devant de parcelle accueille un commerce donnant sur le boulevard, la pointe du triangle loge la paneterie et le débarras d'une boulangerie. La contrainte qu'exerce la morphologie de la parcelle reste perceptible par la rupture d'échelle de cette maison mixte (commerce en rez-de-chaussée et logement à l'étage) flanquée de deux immeubles plus hauts qu'elle. Elle s'inscrit donc en creux par rapport à ses mitoyens. En 1955, l'immeuble du n°9 achève l'aménagement des parcelles du lotissement. Les ruptures de rythme observées tant pour le n°15 que pour le n°9 (à gauche de l'image : orientation latérale par rapport au boulevard et rez-de-chaussée aveugle, comblement du retrait d'alignement par des galeries, voir dossier IA63002861) rendent d'autant plus perceptible l'uniformité des immeubles des n°11 et 13.
2. Filiation architecturale
Le n°11 est édifié en 1931 par l'entrepreneur Lucien Mège. Le n°13 est construit par la suite, en 1933, par les architectes associés Valéry Bernard et Henri Pouzadoux. On pourrait penser que les architectes se sont inspirés de la réalisation de l'entrepreneur. Ce serait sans compter une précédente œuvre dans le même esprit, signée des deux associés, en 1929, au 25 rue Raynaud. Ainsi, c'est l'entrepreneur qui semble s'être inspiré de la réalisation des architectes pour dessiner le n°11 boulevard Jean-Jaurès. Les architectes, sollicités pour édifier le n°13, poursuivent sur cette lancée déjà expérimentée et, loin de prendre ombrage de l'emprunt formel, délègue la maçonnerie à Lucien Mège. On entrevoit par cet emprunt croisé d'une même solution architecturale la porosité entre les corps de métier d'architecte et d'entrepreneur.
Ce type de bâtiment à travée en légère saillie et à couronnement polygonal peut être vu comme un dérivé simplifié des immeubles à lucarne-pignon couronnant une travée en saillie garnie de balcons. Ernest Pincot est l'auteur de deux édifices de ce type, au n°11 boulevard Fleury en 1925 (voir dossier IA63002789) et 18 rue Raynaud en 1926 (pour ce dernier le projet de départ ne correspond pas à la réalisation effective, il aurait sans cela échapper à la série1). En 1929, l'architecte J. Bertrand en donne une variante contrainte par l'étroitesse de la parcelle, à moins que ce ne soit cette contrainte qui le pousse à adopter cette solution architecturale2. Le 25 rue Raynaud, datant également de 1929, peut être perçu comme une étape intermédiaire : la simplification s'exprimant par la diminution du développement du bâtiment (une travée de moins) ainsi que dans le remplacement de la lucarne-pignon par un couronnement polygonal de la travée à balcons et serlienne3. Il est possible d'expliquer la disparition de la lucarne-pignon par la raréfaction des logements de domestiques sous les combles, ainsi que cela était encore d'usage au n°11 boulevard Fleury et au n°18 rue Antoine-Raynaud. Cependant, l'intention formelle perdure : on retrouve la travée couronnée à balcons, les décors de trumeaux en brique et à cannelures ainsi que, concession à la tradition régionale, les allèges au décor de moellons à têtes dressées alvéolés. Enfin, la simplification de l'expression architecturale s'établit avec les n°11 et 13 du boulevard Jean-Jaurès pour lesquels la saillie de la travée couronnée s'évanouit tandis que le rez-de-chaussée ne reçoit plus de traitement spécifique. La visibilité de ces deux édifices s'établit ainsi autant par le contexte urbain dans lequel ils se placent (leurs mitoyens marquant chacun une rupture de rythme) que par le fait qu'ils s'inscrivent dans un courant architectural observable dans les années 1920-1930.
Conservatrice du patrimoine. Responsable de l'unité Ressources du Service Patrimoines et Inventaire général de la région Auvergne-Rhône-Alpes.