Naissance et développement
La véritable fondation de Montbrison est probablement l´oeuvre de Artaud II, premier comte de Forez, qui, repoussé à l´ouest du comté de Lyon par l´archevêque, édifie, vers 1075-1080, un château fort sur une butte basaltique dominant la plaine du Forez et le futur bourg médiéval. À la fin du XIe siècle, l´enceinte castrale renferme un donjon avec deux chapelles dédiées à la Vierge et à saint Pierre et un hôpital de pauvres. Le site devient une étape pour les pèlerins de Compostelle et les voyageurs qui empruntent le Grand Chemin de Forez (nord-sud) au pied de la muraille. Un habitat se développe peu à peu et se structure au XIIe siècle ; l´existence d´un marché est attestée vers 1130. À partir de 1173, date du partage du comté de Lyon et de Forez, la résidence des comtes de Forez se fixe à Montbrison. La ville se transforme progressivement en capitale : des rouages administratifs se mettent en place et le marché, primitivement agricole et local, devient aussi un marché régional du textile et du sel. Le Grand Chemin de Forez demeure l´axe principal des pèlerins et marchands ainsi que celui du négoce dérivé de leurs activités. La fin du XIIe siècle et le XIIIe siècle marquent la croissance de la ville : une seconde muraille est édifiée entre 1223 et 1258 et une prison construite dans le castrum réaménagé. Hors les murs, de nouvelles institutions s´implantent au sud du Vizézy où, vers 1220, Guy IV fait transférer l´hôpital puis construire, à partir de 1226, la collégiale Notre-Dame et le chapitre canonial qui exerce une véritable autorité sur la cité ; la charte de franchises qu´il accorde en 1223 est un atout supplémentaire pour le développement de la cité.
Au cours du XIIIe siècle, la ville s´étend jusqu´aux rives du Vizézy. Les lieux de marchés se multiplient, les quartiers se spécialisent. Dans les espaces libres, et en limite de l´agglomération, s´installent plusieurs ordres religieux, dont le couvent des cordeliers dans la partie ouest. L´augmentation de la population provoque la reconstruction, vers 1258, de l´église Saint-Pierre et les agrandissements des églises Saint-André et de la Madeleine, désormais toutes trois implantées le long du Grand Chemin. Au début du XIVe siècle, la résidence comtale se déplace près de la collégiale alors qu´une cour des comptes (puis auditoire de justice) est créée dans l´enceinte du château. L´aspect défensif passe au second plan et c´est vers le Vizézy que s´organise l´activité commerçante de la ville. Dans ce contexte, Montbrison va devoir affronter la guerre de Cent Ans ; préservée dans les premières décennies, la cité est mise à sac et incendiée en 1359 par les assauts anglais, puis rançonnée par des bandes de routiers en 1362. Pendant plus de cinquante ans, les habitants reconstruisent lentement ce champ de ruines.
Les contours de la ville sont déjà fixés. La population se confine sur les terrains disponibles, le bâti se densifie, des rues s´ouvrent, telles les anciennes rues de la Boucherie, de la Cordonnerie, déterminant des quartiers spécialisés par activité. Sans fortification, le bourg est de nouveau ravagé par les troupes bourguignonnes en 1422. Au cours de cette période, le comté de Forez est réuni par filiation au duché de Bourbon et Montbrison perd son rôle de capitale. En 1428 la duchesse Marie de Berry autorise la construction d´une troisième fortification. En dix ans, la ville est « somptueusement close et fortifiée » d´une enceinte de quarante-six tours et sept portes. Ainsi protégés, les habitants s´entassent dans ce lieu revivifié par la création de nouvelles foires ; tentatives bien vite anéanties par les épidémies de peste de 1467, 1484 et surtout celles de 1507 et 1545.
Le XVIe siècle est ponctué d´importants faits politiques tels que la visite de François Ier en 1536, la prise de la cité par le baron des Adrets en 1562 pour délivrer les pasteurs prisonniers, la guerre de pouvoirs entre chefs ligueurs dont l´un des acteurs est le duc de Nemours, gouverneur de Lyon, qui s´empare de Montbrison en 1592. La mort de celui-ci et l´abjuration d´Henri IV mettent fin aux troubles avec pour conséquence le démantèlement de l´ancien château en 1596.
Durant les XVIIe et XVIIIe siècles, Montbrison fait figure de capitale provinciale où dominent bourgeoisie et petite noblesse, qui financent en partie la création de nombreux ordres monastiques et enseignants, encouragés par le mouvement de la Contre-Réforme. Ainsi le collège des oratoriens est fondé en 1620, deux couvents d´ursulines (dont un hors les murs) sont installés en 1626 et 1648, de visitandines en 1643 tandis que les religieuses hospitalières de l´hôtel-dieu, en 1682, suivent la règle de l´ordre de saint Augustin. En 1665, le culte des reliques de saint Aubrin est réactivé et cet évêque légendaire du IXe siècle devient le saint patron de Montbrison.
Pendant ces deux siècles, la population, socialement très contrastée, est secouée par une succession de crises économiques et de grandes misères : la peste de 1626, les mauvaises récoltes de 1648 à 1653, puis celles de 1693 et 1694 conduisent à la disette et aux épidémies ; la fièvre typhoïde se répand à Montbrison. Les récoltes désastreuses de 1708 et l´hiver rigoureux de 1709 engendrent de nouvelles famines : ville et campagne sont touchées par ce marasme qui entraîne une catastrophe démographique à Montbrison. Malgré ces difficultés, plaine et montagne, monde rural et commerçant se rencontrent dans une économie d´échange dont le centre reste la cité. Mais au XVIIIe siècle les institutions montbrisonnaises sont ébranlées : les couvents se vident alors qu´un courant janséniste s´infiltre chez les oratoriens et les ursulines. Une loge maçonnique s´implante et recrute parmi les élus du Forez.
En 1789, la réunion des délégués du tiers état du bailliage de Montbrison a lieu dans la chapelle des Pénitents. Avec l´abolition des privilèges, les inventaires des couvents montbrisonnais, alors inoccupés, sont dressés dès 1789 et les biens du clergé vendus comme biens nationaux en avril 1791. La collégiale Notre-Dame et l´église de la Madeleine sont fermées respectivement en 1791 et 1792 en raison de la fidélité du clergé de Montbrison à l´Église traditionnelle. L´église des cordeliers est partiellement démantelée en 1806 tandis que l´église Saint-André, en très mauvais état, est transformée en abattoir en 1812.
Le centre ancien aux XIXe et XXe siècles
Montbrison devenue chef-lieu du département de la Loire le 23 août 1795, ne possède pas les finances suffisantes pour construire ses édifices administratifs, aussi affecte-t-elle les anciens lieux de pouvoirs ecclésiastiques à ces nouvelles institutions républicaines. La préfecture est logée dans le couvent des oratoriens, l´hôtel de ville dans le couvent des cordeliers et le palais de justice dans celui des visitandines. En composant avec ces édifices, la municipalité met en place des ensembles administratifs cohérents : le tribunal est ainsi associé à la prison et l´hôtel de ville à la bibliothèque.
Dans ce même temps, l´intérieur de la ville va être profondément remanié car la municipalité est constamment confrontée aux problèmes de salubrité et d´hygiène qui règnent dans une cité peu aérée, toujours enserrée dans des murailles mal entretenues puisque devenues inutiles sur le plan militaire. Par ailleurs, la pression démographique nécessite l´accroissement de la ville à l´extérieur du centre ancien obligeant la création de boulevards pour une meilleure circulation et une meilleure liaison entre la ville et les faubourgs.
Destruction de la troisième enceinte
Dès 1790, la municipalité, dirigée par le maire Pierre Barrieu, avocat au Parlement, vote la mise en circulation du nouveau boulevard avec la destruction progressive de la troisième enceinte. Une délibération du 5 juin 1790, prévoit de « jeter un pont sur la rivière » (pont Rouge) pour « la traversée du nouveau boulevard », en utilisant notamment les pierres de la porte d´Écotay. En 1797, les portes de Moingt et de la Magdeleine sont démolies tandis que peu à peu les tours, devenues gênantes du fait de leur situation sur les boulevards, sont démantelées. En 1802, les déblais du cimetière Saint-André servent à combler les fossés du boulevard Saint-Jean, complétés en 1804, par de la terre prélevée à proximité de la caserne ; des journées de charrois obligatoires sont fournies par les habitants. Ces fossés, désormais couverts, permettent le développement de nouvelles promenades ; en 1807, sur un sol nivelé, on plante plusieurs centaines d´acacias et de tilleuls. À cette date, le maire, Claude Lachèze, demande que ces boulevards, qui ceinturent la ville, relèvent de la direction de la Grande voirie en remplacement de l´ancien Grand Chemin de Forez qui traverse le bourg.
Le courant hygiéniste : aération, salubrité, sécurité
Pour faciliter la communication et aérer l´intérieur de la ville, de nouveaux passages sont aménagés dans les fortifications : des ouvertures sont effectuées en 1809 au niveau de la rue de la Boucherie et du boulevard Saint-Jean puis, en 1812, à hauteur de la rue Tupinerie (annexe 1) et du boulevard de la Mairie. En 1819, un plan d´alignement est réalisé par l´architecte voyer, Étienne Trabucco, chargé à partir de 1820 de sa mise en oeuvre (annexe 2). Ainsi les maisons, dépôts, tours, jardins et granges qui ne permettent pas une largeur uniforme aux boulevards sont démolis. La dynamique engendrée par la modification de ce bâti provoque, en 1821, une imposition tarifaire sur les droits de voirie pour les exhaussements de maisons, les créations de balcons, les ouvertures de boutiques, portes ou fenêtres, comme celles pratiquées dans les fortifications du boulevard de la Préfecture (annexe 3). Les liaisons vers le centre-ville se poursuivent. Sur le boulevard de la Caserne on effectue, en 1839, la percée du cloître Notre-Dame entraînant la construction de nouveaux immeubles, puis, en 1842, l´ouverture sur la rue Porcherie. Le plan de 1837 indique ces nouvelles réalisations ainsi que les promenades arborées sur les boulevards.
La présence de la rivière en plein centre-ville oblige à consolider les quais au voisinage des églises Notre-Dame et Sainte-Anne et le long du quai de la Porcherie ; elle nécessite aussi la reconstruction progressive des ponts. Pour ce faire, en 1836, la municipalité financièrement démunie lance un appel auprès de la population pour contribuer à la reconstruction du pont Notre-Dame (annexe 4). Pour l´alimentation en eau potable, près des quartiers habités, on prévoit en 1802 l´installation de quatre fontaines sur les places de la Préfecture, Saint-Pierre, Saint-André et du Marché. Les chaussées détériorées par la mise en place des conduites d´eau sont pavées et régulièrement entretenues, chaque habitant finançant la section longeant son domicile. Une délibération de 1849 précise qu´un transport de cailloux de la Loire, pris aux alentours du pont de Montrond, est destiné aux pavés de la ville.
En 1847 le conseil adopte le changement des noms de rues et de boulevards, avec un devoir de mémoire tout particulier envers M. Lachèze, ancien maire, à « la bonne administration duquel nous devons des promenades agréables et enviées des étrangers ». Dès lors, le boulevard de la Caserne devient le boulevard Lachèze. Dans les mois qui suivent, la Ville commande à la Manufacture (parisienne) de produits en chanvre imperméable, 310 plaques portant les noms de rues et 812 numéros de maisons.
L´aération et l´ensoleillement de la ville reste le but poursuivi par la municipalité qui, en 1842, supprime les arbres des contre-allées du boulevard Saint-Jean empêchant « l´influence bienfaitrice des rayons du soleil ».
En 1861, l´abattoir, aménagé dans la nef de l´église Saint-André, considéré comme un foyer d´infection, est déplacé en périphérie ; sur son emplacement Francisque Reymond impulse une opération immobilière et crée, en 1867, une nouvelle rue qui porte son nom.
Le plan d´alignement de 1872, parfois contesté (annexe 5), finalise les objectifs du courant hygiéniste : des maisons sont reculées ou démolies dans des rues trop étroites, comme la rue Saint-Jean qui va être élargie sur son côté sud. Au quartier du château, les ruines sont abattues pour des raisons de sécurité et de nouveaux agencements sont réalisés autour du Calvaire ; monument financé en 1835 par Jean-Baptiste d´Allard. Sur la rive gauche du Vizézy, le quai de la Porcherie est réaménagé après la destruction des masures que l´on tient pour de véritables foyers d´infections. En 1911, dans le secteur du collège une aération supplémentaire est créée avec le percement d´une rue qui reçoit le nom emblématique de rue Pasteur.
Embellissement et destruction
Les conseils municipaux qui se succèdent pendant le XIXe siècle et le début du XXe siècle ont constamment à l´esprit le « désir d´embellissement » de la ville. Aussi demandent-ils, aux propriétaires impliqués par des réaménagements urbains ciblés, la construction d´immeubles de qualité sur les endroits stratégiques, comme les immeubles en tête d´îlot, ceux installés sur les boulevards ou à l´emplacement des nouvelles entrées de ville.
La municipalité procède aussi à quelques aménagements à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Un programme mémorial se développe avec le soutien à la société historique pour la création de la salle de la Diana en 1862, à l´initiative du duc de Persigny. La ville acquiert et restaure la salle de la Diana qui devient le siège d´une société d´érudits montbrisonnais, reflets de la culture ancestrale des habitants. La création de la Diana nourrit le foyer culturel et intellectuel du Forez, diffusé par les journaux des imprimeurs locaux, comme les Bernard, puis la famille Brassart. D´autres initiatives voient le jour avec l´installation de la nouvelle croix de mission à l´entrée de la rue du Palais de Justice en 1872, la mise en place, en 1920, du monument aux morts de la guerre de 1914-1918, puis la colonne commémorative aux Combattants du sculpteur lyonnais Prost, érigée en 1922 sur la place de la Grande fontaine, devenue place des Combattants.
C´est en bordure de l´ancien centre que s´implantent à cette époque de nouveaux établissements à l´exemple du cinéma L´Astrée, sur l´ancien quai de la Porcherie, tandis que sur le boulevard intérieur de vastes édifices sont édifiés, comme le patronage Notre-Dame, les remises municipales, la distillerie Pichon, puis dans le milieu du XXe siècle les vastes entrepôts commerciaux Cherblanc.
La destruction de l´îlot Bourgneuf-Préfecture-Parrocel en 1960, pour faire place à des Habitations à Loyer Modéré (HLM), transforme considérablement le secteur urbain au nord-ouest du centre ville ; ailleurs la forte emprise au sol du parcellaire médiéval confère encore à cette cité un aspect historique qui mérite d´être protégé et mis en valeur.