Le bourg de Saint-Pierre-d'Albigny est implanté le long de la RD 201 qui reprend le tracé de la voie romaine. Il prend peut-être la suite d'un vicus gallo-romain (Mantala). L'église Saint-Pierre est mentionnée au début du 11e siècle. Un couvent de chanoines augustins est fondé en 1381 par Jean de Miolans, puissant seigneur de la forteresse voisine. Un hôpital a également existé au XVIe siècle, une école est fondée à la fin du 17e siècle (testament du 2 juillet 1689 de noble Claude Henri Paernat chanoine de la Sainte-Chapelle, auparavant curé de Saint-Pierre-d'Albigny, cité par un acte dans AD Savoie, 138 Edépôt 56). S'il est largement fondé sur un substrat médiéval, dont témoignent des baies ou des remplois à moulurations caractéristiques du 15e ou 16e siècle (encadrements à chanfreins et congés, portes piétonnes à linteaux sur coussinet ou linteau en arc infléchi, portes charretières ou portes de caves en arc en plein cintre, croisées, consoles de cheminées), le bâti du bourg est essentiellement datable du 18e siècle avec des remaniements aux 19e et 20e siècles (voir Les hôtels, maisons et immeubles du bourg de Saint-Pierre-d'Albigny). Une centaine de "maisons" est listée aux mas de "Saint Pierre d'Albigny" et de "Dessus le Pont" sur la mappe sarde vers 1730, dont une dizaine en propriété noble. Le "pont" fait référence au pont sur le Gargot, qui porte la date 1785 dans un cartouche sculpté sur le parapet sud (inscription déplacée dans le dernier quart du 20e siècle)
Ce bourg est pris comme exemple, dans l'Atlas historique et statistique de la Savoie au XVIIIe siècle, de "gros bourg", qui s'il ne compte "que" 573 habitants est le coeur d'une paroisse dynamique de 1810 habitants en 1743 (et 2422 en 1786, soit une croissance de plus de 30%). Sa population est composée pour 40% d'artisans (dont douze cordonniers, 7 tailleurs, trois maréchaux-ferrants, 6 charpentiers, un menuisier, un tailleur de pierre), plus quelques commerçants : 13 marchands ou boutiquiers, 8 aubergistes (cabaretiers ou "hôtes", chiffre qui passe à 19 en 1766), un quincailler et tanneur. Le reste est formé d'agriculteurs et ouvriers, l'ensemble étant plutôt de revenu modeste. La population plus aisée est composée de professions libérales : cinq notaires, un avocat, trois chirurgiens, un apothicaire, plus le sergent royal, et 9 ecclésiastiques. Il y avait également plusieurs établissement liés à l'utilisation de la force motrice de l'eau (voir IA73003585, IA73003586, IA73003587, IA73003588, IA73003589).
Le bâti se concentre de part et d'autre d'une rue principale est-ouest parallèle aux courbes de niveau (la route reliant Chambéry à Conflans), avec un au centre le croisement avec une rue nord-sud qui descend au sud vers l'église. Les édifices forment un tissus dense de constructions mitoyennes, sur des parcelles en lanière avec jardin sur l'arrière desservi par une ruelle (rue du Pré de Miolans, chemin du Pré de la Cure dit aussi "sous les Clos", actuelle place de l'Europe). Des passages communs permettent de desservir les cours et escaliers communs (voir le dossier sur les maisons et immeubles). L'élévation des constructions (3 niveaux ou plus), la présence des passages et les nombreuses devantures de commerces (les cartes postales du début du 20e siècle permettent de juger de leur nombre) donnent à ce bourg une allure urbaine. Jusqu'au début du 19e siècle, la place centrale était (au moins en partie) encadrée de portiques : en effet en 1758 la maison de ville et bureau du tabellion, qui occupait alors le n°3484 de la mappe (au nord de l'église) est décrite comme "la maison qui se trouve au bout des portiques vers l’église paroissiale" (plan reproduit en illustration ; voir description de cette maison dans le dossier sur la 2e maison du tabellion et de la communauté, actuellement Hôtel Central). Ce type de maisons à arcades formant des allées couvertes est une disposition qui est également attestée à Montmélian jusqu’en 1717 ou au Châtelard jusqu’en 1867, et dont la place du Trophée d'Alby-sur-Chéran est l'exemple le mieux conservé. Le tissu urbain particulièrement dense autour de cette place fait place ensuite à des parcelles plus grandes, occupées par des maisons, immeubles ou hôtels ; les plus grands propriétés, appartenant à des nobles ou gros bourgeois, sont situées aux angles et en périphérie (pour bénéficier de plus de place et éviter la mitoyenneté).
Le bâti est renouvelé entre le 18e siècle et la 1ère moitié du 19e : il accompagne l'augmentation de la population, les changements de propriétés liés à la vente des biens nationaux (la vente des bâtiments du couvent des augustins le fait ainsi disparaître ou se fondre dans le tissu urbain ; voir le dossier de l'église des augustins) et l'alignement des façades qui touche particulièrement le carrefour central : dès 1785 la maison de l'angle nord-ouest est reconstruite (maison du tabellion et de la communauté, actuellement Hôtel Central), puis les bâtiments qui entouraient l'ancienne place au nord de l'église et du cimetière sont détruits pour aménager une grande place dans le 2e quart du 19e siècle, et les archives mentionnent au 10 juillet 1844 l'adjudication des travaux de reconstruction pour alignement de la façade des maisons Buffet, Boisson et Richard (plan et devis de M. Héraud adjudant du Génie civil du 3 juin, travaux par Joseph Passin, fils de feu Joseph, maître maçon, domicilié à Saint-Pierre-d’Albigny. AD Savoie, 138 Edépôt 257). Le cimetière est déplacé en 1822. La halle dessinée par l'architecte Chiron en 1835 n'a pas été réalisée (voir AD Savoie, 1Fi 44).
Les édifices publics situés au bourg sont :
- la mairie, édifiée sur les vestiges de l'église des Augustins (à sa construction elle comprend aussi une école de garçons, la justice de paix et le hangar aux pompes)
- l'école de filles, qui occupe au 19e siècle la parcelle 2018 E1 1502, non repérée ; agrandie en 1862-1863, architecte Joseph Samuel Revel, entrepreneur Jean-Baptiste Viglieno, AD Savoie 2O 2690 ; projet de déménagement dans l'école de garçons (jouxtant la mairie, voir ci-dessus) en 1901, architecte Théophile Arthur Bertin, Ad Savoie 138 Edépôt 262..
- le groupe scolaire : l'école primaire et supérieure de garçons est édifiée sur les plans et devis de Charles Coustard, architecte à Chambéry, dressés le 10 décembre 1881 et modifiés le 25 avril 1883 (voir illustrations). L'adjudication à Jean Vigliano entrepreneur à Saint-Pierre-d'Albigny est effectuée le 17 mai 1884. Charles Coustard étant décédé le 14 juillet 1885, l'architecte Jules Pin aîné est désigné à sa place. Il donne le 22 janvier 1886 un rapport à l’appui de son devis supplémentaire expliquant que le devis primitif ne prenait pas en compte la pente du terrain, et donc le décaissement et la construction d'un mur de soutènement. Le Mémoire des travaux exécutés est daté du 25 novembre 1887 et chiffre le chantier à 126 715,46 F avant rabais de l'entrepreneur (un secours de 80 000 F a été accordé par l'Etat) (AD Savoie 138 Edépôt 262 et 2O 2695).
- le pré de foire. Le groupe scolaire et le champ de Foire sont établis sur une propriété achetée à M. de Cumane.
- le petit séminaire, puis hôpital Michel Dubettier,
Il y avait également trois fontaines et un lavoir (voir tableaux de repérage, illustrations et annexe).
Un ilot du centre-ville (où se trouvait l'abattoir) a été détruit à la fin des années 1980 pour aménager la place de l'Europe.
Chargé de mission patrimoine bâti au Parc naturel régional du Massif des Bauges, en convention pour réaliser l'inventaire du patrimoine bâti de 2009 à 2023.