Contexte de l’étude
La création et l’histoire de la station du Revard sont étroitement liées à la station thermale d’Aix-les-Bains. Celles-ci ont été étudiées dans le cadre de la préparation de l’exposition « Aix côté montagne » réalisée en 2016 par l’Inventaire général du patrimoine culturel de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, les Archives municipales et l’Inventaire du patrimoine d’Aix-les-Bains. Les dossiers d’inventaire produits sont issus des recherches menées dans le cadre de ce travail.
La consultation de nombreux fonds publics et privés (Archives départementales de la Savoie, archives municipales d’Aix-les-Bains, archives communales, archives privées de l’Entreprise Léon Grosse) ont permis d’alimenter l’étude. Cependant les archives des entreprises propriétaires de la station jusqu’au milieu du XXe siècle n’ont pas été retrouvées. La station, renommée dans la première moitié du XXe siècle, est par ailleurs bien documentée grâce à une abondante iconographie.
Historique
1) Une station estivale créée ex-nihilo : 1892
La station du Revard est une création ex-nihilo. Cette fondation est liée à l'initiative d'acteurs de la station thermale aixoise, soucieux d’améliorer les aménagements, d’accroître la réputation de la ville et de retenir la clientèle en villégiature attirée par les stations climatiques suisses. Après avoir envisagé la construction d'une route, il est décidé en 1890 de réaliser un chemin de fer à crémaillère reliant Aix-les-Bains au sommet du Revard. Son aménagement et son exploitation, accordées par l'intermédiaire d'une concession passée avec le département, sont confiées à des genevois : MM. Dupont-Buëche, Petit, Tronchet et Annevelle. Ces derniers, conformément au souhait de l’élite aixoise (médecins, hôteliers, hommes politiques), se portent également acquéreurs de terrains au sommet du Revard. Un domaine est ainsi formé en vue de constructions à venir. Ils font rapidement édifier, par l’architecte genevois Henri Juvet, un hôtel et un restaurant implantés entre le sommet, occupé par un observatoire et une station météo, et la gare d’arrivée du chemin de fer. L’inauguration de la voie ferrée en 1892 signe la naissance de la station estivale du Revard.
La société anonyme des chemins de fer de montagne et régionaux (formée dès 1893 par MM. Dupont-Buëche, Petit, Tronchet et Annevelle), propriétaire et gestionnaire du domaine et du chemin de fer, réalise en 1897 une campagne d’embellissement portant sur l’hôtel et sur les stations de la voie ferrée. Jusqu’en 1909, le Revard n’est accessible qu’en chemin de fer pendant la saison estivale (et à pied par le chemin du Pertuiset remis en état par la section aixoise du Club alpin français en 1876).
2) La station hivernale : 1909
Les pentes du Revard sont skiées dès 1906 par un groupe d’aixois et de chambériens. Le club des sports Aix-Revard-Chambéry (ARC), fondé en 1908, loue des trains pour acheminer les skieurs au Revard. Dès 1909, la société anonyme des chemins de fer de montagne et régionaux met en place un service hivernal régulier de trains. Les sports d’hiver se développent avec la pratique du ski, du saut à ski et de la luge. L’engouement pour la station hivernale incite le conseil général à construire une route depuis le col de Plainpalais afin que le Revard soit accessible en automobile depuis Chambéry.
3) La station PLM : 1923-1953
En 1923, la station est acquise par la Compagnie du Revard. Cette filiale de la Compagnie de chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (Cie PLM) entreprend une grande campagne de travaux destinée à améliorer le confort hivernal de la station, à en augmenter la capacité d’accueil ainsi que le standing. La patinoire (construite en 1921 et en service jusqu'à la Seconde Guerre mondiale), est agrandie ; la gare d'arrivée du chemin de fer est entièrement reconstruite sous la direction de l’architecte parisien Pierre Patout ; l’architecte annécien Fleury Raillon est chargé des travaux d’agrandissement de l’hôtel (qui devient le Grand Hôtel PLM) et du restaurant (qui devient le Chalet PLM). En 1935, la Société Hôtelière et Touristique de la Cie PLM (SHT-PLM, issue d’une réorganisation de la Compagnie du Revard) inaugure le téléphérique du Revard, construit par l’ingénieur André Rebuffel, entraînant l'arrêt du service de trains et le démantèlement de la voie ferrée. Dès 1936, la station se dote d'un golf 9 trous et de son premier remonte-pente mécanique sur la piste de l’Observatoire (avant cela, les skieurs sont tractés par des autochenilles). A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le Revard est une station de sports d’hiver réputée.
En 1938, M. et Mme Besson, industriels installés dans le département de la Loire, envisagent de créer une nouvelle station au nord du Revard sur les alpages de la Clusaz et de Crolles dont ils sont propriétaires. L'imminence du conflit mondial explique probablement l'abandon de ce projet.
4) Un projet d’aménagement ambitieux : 1953 – années 1970
En 1953, la station est morcelée en 8 lots acquis par différents propriétaires :
-Le Grand Hôtel est vendu à la Société Giore puis divisé en 2 lots : un hôtel de 30 chambres et une copropriété de 30 studios ;
-Le Chalet PLM est vendu à Charles Bouvard ;
-Le logement du personnel (la Gaillarde, construit en 1928) est acquis par M. Jeandet et transformé en hôtel ;
-Le restaurant du téléphérique est vendu à M. Quatrevalley ;
-Les forêts sont acquises par la Ville d'Aix-les-Bains ;
-L'ancienne gare d’arrivée de la crémaillère est vendue à la Société La Crémaillère puis divisée en lots commerciaux ;
-Le téléphérique et le téléski de l’Observatoire sont vendus à la société Sapec ;
-Les terrains restants sont acquis par la Société immobilière (SI puis STIR, société touristique et immobilière, à partir de 1960) ;
Dès juin 1953, la SI lance la construction du lotissement A dont le dessin et la conception sont issus d’une réflexion plus générale sur l’aménagement de l’ensemble du plateau, commandée par le conseiller général Gaston Mollex en 1952 à l’architecte-urbaniste Laurent Chappis. Après une reconnaissance de terrain, Chappis propose la création d’un centre international de tourisme d’été qu’il positionne comme l’alter-égo estival de Courchevel. De la Gornaz au Revard, ce centre adopte la physionomie d’une ville d’altitude dotée d’infrastructures administratives, sportives et culturelles dont l’implantation prend en compte la topographie, l’exposition au vent et l’ensoleillement. Entre 1953 et 1956, Chappis dessine, à la demande de la SI, 4 lotissements supplémentaires (lotissements B, C, D et E : centre commercial, chalets individuels, auberges de jeunesse et colonies de vacances), prévus dans le plan d’aménagement général. Il envisage également de construire un chalet grenier, au coeur du futur lotissement D, pour abriter un bureau de vente. Mais le lancement et la réalisation du lotissement A ne rencontrent pas le succès attendu. En effet, la clientèle visée se tourne vers d’autres stations désormais plus en vue et l’occupation du Revard se heurte rapidement à une insuffisance des moyens d’alimentation en eau potable et d’assainissement. Ces difficultés mettent un terme dans les années 1970 au projet de construction du lotissement de Crolles (non prévu dans l'aménagement de Laurent Chappis). Ni le centre international de tourisme estival, ni les zones B, C, D et E ne voient le jour et seul le lotissement A est réalisé.
5) Nouvelles orientations : depuis les années 1970
A la fin des années 1970, les autorités publiques positionnent le Revard comme un « site de loisirs urbains », c’est-à-dire comme un poumon vert pour les bassins urbains de proximité (Aix-les-Bains, Chambéry et Annecy). La station doit poursuivre son développement autour des aménagements existants et des éléments considérés comme les atouts du site : les efforts se concentrent désormais sur le développement des pratiques hivernales (ski alpin et ski de fond pratiqué depuis 1971 sur le plateau) et sur la conservation du cadre dit « naturel » de la station. Le plan d’occupation des sols adopté en 1986 prend acte de la Loi Montagne (1985) et limite les nouvelles constructions à la zone déjà bâtie de la station. Le parc de remontées mécaniques est rénové. Le domaine nordique, dont les pistes ont été tracées à l’occasion des 60e championnats de France (1972-1973), se structure grâce à la création de l’association du Grand Plateau Nordique en 1986 et à celle de la porte de Crolles en 1991.
Limites administratives et topographie
La station du Revard se situe sur le territoire de plusieurs communes :
-le bâti et les pistes de ski alpin se répartissent sur Montcel (section AD), Pugny-Châtenod (section AC) et Les Déserts (section AB)
-le domaine nordique occupe Les Déserts et Saint-François de Salles
-les forêts appartiennent à la Ville d’Aix-les-Bains
La station, située au-dessus d’Aix-les-Bains à 1545m d’altitude, est accessible par la route départementale n°913 depuis Aix-les-Bains et Chambéry. Elle est délimitée : à l’ouest, par la falaise ; au nord, par le départ du téléski des Ebats ; à l’est, par la porte d’entrée de Crolles qui donne accès au domaine nordique ; au sud, par les fermes du Revard (communes de Mouxy et des Déserts).
Le sommet de la station, situé en bordure de falaise et accessible en voiture depuis la route départementale, offre une vue panoramique sur les montagnes (à l’est), le Mont-Blanc (au nord-est) et le lac du Bourget (à l’ouest). Depuis la création de la station en 1892, le sommet est aménagé comme promenade et belvédère : observatoire (en bois puis en pierre, 1892-1935) puis gare supérieure du téléphérique (depuis 1935) et nouveau belvédère (aménagé en 2010). A l’est de la route départementale, le terrain se caractérise par des déclivités douces (le site est aussi appelé « plateau du Revard ») qui accueillent le domaine nordique. A l’ouest, la topographie présente des pentes plus raides occupées par les pistes de ski alpin. Le Revard présente par ailleurs un important couvert forestier.
Organisation du bâti et du domaine skiable alpin
Le bâti de la station est peu étendu et peu dense. Il est regroupé entre le sommet et la route départementale (excepté le foyer de ski de fond et le gîte La Gaillarde) et desservi par une route secondaire en lacets jusqu’au sommet. Un ensemble de bâtiments attenants, dotés de boutiques en rez-de-chaussée et bordés d’une grande aire de stationnement qui donne accès à la piste de ski pour débutants (et à la partie nord du domaine skiable), constitue la zone d’accueil de la station (voir Ensemble de 3 immeubles et un établissement administratif). Les chalets individuels, répartis autour de trois boucles de voirie et dissimulés dans la forêt, constituent la majeure partie de l’habitat. Trois immeubles (voir Grand Hôtel et La Revardière) et un hôtel (voir chalet Bouvard) complètent le parc de logements. Le sommet, aménagé en belvédère, est aussi occupé par un restaurant et une boutique de souvenirs (voir Restaurant Les Quatre Vallées).
La configuration du domaine skiable ne résulte pas d’une organisation d’ensemble mais d’aménagements progressifs. La route de desserte de la station coupe l’actuel domaine de ski alpin en deux parties correspondant à différentes phases d’aménagements : au sud, la piste de l’Observatoire est la piste historique de la station (première remontée mécanique installée en 1936) ; les pistes et les remontées mécaniques situées au nord (et exposées à l’est et au nord) ont été créées dans la seconde moitié du XXe siècle.
Caractéristiques architecturales et intérêt patrimonial
L’architecture du bâti de la station se caractérise par son hétérogénéité liée au fait que l’ensemble des constructions élevées depuis la création de la station en 1892 ont été conservées. A ce titre, le bâti du Revard est un très bel exemple de l'évolution de la manière de construire en montagne, de la politique d'aménagement de cet espace et des représentations qui y sont liées. Des architectes et ingénieurs importants interviennent pendant toute la première moitié du XXe siècle (Henri Juvet, Béguelin, Fleury Raillon, Pierre Patout, André Rebuffel, Laurent Pierron, Louis Guidetti, Laurent Chappis) tandis que les chalets bâtis après les années 1950, majoritairement par des constructeurs de chalets, témoignent du phénomène de démocratisation de la montagne et des pratiques de sports d’hiver.
Les activités
Le Revard se caractérise par une activité saisonnière estivale et hivernale. Etant donné la faible capacité d’hébergement de la station, une grande partie des visiteurs fréquente le site à la journée. Pendant l’hiver, le domaine de ski alpin, caractérisé par sa faible étendue et sa faible déclivité, attire essentiellement une clientèle familiale. Le domaine nordique, l’un des plus grands de France, est fréquenté par une importante clientèle de fondeurs. En été, les pentes du Revard sont pâturées par les vaches des alpages environnant (Chalet de la Clusaz, Chalet de Crolles et Fermes du Revard). Le site, qui attire pour la vue qu'il offre, est fréquenté pour des activités de randonnée pédestre, VTT et cycliste. La station s’est également dotée d’une aire de décollage pour les parapentes.
Photographe au service de l'Inventaire général du patrimoine culturel, site de Lyon